1er mars 2023

Non, finalement, je ne traduirai pas tout le texte de Where the Children Play en français. Comme dans bien de mes écrits, il s’y passe trop de choses et on perd un peu de vue le seul personnage sur lequel je comptais centrer toute l’histoire – les interventions des adultes formant une sorte de contre-point aux intérêts réels de Nico, 9 ans et demi, 10 ans.

Le coeur de l’histoire devrait donc se trouver au niveau des enfants, les problèmes des adultes n’apparaissant qu’en arrière plan.

*

Une amie m’amène visiter une copine à Mazamet. Départ dans 10 minutes.

*

Nico

— Est-ce que les poissons ronflent ?

Sa mère rajuste l’abat-jour sur sa lampe de chevet. « Non. »

Nico déplace à nouveau l’abat-jour. « Pour les ombres. Sur le mur. Comment sais-tu qu’ils ne ronflent pas ? »

— Ils ne ronflent pas, Nico, c’est tout. Tu…tu ne peux pas ronfler dans l’eau. Tu es bien certain d’avoir brosser tes dents ?

— Tu as déjà essayé ?

— Nico.

Elle a sa voix fâchée.

— Ils respirent par leur bras, alors…

— Pas leur bras, leurs branchies.

— Ils respirent par leurs branchies. Pourquoi ils pourraient pas ronfler par leurs branchies, alors ?

— Mais on s’en fout ! Tu ne peux pas ronfler s’il n’y a pas de…euh…il faut du son pour un ronflement. Il n’y a pas de sons dans l’eau.

— Même pas vrai. Les baleines se parlent. Et…et les sous-marins. Ils se parlent entre eux aussi.

— Ah, Nico, ça suffit. Il est temps de dormir.

Il lui jette un regard rapide. Touche l’os sur son poignet et l’alliance en or.

Elle retire sa main, lui donne un baiser sur le crâne. « Tu peux lire pendant quinze minutes, puis c’est couvre-feu. D’accord ?

Il hoche la tête.

Après son départ, il ajuste à nouveau l’abat-jour jusqu’à ce que la couture soit face à lui. Il ouvre le tiroir de sa table de chevet et en sort les découpages. Les cale dans le replis de l’abat-jour et la fait tourner lentement.

Il regarde l’ombre du poisson nager jusqu’au plafond, puis redescendre sur le mur. Au bout d’un moment, il fait tomber la lampe. La ramasse et rajuste l’abat-jour.

Il a découpé le poisson dans une vieille revue la semaine précédente, quand sa mère a décidé qu’il était assez vieux pour connaître la vérité au sujet de son père. Sa vérité ne tenait pas debout. Pourquoi son papa était-il port en prison s’il n’avait pas tué la fille ou volé quoi que ce soit? À l ’école, Steeve Godard et se copains disaient que le père de Nico a eu ce qu’il méritaii parce que les Lescure étaient une bande de pédés, de salopes et de pervers.

Il fait à nouveau monter et descendre le poisson. Ça n’est pas un spectacle très fameux. Vini dit que c’est stupide mais il n’avait pas d’affaire à regarder. À supposer que Nico aille dans sa chambre pendant que Vini jouait à se prendre pour un lézard de Komodo doté de pouvoir extra-sensoriels ? À supposer qu’il lui dise que c’était l’avatar le plus stupide imaginable ? Et Tom-Tom qui se tenait près du pont après l’école, même après que leur mère les ait avertis qu’ils n’avaient rien à faire à cet endroit ?

Il regarde à nouveau son poisson. C’est vrai qu’il est stupide. Il le range dans son tiroir.

C’est nul être le plus jeune. On t’envoie te coucher avant les autres. Qui restent debout et regardent les émissions super. En parlent au petit-dej comme s’ils faisaient partie d’un club privé. Te disaient que ton spectacle avec le poisson était stupide.

Il s’étire sur le matelas et tente de ramener ses orteils sur le haut de ses pieds. Puis, il essaie d’arrêter de respirer pour voir à quoi la mort peut ressembler, mais ça ne marche jamais.

Il se tourne sur le côté et ramène ses genoux vers son ventre. Qu’en est-il des poissons au fond du fond de la mer? Ceux qui voient avec leurs corps plutôt qu’avec leurs yeux vides et blancs? Ou les petits champignons qui se nourrissent des os de baleine à une profondeur de vingt mille…cinquante mille mètres ? Loin. Plus profond que…

Il dérive. Il tombe, tombe, aussi doucement que des écailles de poisson neigeant sur les montagnes inversées au fond de la mer.

*

Jamais. Non, ne jamais poser une question simple à un adulte. Il en tremble de frustration. « C’est de la lumière ancienne. Tu ne peux pas voir de la lumière nouvelle. Je veux dire, la lumière de maintenant. Elle est déjà là-bas. » Il montre une direction, n’importe laquelle, pour se faire comprendre.

Non. Elle n’écoute toujours pas. Il tape de sa cuillère sur la table. « À moins qu’une partie de la lumière rebondisse sur des étoiles qu’on ne sait même pas encore qu’elles sont nées. »

Il la regarde dans l’attente de sa réponse.

Et qu’est-ce qu’elle répond ? 

— Tu renverses du lait au chocolat partout. 

Tom-Tom rigole. « Si ta lumière rebondissait vers le passé, elle se trouverait dans le présent, alors tu ne la verrais pas encore. Je veux dire, tu ne la verrais plus. Pourquoi ? Parce que le présent serait déjà le passé. »

— C’est vrai, dit Nico. Il tape la cuillère contre son verre, ajoute encore de la poudre au chocolat dans le lait. Mélange, et lèche sa cuillère. « L’énergie sombre. C’est toute la lumière qu’on ne voit pas encore. »

— Ou qu’on ne voit plus dit  Vini.

Nico en reste la cuillère levée, plongé dans sa réflexion avant de s’emparer du pain.

Leur mère s’énerve. « On pourrait s’en tenir à ici et maintenant ? L’heure tourne, on vous attend dans vos classes respectives. »

—  Les mardis, mon premier cours est à 10 h, dit Tom-Tom.

— Oui, et bien moi, j’ai réunion dans 30 minutes, lui répond sa mère. Vous reprendrez vos grandes discussions ce soir. Nico, arrête de jouer avec ta nourriture !

Nico recule sa main gauche tenant le morceau de pain affrontant celui dans sa main droite. Soulève sa main droite dans un geste saccadé et happe soudainement le morceau de pain, tout en émettant des sons de détresse.

Ses deux frères se mettent à rire.

Leur mère se lève d’un coup, va chercher son sac et son manteau. Revient vers la cuisine. « Je démarre la voiture dans précisément trois minutes. Les retardataires se rendront à leur école à pied. »  

— Il est là ton problème, lui répond Tom-Tom en quittant lentement sa chaise. Tu as perdu ton sens de l’humour.

*

No, finally I won’t be translating all of Where the Children Play into French. As in many of my writings, too much is going on and you start losing sight of the only character on which I intended to center the whole story – interventions by the adults forming a kind of counterpoint to the real interests of Nico, 9 and a half, 10.

The core of the story should be the children, with the adults’ problems only serving as background.

*

A buddy is driving me to Mazamet to visit a friend. Departure in 10 minutes.

*

Nico

The closed eye opens. It was a book. The closed book opens and Leïla pops out. She sits at the foot of his bed with little blue sparks flickering around her. He finds this scary at first until he decides it must be bioluminescence.

She stays for a long time. The glitter dies down when she sleeps curled up near his feet and glimmers through his closed eyelids when she wakes up.

Then he pops awake and Leïla is gone.

*

—Do fish snore?

His mother straightens the lampshade on his bedside lamp. “No.”

Nico skews the lampshade again. “For the shadows. On the wall. How do you know they don’t snore?”

—They don’t, Nico, that’s all. You… you can’t snore in water. You sure you brushed your teeth ?

—You ever try?

—Nico. She sounds annoyed.

— They breathe through their arms, so…

— Not their arms, their gills.

—They breathe through their gills. Why can’t they snore through them too?

—Who cares? You can’t snore if there’s no…uh… you need sound for a snore. There are no sounds in water.

— Not true. Whales talk. And… and submarines. They talk at each other too.

—Oh, Nico, enough. Time to sleep now.

He gives her a quick look. Touches the bone on her wrist and the gold on her wedding band. 

She pulls her hand away, and kisses the top of his head. “You can read for fifteen minutes then, lights out. Deal?”

He nods.

After she leaves, he fiddles with the lampshade again until the seam faces him. He opens the drawer on his night table, and pulls out the cutout. Tucks the edge in the stitching of the shade before turning it slowly again.

 He watches the shadow of the fish swim up to the ceiling, then down on the wall.   After a while, he knocks over the lamp. Picks it up, and sets the lampshade straight again.

He’d cut out the fish in an old magazine the week before, when his mother decided he was old enough to hear the truth about their dad. Her truth didn’t make sense. Why did his papa die in a jail cell if he didn’t kill the girl or steal anything ? In school, Steeve Godard and his friends said Nico’s father got what he deserved because the Lescures were a bunch of fags and cunts and pervs.  

He moves the fish up and down again. It isn’t a great light show. Vini said  it was plain dumb but he had no business looking in the first place. Suppose Nico walked in when the online Vini played a sentient Komodo lizard with extra-terrestrial powers? Suppose he told him that was the dumbest avatar he’d ever seen?   What about Tom-Tom, hanging out near the bridge after school even after their mother said they had no business going over there?

He looks at his fish again. It is dumb. He sticks it back into the drawer.

No fun being the youngest. They send you to bed. Sit up and watch the fun shows. Talk about them at breakfast like they belong to a private club. Tell you your light show with a fish is stupid.

He stretches full length on the mattress  and tries to make his toes  touch the top of his feet. Next, he tries to stop breathing, to see what dying feels like, but that never works.   

He turns on his side and draws up his knees. What about the fish deep, deep down. The ones that see with their bodies instead of with their white, empty eyes.  Or the tiny mushrooms that feed off whale bones down at twenty thousand…fifty thousand meters? Far. Deeper than…

He is drifting. Falling, falling, as gently as fish scales snowing down on the upside-down mountains at the bottom of the sea.

*

Never, never, never ask a simple question to a grown-up. He shakes with frustration. “It’s old light. You can’t see new light. I mean, the light now. It’s already over there,” he adds pointing somewhere, anywhere, to make his point.

No. Still not listening. He bangs his spoon on the table. “Unless some of the light gets bounced back. From stars we don’t even know are born yet.”

He gives her an expectant look.

What does she answer? “You’re spilling chocolate milk everywhere.”

Tom-Tom snickers. “If it got bounced back into the past, it would be in the present, so you wouldn’t see it yet. I mean, anymore. Why?  Because the present would already be the past.»

— That’s true, Nico says. He taps the spoon against his glass, adds more chocolate powder to the milk. Stirs, and gives his spoon a lick. “Dark energy. It’s all the light we can’t see yet. “

— Or can’t see anymore, says Vini.

Deep in his thoughts, Nico stays suspended with his spoon still in the air before grabbing for the bread.

Their mother becomes annoyed. « Could we stick to the here and now for the time being, you’re expected in your respective classrooms. »

— On Tuesdays, my first class is at ten, says Tom-Tom.

— Well, I have a meeting in 30 minutes, she answers. You can continue your great discussions tonight. Nico, stop playing with your food !

Nico backs away his left hand holding a piece of bread confronting the piece of bread in his right hand. Lifts a shaking right hand, snaps at the bread and gobbles it while making distressed sounds.

His two brothers start laughing.

Their mother gets up suddenly, goes for her handbag and coat and returns to the entrance of the kitchen. « The car will leave in exactly three minutes. Late comers will walk to their school. »

— That’s your problem right there, Tom-Tom answers, rising slowly from his chair. You’ve lost your sense of humor.

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