
Il me semble évident que ni les otages, ni les dirigeants de l’action terroriste de Hamas se trouvent sous les tirs israéliens abattant des secteurs entiers de Gaza sur la tête de ses habitants. Les ‘précieux’ sont certainement dans les tunnels – les otages pour leur valeur en tant que monnaie d’échange ou, le cas échéant, pour des mises en scène d’exécution ; les dirigeants, pour leur “valeur” bien trop inestimable pour être gaspillée comme le sont les vies de leurs exécutants et de leurs figurants, rôle dévolu aux Palestiniens dont ils se disent les représentants.
Il me semble aussi que d’aller au-delà des mises en scène pour en venir à des exécutions réelles serait le geste au-delà de l’impardonnable. Je parle ici en terme tactique, j’espère qu’on l’aura compris.Je doute que même leur supporteurs aux idées les plus fumeuses puissent supporter les cris et les appels d’un enfant menacé d’une mort atroce comme couronnement à l’horreur déjà vécue, et si les leaders de Hamas sont le moindrement conscients des impacts médiatiques de leurs gestes (ce qui semble bien être le cas), ils en sont certainement conscients. Encore que, vu la perte de repères moraux qui semblent si avancée dans certains milieux, et l’aveuglement volontaire tellement répandu dans d’autres, la sidération pourrait tout aussi bien nourrir la croissance du chaos et de la déshumanisation.
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Cela dit, quand les noms de lieux évoquent des images précises parce qu’on y a vécu, l’effet n’est pas le même que lorsqu’il ne s’agit que de mots sur un écran. Les alertes sur le Nord, en proximité du Liban me rappelle l’angoisse que je ressentais chaque fois qu’on annonçait, “une attaque terroriste sur un kibboutz près de la frontière” puisque ma fille habitait justement un kibboutz à un kilomètre de la frontière libanaise, que je connaissais l’endroit, et que ces visualisations ne faisaient rien pour diminuer l’angoisse déclenchée par un tel rapport succinct parmi d’autres “brèves” désincarnées.
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Le premier des poèmes de Mandelstam que j’ai noté dans le carnet d’arpenteur en 1982 provenait de son premier livre, камень (Pierre). Je n’avais pas noté le nom du traducteur et la seule traduction française que j’en trouve ne mentionne pas que le fruit est une pomme (ce qui est loin d’être un détail, ni pour la sonorité, ni par le fait que la pomme revient souvent dans ses poèmes); le bruit ‘précis’ en anglais devient ‘prudent’ en français; de quel mot s’agit-il en russe ? Mystère. Or, sans jamais avoir entendu la version originale, simplement en me remémorant le son à la fois définitif et étouffé dont il est question, ainsi que la sensation de présence silencieuse que dégagent les arbres en forêt, je regrette de n’avoir jamais lu ou entendu le poème original (youTube a une sélection d’enregistrements de Mandelstam lisant ses poèmes, je vérifierai plus tard.)
Bruit sourd et plein de prudence
Du fruit qui tombe de l’arbre
Parmi l’inlassable chanson
Des profonds bois en silence…
(Le second poème que j’avais noté, tiré du même recueil):
Ne lire que des livres pour enfants,
N’avoir que des pensées enfantines,
Jeter tout ce qui est adulte,
Se relever d’une profonde tristesse.
Je suis mort de fatigue de la vie,
je n’en accepterai rien.
Mais j’aime mon pauvre pays,
Car je n’en ai vu aucun autre.
J’ai bercé dans un jardin lointain
Sur une simple balançoire en bois, De
grands sapins sombres dont
je me souviens dans une fièvre brumeuse.
Osip Mandelstam (1908)
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Hier, sur Facebook, il y avait un appel lancé par un dirigeant de Hamas pour un pogrom généralisé à travers le monde, pogrom qu’il souhaitait pour ce vendredi, 13 (on aura compris qu’avec ses connotations négatives, le choix de la date n’est pas fortuit, et certainement “non conforme aux standards de la communauté Facebook”.) Je n’ai pas partagé cet appel, le désarroi et la confusion me semblant déjà suffisamment nourris par d’autres et pareil appel au-delà de répugnant dans son horreur.
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It seems obvious to me that neither the hostages nor the Hamas leaders of the terrorist action find themselves under the Israeli shattering entire sections of Gaza down on their inhabitants’ heads. They are certinaly in the tunnels – the hostages, because of the value for exchanges of prisoners or, failing this, for staged execution scenes; the leader, for their much too precious “value” to waste it the way the lives of their foot soldiers are, or those of their “extras”, the role they’ve assigned to the Palestinians they claim to represent.
It also seems to me that going beyond the staging to the carrying out of real executions would be the act beyond the unforgivable. I’m speaking here in tactical terms, I hope this is understood. I doubt even their most wooly-minded supporters could deal with a child’s cries and pleas when faced with an atrocious death as the crowning of the horrors already experienced, and if the Hamas leaders are the least bit media-savvy (as they certainly seem to be), they surely know this. Although, the loss of moral landmarks appears to be so deep in some environments, and the self-willed blindness so prevalent in others, that the amazement might well feed the increasing chaos and ongoing dehumanisation.
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That said, when the place names evoke specific images because you have lived there, the effect is not the same as when they are nothing but words on a screen. The alerts in the North, close to the Lebanese border, carry reminders of the anxiety experienced, every time there was news of “a terrorist attack on a kibbutz close to the border”, when my daughter was precisely in such a kibbutz, one kilometer distant from the Lebanese border, that I knew the place and that visualizations did nothing to diminish the anguish triggered by each such brief report among other disembodied news flashes.
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The first poem by Mandelstam noted in the land surveyor’s notebook back in 1982 was from his first book, камень (Stone). I’ve never read nor heard the poem in Russian, something I regret (I youTube has a selection of readings by Mandelstam, I’ll check later.)The English translation I wrote down (with no mention of the translator’s name) reads as follows :
An apple drops to the ground,
toneless, precise
and all around
the song of the trees, the forest silence
(1908)
The second poem I jotted down was the following :
To read as children read
to think as children think
to blow away everything large
to rise up out of sorrow
I’m tired to death of life
I don’t want any
but I love my miserable country
having known no other.
In a garden, far away, I swung
on a a wooden swing,
and I still remember the dark, tall trees
through a feverish mist.
Ossip Mandelstam (1908)
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Yesterday on Facebook, a Hamas leader called for a world-wide pogrom, a pogrom he wished to see on this Friday the 13th (seeing the date’s negative connotations, the choice is clearly not fortuitous, and never mind that such an appeal was not “in accordance with Facebook community standards”). I did not share this appeal, dismay and confusion being already sufficiently fed by others and such appeals being beyond repulsive in its horror .