6 octobre 2023

L’horreur absolue et à répétition que déclenche la Russie sur des civils sans défense en Ukraine. Aux nouvelles les plus récentes, hier, 51 morts et 7 blessés dans un commerce alimentaire du petit village de Hroza (population de 330 personnes, du moins avant la frappe d’hier); dans une vidéo, de l’alignement de sacs blancs contenant les cadavres, s’élève la sonnerie d’un téléphone – la chanson oi u luzi chervona kalyna). Ce village ne contenait aucune cible militaire. Le doute ronge les survivants : qui a permis une frappe aussi précise sur un rassemblement destiné à honorer l’un des leurs, tombé au combat ? L’horreur pour l’horreur, comme signature, comme défi à l’opinion mondiale et gageure que le Kremlin saura bien manipuler ses alliés et menacer ses adversaires, suffisamment pour remporter la donne. La concordance de cette horreur et des déclarations de Poutine sur ses armes nucléaires est tout sauf accidentelle.

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Au regard de ce qui précède, comment me sentir autrement que déconcertée par des retours très positifs que reçoivent les Contes d’Exil, contes qui m’accompagnent depuis si longtemps comme des voix intérieures que je n’ai jamais vraiment imaginé qu’ils trouveraient une résonance chez d’autres. J’avais simplement décidé de les faire imprimer parce que je voulais que la Kalmouke, Pavel, Katia, l’ours, aient une vraie maison, ce qu’un livre représente pour des personnages, dans ma façon de voir les choses. Je suis à la fois touchée, déconcertée, et pas certaine de savoir comment réagir, autre que de dire merci.

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Que faire d’autre que de revenir à ce que je tente d’écrire, en ce moment.

Inopinément, dans une grande enveloppe hier, je suis tombée sur le fameux carnet d’arpenteur que j’ai mentionné hier, ainsi que des écrits et des articles du Jerusalem Post d’il y a maintenant plus de 40 ans. Alors, je sais au moins où et sur quels événements le récit se terminera.

Mais ce que ça donnera, je ne sais pas, ayant déjà tenté à quelques reprises d’écrire cette fiction, inspirée de faits vécus, oui, mais non seulement je ne suis pas un homme et la voix du narrateur est celle d’un homme plutôt jeune, mais les faits eux-mêmes sont triturés dans leur chronologie et leur emplacement, certains s’étant produits plutôt sur le site de construction de la base aérienne militaire de Ramon près de Ber Sheva, Israël, d’autres à Ovda, à Tel Aviv et dans un kibboutz près de la frontière libanaise.

Enfin, pour l’heure, ça débute ainsi :

« Je suis seul, je sors sur la grand-route;

Le silex scintille dans la nuit…

Dieu repose et le désert écoute,

Et l’étoile pour l’étoile luit. »

Mikhaïl Lermontov

Ovda ’80

Le moins que l’on puisse en dire, c’est qu’il n’y a personne ici avec qui partager ce moment, lorsque le chantier s’interrompt pour la nuit; que la poussière du désert et du chantier retombe, que la chaleur se retire des pierres, que le soleil couchant produit des lueurs ambrées sur le sommet des montagnes et que les étoiles deviennent visibles, enfin. Visibles et muettes dans le froid qui s’installe.

Dans les baraques, on boit, on joue aux cartes, on écrit à la fiancée au loin, on s’enferme sous la douche pour se masturber. Aujourd’hui, on nous a dénoncé un autre représentant de la Tuk Tuk, cette mafia thaïlandaise qui est venue s’installer sur le chantier avec tous ces travailleurs embauchés à l’étranger. Encore un qui, grâce à un aimant implanté sous l’ongle et ses cartes pipées , rafle toutes les donnes et ruine les ouvriers – certains sont de jeunes médecins, venus ’faire fortune’ ici avant leur mariage. Ils bossent toute la journée à 45° avec des cagoules sur le visage pour maintenir le teint plus clair prouvant leur appartenance à une classe plus…comment dire ? …Honorable ? Non, mais plus honorée, très certainement. Demain, il y aura sans doute d’autres scandales liés à la secrétaire du chef électricien britannique, une pauvre conne en train de perdre la tête sous l’effet combiné de l’alcool et de la cour que lui font les mâles en rut. Vraiment, elle n’a jamais connu pareil succès « back home »; à elle seule, elle est devenue championne des enfilades en série. Ce qui, en soi, la regarde, si elle veut se ruiner l’existence, qui peut l’en empêcher? Sauf qu’elle commence à fixer des rendez-vous de jour et disparaît du bureau pour s’occuper de ses « boyfriends », lesquels ne bossent pas non plus pendant leur sex-break. J’attends le moment où elle sera prise sur le fait dans un espace public pour la faire virer – ce qui ne saurait tarder. 

Les choses n’iront pas en s’améliorant, maintenant que l’autorité israélienne a interdit la ville aux travailleurs construisant la base aérienne, depuis qu’un chauffard ivre a fauché une famille dans un accident routier. L’autre jour, toujours chez les ingénieurs électriciens britanniques, je suis tombé sur des verres plein de « limonade » sur les tables de travail; celui que j’ai eu en main contenait certainement trois parts de gin pour une petite dose de jus de citron. Quand on est à vérifier les plans pour les circuits électriques des futurs bunkers souterrains, sorry, mais ça ne va pas. 

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Absolute and repetitive horror unleashed by Russia against defenceless civilians in Ukraine. Yesterday, the tally stood at 51 dead and 7 injured in a Russian missile strike against a food store/café in the village of Hroza (population of 330 people, at least, prior to yesterday’s strike); in one video, from the alignment of white body bags, a phone signal rises on the song oi u luzi chervona kalyna. The village contained no military targets. Doubt gnaws at the survivors: who was it who allowed for such a precise strike on a gathering to honor one of their own, fallen in combat ? Horror for horror’s sake, as a signature, as a defiance to world opinion and a bet that the Kremlin can manage to manipulate its allies and threaten its adversaries, sufficiently to carry the game. The timing of this horror and of Putin’s declarations about his nuclear weapons is anything but accidental.

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In light of this of what precedes, how else could I feel when receiving very positive responses the Tales of Exile, tales that have been with me as inner voices for so long that I never truly imagined they would resonate for others. I had simply decided to have them printed because I wanted the Kalmouke, Pavel, Katia, the bear, to have a real home, which is what a book represents for fictional characters, in my way of seeing things. I am both touched, disconcerted and not at all sure of how to react, save for saying thank you.

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What else can I do, but get back to what I am attempting to write at the moment.

Unexpectedly, in a large envelop yesterday, I came across the famous land surveyor’s notebook I mentioned previously, plus writings and newspapers articles from The Jerusalem Post of those days, now over 40 years ago. So now I know at least one thing: how and on which events the tale will end.

But what will come of it, I don’t know, having made several previous attempts at writing a fiction inspired by real events of those days. A fiction, yes because not only am I not a man, but the voice telling the tale is that of a rather young man, and the facts themselves are re-combined in their chronology and location, some of them having occurred on the construction site of the military airbase of Ramon, near Bersheva, Israel, others in Ovda, Tel Aviv and in a kibbutz close to the Lebanese border.

For now at least, it begins thus :

Ovda ’80

“Alone, I walk out on the highway

the flint glitters in the night,

God rests and the desert listens

and to one star glimmers another.”

Lermontov

The least that can be said about it, is that there is no one here with whom to share this moment, when the work stops for the night; when the dust from the desert and the building site falls back, the heat seeps out of the rocks, the setting sun produces amber glimmers on the mountain tops and the stars finally become visible. Visible and mute in the cold settling down.

In the baracks, it’s the time for drinking, cards, letters to a far-away fiancée, time spent masturbating under the shower. Today, we received a denunciation of another representative of the Tuk Tuk, the Thai mafia that settled in the camp another with the workers hired abroad. Another one who, thanks to a magnet implanted under the nail and trafficked playing card Aujourd’hui, on nous a dénoncé un autre représentant de la Tuk Tuk, cette mafia cleans out the workers – spùe are young medical doctors, come over to “make a fortune” here, prior to their wedding. They work all day in 110° weather wearing hoods protecting the light skin on their faces, light skin proving they belong to a class of …how should I say ? Honorable ones ? No, but more honored, certainly. Tomorow, we’ll problably have more scandals dealted to the head electrician’s secretary who is losing her head under the combined effects of alcohol and the courtship of so many horny males. Truly, she’s never known such popularity “back home”; all by herself, she has become the campion of serial fucks. Which is her own business, she wants to ruin her life, who’s to stop her ? Except she’s started setting daytime appointments and leaves the office to go take care of her « boyfriends », who also skip work during their sex-break. I’m waiting for the moment when she’s caught in the act in a public space to have her fired – it shouldn’t take too long now.

Things won’t improve now that the Israelis have put the town off-limits to the workers on the airbase construction, ever since a drunk driver killed a whole family in a car accident. The other day, again with the British electrical engineers, I came across glasses full of “lemonade” on the wrok tables; the one I had in hand certainly contained three part of gin for a stlight sprinking of lemon juice. When your job is to check the circuitry for the underground bunkers, sorry, but it won’t do.

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