29 septembre 2023

Je n’apprendrai rien à personne en disant que la confiance s’impose lorsqu’on lit un auteur en traduction. On ne peut deviner qu’à ses propres réactions si le ‘rendu’ est au plus près des intentions de l’auteur, ou pas.

Par exemple, je ne saurais dire si c’est l’auteur ou la traductrice qui ne développe pas avec l’acuité complète l’ironie aussi fine que cruelle de ce pauvre type dans Graphomanie d’Andreï Siniavski qui s’imagine déceler des emprunts par des auteurs à succès à son oeuvre jamais publié – un peu plus, il irait en trouver chez des auteurs ayant écrit avant même sa propre existence. Chose certaine, par contre, je suis convaincue que les vers de Pouchkine cités dans Verglas, vers que je ne connais pas, ont un “rendu” autrement plus prenant dans l’original que dans la traduction que j’en lis ici. On peut se débrouiller très correctement en prose et avoir toute la subtilité d’un cornichon quand on approche la poésie. * Cela dit, j’imagine bien comment cette nouvelle a été retenue par le tribunal à charge contre son auteur – pensez donc: se moquer de la glorieuse Marche Soviétique vers l’Avenir…

*André Siniavski, C’est bien écrit!, traduit du russe par Sonia Lescaut Les éditions du tryphon, 2023

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Avenir dans lequel nous pataugeons dorénavant, atomisés…Chaque lecture des journaux me ramène à cette impression désolante des journées de fin d’hiver en région boréale, quand la neige se transforme en gadoue brune, les bottes prennent l’eau et que chacun dans la foule maussade tente d’enjamber les mares d’eau sale à chaque coin de rue. En râlant, bien sûr, mais en faisant “comme si” la perspective d’une soirée devant son émission télé préférée constituait l’ultime but atteignable dans son existence. Oublier, oublier, surtout, éviter de penser à quoi que ce soit de sérieux, que ce soit l’attitude du patron ou l’état de la planète, sur un leit-motiv de “toute façon, j’y peux rien, que sera sera,” et ainsi de suite.

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Envoi de plusieurs copies de Contes d’Exil par la poste aujourd’hui; plusieurs autres réservés pour distribution locale. Impression curieuse, comme si les contes ne m’appartenaient plus, d’une part, et ce flottement qui se poursuit concernant ‘l’après’. Mes autres écrits étant d’une facture bien différente.

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I won’t learn anything to anyone when saying that trust is required when reading an author in translation. One can only guess from one’s own reactions whether the experience is in agreement with the author’s intention.

For instance, I can’t say if it’s the translator or the author who does not fully develop the acuity of the irony, both fine and cruel, of the poor bugger in Andrey Siniavski’s Graphomania who imagines successful writers borrowing from his never-published work – a bit more, and he would see traces of this in authors who wrote before he even lived. However, I’m certain that the Pushkin verse quoted by Siniavsky in Black Ice, verse I never read before, are more moving in the original than in the translation I read here. You can manage quite well with prose and be as subtle as a pickled cucumber when approaching poetry. That said, I can well imagine how that short story was held against its author – imagine : making fun of the glorious Soviet March into the Future…

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A future in which we slosh along, each person atomized…Every reading of the news brings back that depressing impression of final days of winter in Northern climates, when the snow has turn to brown muck, boots leak and the crowd attempts to straddle the ponds of dirty water on every street corner. While kvetching, of course, but pretending ‘as if’ the thought of an evening in front of a favorite TV program was the ultimate attainable goal of their existence. Forgetting, forgetting, most of all, avoiding thinking about anything serious, be it the boss’ attitude or the state of the planet, on a recurring theme of “anyway, I can’t do a thing about it, whatever will be will be,” and so on.

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Sending off several copies of Tales of Exile by mail today; several more on hold for local distribution. An odd impression, as if the tales no longer belong to me, for one, along with that ongoing floating sensation concerning what comes next. Other writings being in a very different vein.

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