
Le fleuriste local est mythomane. Il raconte si bien que, si on ne vérifie pas ce qu’il raconte, ça paraît tellement crédible qu’on le croit sur parole. Je suppose qu’il n’a jamais songé à utiliser son talent pour écrire des fictions. Sans doute parce que la mythomanie ne répond pas au même besoin que la fiction puisqu’elle correspond à un besoin de se masquer quelques vérités humiliantes.
Alors, laissons mon fleuriste de côté pour un moment et imaginons que l’Allemagne et l’Italie aient remporté la 2e Guerre mondiale et qu’au lieu du choc de defaites ignominieuses, les Allemands et les Italiens aient été confortés dans leur soumission abjecte au nazisme et au fascisme, et qu’en dépit de toutes les difficultés matérielles qu’ils éprouvent, ils n’aient qu’une seule envie : en faire baver encore et encore à ceux qui ont osé les attaquer et qu’ils chargent de toutes les indignités de la condition humaine, au contraire d’eux-mêmes “nettoyant” la planète de ses dégénérés. Imaginons un tel scénario appliqué sur plusieurs générations, et tournons-nous maintenant vers la Russie où la mythomanie est devenue la règle. La lecture de Z comme zombie d’Iégor Gran* devient alors d’une limpidité effarante. Son introduction se lit comme suit :
“Les transes zombies retranscrites ici, aussi démentes qu’elles paraissent, sont absolument avérées. Rien n’a été exagéré et beaucoup a été omis. Certes, “tous les Russes ne sont pas comme ça”, comme le clame la sagesse du bistrot de la gare – à laquelle je souscris volontiers. Il n’empêche. La mutation de la Russie en Zombieland toxique est ce qui a rendu la guerre possible. Il s’agit maintenant de comprendre les rouages de cette folie, ou, à défaut, de s’en approcher, pour pouvoir nous en prévenir, et, éventuellement, soigner les sujets atteints.”
Le tout se lit en quelques heures – une sorte de précis de la zombification d’une nation où on appelle ouvertement la télé une zombocaisse et où les leaders s’imaginent faire “mieux” que Goebbels qui affirmait qu’ “une propagande mensongère prouve qu’elle sert une mauvaise cause. Elle ne peut pas réussir à long terme.” Le régime poutinien croit exactement le contraire et les zombifiés sont pleinement d’accord avec le régime. Les faits importent peu; leur interprétation est tout, et plus ces interprétations sont contradictoires, plus le régime démontre son talent à confondre les Occidentaux imbéciles. À moins, comme l’écrit Gran, que ce soit “parce que mentir est à ce point pathologiquement vissé à la nature du gouvernement poutinien que l’on ment d’abord et qu’on réfléchit après.”
Oui, confondre l’Occident, toujours prêt à se laisser berner, voilà le projet. À la vue d’une image de ce repas d’Etat récemment sous les ors obscènes du château de Versailles, m’est revenu le regard vipérin que Poutine coulait en direction d’un Macron version premier mandat, fier comme un gamin d’exposer les splendeurs de Versailles à son hôte dont le regard disait clairement comment cette parade ostentatoire était reçue comme une tentative de l’humilier, lui, l’héritier des tsars.
Comme on dit au Québec, “on n’est pas encore sorti sur du bois” , puisque dans “le bois”, on ne trouve pas d’auberges.
*Iégor Gran, Z comme zombie, P.O.L éditeur, 2022
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Réunion ce soir avec quelques amis sur des sujets de préoccupations locales, certes, mais en lien direct avec le vaste sujet de l’utilisation publique de ce bien autrement plus précieux que l’or de Versailles – l’eau.
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The local florist is a mythomaniac. His tales are so plausible that, if you don’t check out the facts behind histales, you take his word for it. I guess he never considered using his talent to write fiction. No doubt mythomania does not respond to the same need as fiction does, since it serves a need to hide some humiliating truths.
So let’s leave my florist aside for a moment and imagine that Germany and Italy had won the 2nd World War and instead of the shock of ignominious defeats were comforted in their abject submissiveness to nazism and fascism and, despite all material hardships, had but one wish: to make life miserable over and over again to those who dared attack them and whom they charge with every indignity in the human condition, whereas they are “cleansing” the planet of its degenerates. Let’s imagine such a scenario applied over several generation and now, let’s turn toward Russia where mythomania has become the rule. Reading Z as in zombie by Iegor Gran then takes on a frightful clarity; his introduction reads as follows:
The zombie trances transcribed here, as demented as they may seem, are absolutely averred. Nothing was exaggerated and much has been omitted. True, “all Russians are not like that”, as the local tavern wisdom goes – one to which I readily subscribe. Nonetheless. The mutation of Russia into a toxic Zombieland is what has made the war possible. We now must understand the workings of this madness, or, failing this, approach it so as to protect ourselves and, eventually, heal those afflicted by it.”
The book can be read in a few hours – a kind of summary of the zombification of a nation that openly refers to its TV sets as zomboboxes, and whose leaders believe they are doing one better on Goebbels who claimed that “a lying propaganda proves it is serving a bad cause. It cannot succeed in the long run.” Putin’s regime believes the exact opposite and the zombified fully agree with the regime. Facts don’t matter much; their interpretation is all, and the more contradictory those interpretations are, the more the regime demonstrates its talent in confusing the dumb Westerners. Unless, as Gran writes, the confusion occurs “because lying is so pathologically ingrained in the nature of the Putinian regime that one lies first, and thinks it out later.”
Yes, confusing the West always so willing to be fooled, that’s the end game. At the sight of photos of the recent State dinner under the obscene display of gold in Versailles, it came back to me, the venomous look Putin aimed at the first-mandate version of Macron, as pleased as a kid showing off the splendors of Versailles to his guest, whose eyes clearly showed how he was taking this ostentatious preening as an attempt to humiliate him, the tsars’ heir.
As they say in Québec “we’re not out of the woods yet” , since in the woods, one doesn’t come across an inn.
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A meeting this evening with a few friends on a topic of local concern, true, but directly related to the huge topic of the public use of something way more precious than the gold at Versailles – water.