1er avril 2023

“Ganivelle”. Je ne connaissais pas ce mot que j’ai découvert dans le rapport sur la mobilisation de quelques 300 personnes devant le Tribunal d’Albi le 31 mars, en soutien aux cinq camarades arrêtés et placés en garde à vue, suite à une manifestation.

J’ai découvert le mot “ganivelle” (je l’ai d’abord pris pour une coquille dans le texte) en lisant les faits reprochés à trois des cinq syndiqués (l’un à la FSU, l’autre à SUD Solidaires et le troisième à la Confédération paysanne) : ces trois dangereux malfaiteurs sont accusés – et je cite : ” de la dégradation d’une ganivelle en réunion dans le cadre d’une manifestation au préjudice de la mairie.”

Notez le “en réunion”. La France tremble.

Et cette ganivelle, alors ? S’agit-il d’une nouvelle addition à l’arsenal répressif des forces de l’ordre ? Si on veut attribuer ce rôle à “une clôture faite de planches ou de piquets de bois” utilisée pour préserver les dunes, on comprendra toute la gravité des faits reprochés à ces trois individus agissant “en réunion”.

Eux et les deux camarades accusés de “dégradation d’un bien public par incendie” (une poubelle, je crois) ont refusé la comparution immédiate, cette forme de “justice” expéditive qui voit défiler les prévenus à un rythme de chaîne de montage. Jugement renvoyé au 2 mai. En attendant, les cinq sont sous contrôle judiciaire, sans droit de correspondre entre eux et avec obligation de pointer au commissariat toutes les semaines.

Ils ne sont que cinq parmi les milliers d’interpellés dont la majorité n’ont jamais même approché une “ganivelle”, ou se sont simplement trouvé à déambuler sur un trottoir, près d’une manifestation à laquelle ils n’avaient même pas participé.

De toute évidence, les Macron, les Darmanin et leurs acolytes ne comprennent rien à la colère qui grandit et qu’ils attisent comme des apprentis-sorciers. Le sort fait aux régimes de retraites n’est que l’élément le plus récent d’un mille-feuille construit de restrictions aux libertés et de démantèlement de droits acquis de chaude lutte. On voudrait se convaincre qu’il ne s’agit “que” d’incompétence, mais il n’en est rien. Le gouvernement poursuit le même train de mesures depuis le premier mandat. Le train se poursuivra jusqu’au bout du deuxième, à n’en pas douter, à condition que guerres et catastrophes climatiques n’emportent les uns comme les autres.

*

Oui, je m’implique (hors manifestations, vu les gazages et les bousculades provoquées par les tabassages des policiers). Avec un peu le sentiment de revivre sous d’autres cieux les injustices qui avaient déclenché le militantisme de mes vingt ans. Maintenant, comme alors, face à la même morgue et la même suffisance de ceux pour qui le pouvoir est la drogue de prédilection, et le répression, une forme bizarre d’aphrodisiaque.

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Et je continue à réviser les morceaux des Contes d’Exil pour la mise en page avant impression.

(Le rêve de Kolya, la nuit avant sa mort):

Le temps du rêve  

le soir tombe doucement les premières lucioles apparaissent 

derrière moi  Alexeï Pavlevitch et Irina Dimitrievna causent gentiment et sans but comme font les adultes par les douces nuits d’été j’ai à peine le temps de penser « oui, c’est ainsi que cela aurait dû être » que mon attention est captée à nouveau par les lucioles elles se sont multipliées tout autour de moi elles allument et éteignent leur signal énigmatique je commence à en suivre une je veux anticiper ses déplacements le jeu me captive et tout doucement je m’éloigne vers la clairière

 en traversant  le bois il y a une nuée croissante de lucioles elles allument et éteignent leurs petites lanternes magiques dans un ballet de plus en plus complexe je sais que leurs signaux me sont destinés  mais je n’arrive pas à en déchiffrer le sens je pense « fantasmagorie de pensées » aussitôt les mots apparaissent dans l’espace les lettres se détachent les unes des autres et  s’éloignent de moi en clignotant lentement pour se perdre au milieu de la nuée à la lueur verdâtre en les voyant s’éloigner je suis pris de la solitude du Christ dans le jardin de Gethsémanie

longtemps je continue  de fixer le ballet des lucioles elles s’enfoncent de plus en plus dans la forêt à mon oreille le pope récite quelque chose je ne distingue pas les mots sa voix est d’une tristesse

infinie 

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“Ganivelle”. I didn’t know this word before coming across it in a summary of the mobilization of some 300 people on March 31st, in solidarity with five of the comrades appearing before the Tribunal in Albi, following their arrest and detention after a demonstration.

I discovered the word “ganivelle” (at first, I thought it might be a typo) while reading what were the accusations against three of the five union members accused (one from the FSU, the second from SUD Solidaires and the third from the Confédération paysanne): these three dangerous hoodlums stand accused – I quote : “of group degradation of a ‘ganivelle’ in the context of a demonstration to the detriment of City Hall”.

Note the “group” connotation. France quakes.

So what about this “ganivelle” ? Is it some new addition to the repressive arsenal of the Law and Order contingent ? If that’s the role you wish to attribute to the kind of picket fence used to preserve dunes, you’ll understand all the gravity of the accusation against these three acting as a “group”. As a gang, in other words.

Along with the two who were accused of “degradation of a public item by fire” (a trash can, I believe), they refused an immediate summary trial, that expeditious form of “justice” handed down in assembly line fashion. Trial moved to May 2nd. In the meantime, all five are under judiciary control, forbidden to communicate with one another, and must report to the police station once a week.

They are but five among the thousands arrested, most of which were never even close to a “ganivelle”, or were simply walking down the street close to a demonstration in which they had not even participated.

Clearly, Macron, Darmanin and their sidekicks do not understand the growing anger they keep feeding like sorcerers apprentices. The treatment given to the pension plans is but the most recent element in a pile-up of restrictions on liberty and of dismantling of gains achieved through constant struggles. One would like to be convinced that this is “just” a matter of incompetence, but this is not the case. The government has been carrying out the same train of measures since its first mandate. The train will undoubtedly continue right to the end of the second.

*

Yes, I’m involved (outside demonstrations with their clouds of tear gas and the crowd stampedes provoked by police brutality). With something of the feelings of the activism that characterized my twenties in another country. Now,, as then, in the face of the same haughtiness and arrogance of those for whom power is the drug of choice and repression, some kind of weird aphrodisiac.

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And I continue revising the piece of Contes d’Exil for the layout, prior to printing.

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