
L’autre jour, j’ai sursauté en lisant qu’il y avait des vers de Josef Brodsky sur la tombe de Prigozhine. Ce matin, André Markowicz en fournit la teneur et le rapprochement entre ces deux hommes n’en devient que plus honteux encore.
Je lis la préface de Josef Brodsky à la traduction française des souvenirs de Nadejda Mandelstam Contre tout espoir. Une façon de me nettoyer la tête de pareille obscénité de la part de la parentèle de Prigozhine..
Entre autres choses très justes que dit Brodsky dans cette préface, ceci: “S’il existe un substitut à l’amour, c’est la mémoire. Graver dans sa mémoire revient donc à rétablir une intimité. Peu à peu, les vers de ces deux poètes (Mandelstam et Akhamatova) devinrent sa propre mentalité, son identité. Non seulement ils lui fournirent un champ d’observation ou un angle de vue, mais, qui plus est, devinrent sa norme linguistique. Aussi, lorsqu’elle entreprit d’écrire ses livres, dut-elle mesurer ses phrases – dès lors inconsciemment, instinctivement – à l’aune des leurs. La clarté et l’implacabilité que l’on trouve dans ses pages, tout en donnant une image de son caractère, sont également les conséquences stylistiques inévitables de la poésie qui avait formé ce caractère. Tant par leur contenu que par leur forme, ses livres ne sont rien d’autre qu’un post-scriptum à cette version suprême du langage qu’est avant tout la poésie et dont elle avait fait sa chair en apprenant par coeur les vers de son mari.” Joseph Brodsky, traduit de l’anglais par Laurence Dyèvre.)
Reste à imaginer qu’un pauvre esprit dévoyé, à la lecture des vers de Brodsky sur la tombe d’un voyou aura l’idée d’aller découvrir le poète et les sentiments humains. On peut toujours rêver quoique je craigne que le crétinisme soit inguérissable.
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L’illustration n’a rien à voir. Simplement, lorsque je reviens du marché, le seul endroit où s’asseoir, c’est sur le rebord d’une fenêtre face à cette ruine. Pourquoi ? Parce que la commune refuse d’installer des bancs publics. Les deux arguments invoqués: les jeunes vont les vandaliser; les sdf vont les squatter. Ça se passe de tout commentaire.
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The other day, I was startled in reading that verse by Josef Brodsky were on Prigozhin’s tomb. This morning André Markowicé provides their content and the rapprochement between these two men is only made more shameful still.
I read Josef Brodsky’s introduction to the French translation of Nadezhda Mandelstam’s memoire Hope Against Hope. A way to clear my head of such obscenity on the part of Prigozhin’s kin.
Among the many exact things Brodsky says in this preface, the following (I only have access to the French translation of his words, from which I’m re-translating what follows): “If there exists a substitute to love, memory is that stubstitute. Imprinting in one’s memory amounts to re-establishing an intimacy. Slowly the verse of these two poets (Mandelstam and Akhmatova) became her own mentality, her own identity. Not only did they provide her with a field of observation, a point of view, but more than this, they became her linguistic norm. So that when she went on to write her books, she must have measured her sentences – unconsciously, instinctively – on the basis of theirs. he clarity and relentlessness we find in her pages , while providing an image of her temperament, are also the inevitable stylistic consequences of the poetry that shaped that temperament. By their content as well as by their form, her books are nothing other than a postscript to that supreme version of language that poetry is, above all else, that had shaped her flesh through the learning by heart of her husband’s verse.”
There remains the possibility of imagining that some poor perverted sod, upon reading Brodsky’s verse on the tomb of a scoundrel, will think of exploring the poet and human feelings. One can always dream although I fear cretinism cannot be healed.
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The illustration is unrelated. Simply, when I come back from the market, the only spot where I can sit down is on a window ledge facing this ruin. Why ? Because the town refuses to install public benches, for the two following reasons : young people will trash them; the homeless will occupy them. Further comment would be superfluous.