
3h56 – debout depuis 3h20. Elle est encore si petite qu’elle ne sait pas miauler encore – elle pousse des petits cris et couinements pitoyables, cherche les autres partout. Lappe un peu, mange un peu…je parviens à la mener à la litière, qu’elle ne veut pas connaître. Mais, visiblement, ça l’inspire…en faveur de la boîte ouverte du manuscrit des Contes d’Exil où elle fait son pipi sur la section où la Kalmouke dit : “Les envieux sont comme des poux.” Et que voilà le passage bien baptisé (il se déroule juste avant la Pâques de 1906).
J’aimerais bien dormir. J’ai la gorge de plus en plus enrouée depuis le concert où la salle était pleine de cette fumée supposée créer une ambiance scénique, je crois.
Ahhh, 4h07. Cris et couinements s’interrompent. La Miss réintègre son espace sous le lit. (Et je mets le manuscrit à l’abri, après l’avoir bien épongé.) Odorant, à n’en pas douter…(Non, je n’y vois pas un commentaire sur les qualités littéraires du texte; simplement, vu sa petite taille, en tant que pissottière, cette boîte a dû lui paraître plus adaptée à ses besoins.)
Le répit ne dure guère. Les cordons sur mon imper l’amusent – et qui s’amuse, s’apprivoise – elle ne se sauve plus lorsque je l’approche.
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Avant l’arrivée de Miss Miou, j’ai eu le temps de lire la pièce Les Juifs d’Evguéni Tchirikov, publiée en 1906, dans la traduction d’André Markowicz.* Avec l’impression intense d’assister à une scène dans la vie de Sima, mon ex-belle-mère, ayant opté avec son mari de fuir, non pas vers le sionisme d’abord, mais vers la patrie du “socialisme triomphant” – l’ex URSS. Car, oui, le débat que Tchirikov met en scène sur menace constante de pogrom (pogrom avéré, dans la pièce), c’est bien celui qui opposaient les jeunes et leurs parents dans les shtetl et autres zones d’exclusion de Pologne et de Russie. Et lorsqu’on constate la dérive ultra-nationaliste d’Israël sous les escrocs à la Netanyahou (et pas que), les paroles de Tchirikov résonnent comme un gong: “Non, je ne crois pas en la réalisation finale de l’idéal du sionisme. Ça, c’est une utopie exactement semblable au socialisme“.Comme Sima eut l’occasion de le découvrir, et en Russie et en Israël où je l’ai connue, lisant toujours ses romans polonais avec ses yeux en pistolet, tournant les pages avec ses doigts déformés par l’arthrite.
*Evguéni Tchirikov, Les Juifs, préface et traduction d’André Markowicz, Les Éditions Mesures, décembre 2022
(Plus tard ): Je découvre après coup que la chronique du jour d’André Markowicz porte justement sur Les Juifs, notamment par le biais de ses “bonnes feuilles” publiées sur k-la revue. D’où je tire cet article exigeant appellant à profonde réflexion…chose difficile à à réaliser sur facebook. Mais nécessaire, là et ailleurs, oh combien.
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3:56 AM – up since 3:20. She is still so tiny that she doesn’t know how to miaow yet – she lets out tiny pitiful yelps and mewlings, searches everywhere for the others, attempts to burrow into my sneakers (but they are too small), laps a bit, eats a bit, I manage to bring her to the kitty litter, but she wants nothing of it. Except that, visibly, she finds it inspiring…in favour of the open box of the manuscript of Contes d’Exil where she pisses on the section where Kalmouke says: “The envious are like lice”. And thus occurs the baptism of that section (which takes place just before Easter of 1906).
I would very much like to sleep. My throat is constantly getting hoarser since the concert where the hall was full of that smoke meant to create a scenic atmosphere, I think.
Ahhh. 4:07. Yelps and mewlings subside. The Miss returns to her spot under the bed. And I put the manuscript aside, after a good sponging.Odoriferous, no doubt about it…(No, I don’t see this as a comment on the text’s literary qualities; simply, seeing her small size, as a urinal, this box must have seemed better suited to her needs.)
The respite doesn’t last. The strings on my raincoat amuse her – and one amused is in the process of becoming tamed – she no longer flees when I approach her.
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Prior to Miss Mew’s arrival, I had time to read The Jews, Evgueny Tchirikov’s play published in 1906, translated into French by André Markowicz. With the strong impression of witnessing a scene in the life of my ex mother-in-law, Sima, who opted with her husband to escape, not toward sionism at first, but to the land of “triumphant socialism” – ex-USSR. Because, yes, the debate Tchirikov stages against the constant threat of pogrom (averred, in the play), was truly the one opposing youth and parents in the shtetls and other exclusion zones of Poland and Russia. And seeing the ultra-nationalistic drift in Israel under crooks such as Netanyahu (and not only), Tchirikov’s words resonate like a gong : “No, I don’t believe in the final realization of the sionist ideal. That’s an utopia, exactly similar to socialism.” As Sima had occasion to discover, both in Russia and in Israel where I knew her, still reading her novels in Polish with those pistol-sharp eyes of hers, turning the pages with her arthritis-plagued fingers.
(Later): After writing this, I discover André Markowicz’ column today is about Les Juifs, precisely, notably through the publication by k-la revue of excerpts of his translation. Website from which I draw the following article (different from the one in French, above) and requiring some real thinking …something difficult to achieve on facebook. But how very necessary, there as elsewhere.