7 août 2023

Parfois, les témoignages sont si terribles, qu’il n’y a rien à en dire. Rien du tout puisque pas un seul mot ne pourra ni délier le mal commis, ni le punir, ni l’effacer, ni le racheter, et pas un seul Dieu mort sur sa Croix ne l’aura empêché.

C’est le cas des témoignages rapportés par les prisonniers ukrainiens, cités par André Markowicz dans sa chronique ce matin. Chronique à laquelle je ne pouvais pas faire l’insulte d’un commentaire.

Purulence qui se répand au vu et au su du monde entier. Et le silence, monstrueux, comme au moment où les milliers de photos ont été dévoilées des milliers d’hommes et de femmes torturés en Syrie. Une sorte de pacte devant ce qui est trop laid. “Insoutenable”, dit-on, mais on s’en accommode , oui, on s’en accommode, c’est le propre de “l’insoutenable” d’échapper au contrôle. “Ça ne se fait pas”; alors, quand ça se fait quand même ?

Hier, pour les besoins d’une exposition qui se tiendra je ne sais plus trop où, avec des planches de la bd de Zehra Dogan Prison n° 5, j’ai traduit en anglais certains des panneaux pour les visiteurs qui ne pourront pas lire les textes en français, panneaux où il est question des tortures imposées aux prisonniers – kurdes, pour la plupart – dans cette prison de Turquie comme dans tant d’autres. Là comme ailleurs, encore et toujours, il y a cette jouissance dans le mal, et l’impunité octroyée parce que c’est le patron qui l’autorise au nom de la cause, quelle qu’elle soit. Et voilà lâché le démoniaque dans certains, dans beaucoup d’humains. La plupart d’entre eux poursuivront ensuite leur vie, sans la moindre trace de remord.

Le démoniaque. Et je prie mes lecteurs, quels qu’ils soient, d’accepter cette faible évocation de “ce qui ne se dit pas”.

Vivre en le sachant. Au moins cela est nécessaire, non?

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Sometimes, the testimonials are so terrible that there is nothing to say about them. Nothing at all, since not a single word could undo the harm that was done, nor punish it, nor erase it, nor redemm it, and not a single God who died on his cross will have kept it from happening.

Such is the case of the testimonials from Ukrainian prisoners, quoted by André Markowicz in his colum this morning. A column to which I could not make the insult of a comment.

Purulency, spreading before the whole world. And the monstrous silence, the same as when thousands of photos were revealed of the thousands of men and women tortured in Syria. A kind of pact in front of what is too ugly. “Unbearable”, we say, but we put up with it all the same, yes, we put up with it, that’s the nature of the “unbearable”, it escapes all forms of control. “It’s just not done”; so, when it’s done anyway?

Yesterday, for the purpose of an exhibition that will take place I forget where, with the strips of Zehra Dogan’s Prison n° 5, I translated into English some of the panels for visitors who will not be able to read them in French, panels in which are detailed the tortures imposed on prisoners – Kurdish, for the most part – in this and other prisons in Turkey. There as elsewhere, over and over again, that same pleasure taken in evil, and the impunity provided by the fact it’s authorized by the boss in the name of a cause, no matter what it might be. Thus is the demonic let loose in some, in many humans. Most of whom will carry on with their lives, without the slightest trace of remorse.

The demonic. And I pray my readers, no matter who they may be, to accept this weak evocation of “what is not talked about”.

Living with the knowledge of it. At least that much is required, no?

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