
Noyer le poisson : l’activité préférée des ‘experts’. Ils en savent des choses et ils vous déversent tout le fatras de leurs connaissances. Et tout est si complexe, si vous saviez, pauvre menu fretin que vous êtes. Ah, si vous saviez, vous resteriez bien tranquilles devant vos écrans (télévision, ordi, téléphone, qu’importe) et vous nous laisseriez gérer tout ça pour vous. Ce matin, sur facebook, Hana Gauer décrit le phénomène à perfection. C’est un phénomène, comme elle dit, qui transforme la réalité en un dessin de Escher, un monde clos dont on ne peut échapper parce que x y z ramène inévitablement à a b et c dans une boucle dont on ne sort pas. Et dans ce fatras, sauver les régimes mafieux s’impose parce que, ben, parce qu’ils existent, “on” fait affaire avec eux, et “ils” ont l’arme nucléaire. Bref, la dissuasion nucléaire devient dorénavant l’excuse pour le grand n’importe quoi de faire durer une guerre conventionnelle jusqu’à épuisement, afin de mieux maintenir le ‘business as usual'(apparemment très payant, le business as usual, pour ceux et celles qui le pratiquent.)
J’en reviens à l’analyse de l’historien Timothy Snyder sur le sujet. Analyse que j’ai traduite l’autre jour, et qui me semble d’autant plus importante que Vladimir Vladimirovitch s’amuse encore aujourd’hui à brandir la menace nucléaire comme son va-tout ultime. Et qu’aujourd’hui, veille du premier anniversaire de l’invasion débutée le 24 février 2022, les angoissés s’effondrent juste à la pensée de la menace, et vivent très bien, comme un moindre mal, la dévastation imposée à l’Ukraine par les ‘réalistes’ du ‘il faut sauver le régime mafieux de Poutine, sinon…sinon…et ben, sinon, dans bien des cas, les jolis ponts d’or offerts par Vladimir Vladimirovitch fondraient comme neige au soleil ou, comme le dit l’hymne ukrainien “comme rosée au soleil.”
“Timothy Snyder – La guerre nucléaire !
Pourquoi elle n’a pas lieu
Piège à clics !
C’est un problème dans la discussion de l’invasion russe. Les média s’emparent de votre attention en écrivant : escalade ! Sans parler de : Menaces nucléaires ! Et de : guerre nucléaire ! La motivation du profit est à l’oeuvre ici, une motivation que les propagandistes russes exploitent en faisant référence aux armes nucléaires. Malheureusement, ce qui devrait être un climat de conversation réfléchie se tourne davantage en calcul des profits qu’en évaluation des risques réels.
Même si ça n’est pas la principale, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous devrions avoir honte de notre discussion au sujet de la guerre nucléaire. Notre mention du nucléaire est une façon de nous réclamer du statut de victimes, pour ensuite en faire porter le blâme sur les victimes réelles. Une fois que nous avons tourné notre attention à un échange hypothétique de missiles, nous pouvons nous imaginer en tant que victimes. Soudain, la guerre réelle ne semble plus être importante, puisque qu’il s’agit de nos vies qui sont à risque (du moins, en imagination.) Et ça semble être la faute des Ukrainiens. Si seulement ils pouvaient arrêter de se battre, alors nous serions tous en sécurité. Ceci, bien sûr, est exactement comment les propagandistes russes veulent que nous raisonnions. Et le raisonnement est faux.
Pas seulement faux moralement parlant, bien que ça le soit de toute évidence. Les Ukrainiens réels se battent présentement et meurent dans une guerre qui sert à assurer notre sécurité d’un nombre incalculable de façons – y compris en réduisant le risque d’une guerre nucléaire, comme il en sera fait état plus bas. Et nous perdons notre temps à nous imaginer notre propre statut de victimes ?
Céder au langage nucléaire russe est faux aussi, et de façon embassante, en terme de raisonnement stratégique. C’est un exemple d’un phantasme narcissique qui plane sur les discussions de politique étrangère américaine: le phantasme de la soumission tout-puissante. Il s’agit de la notion, née de l’exceptionalisme et de l’impatience américaines, que puisque l’Amérique est la puissance derrière tout, tout sera bien si l’Amérique ne fait rien. Si, comme le souhaitent les propagandistes russes, nous ne faisons rien pour l’Ukraine, alors (selon ce phantasme) il n’y aura pas de guerre nucléaire.
Dans le phantasme de la soumission toute-puissante, l’Amérique détient le pouvoir magique, par le biais de son inaction complète, de rétablir un statu quo pacifique dans lequel nous pouvons dormir en paix. Mais l’Amérique ne détient aucun pouvoir de cette sorte. Et ne rien faire est impossible. Les politiques américains doivent agir dans un certain contexte, contexte composé de plusieurs intervenants entretenant des interactions complexes, dans lequel rien faire aura toujours des conséquences, tout comme de faire quelque chose aura toujours des conséquences. Rien faire, en fait, correspond toujours à faire quelque chose, et habituellement (comme dans le cas de l’invasion russe ) il s’agit de la mauvaise solution ! Dans ce cas précis, rien faire (en soutien à l’Ukraine) accroîtrait le risque d’une guerre nucléaire. En faisant quelque chose de précis, en fournissant des armes à l’Ukraine, les Etats-Unis ont aidé les Ukrainiens à diminuer les risques d’une guerre nucléaire.
Je ne peux développer cet argument qu’à la condition que vous acceptiez de me suivre dans le domaine du raisonnement stratégique. Il faut procéder pas à pas. Le phantasme de la soumission toute puissante grandit et produit de l’anxiété. Quelqu’un en Russie publie une menace ; des commentateurs irresponsables et des propagandistes l’amplifient; et alors, nous recherchons une façon rapide d’éliminer la peur. Ou alors: les Etats-Unis envoient des armes; des commentateurs irresponsables et des propagandistes parlent d’escalade !; et, là encore, nous recherchons une façon rapide d’éliminer la peur. Lorsque ceci devient une habitude, ça remplace le processus de réflexion concernant les risques et les bénéfices d’une politique.
En termes psychologiques, le phantasme de la soumission toute-puissante se comprend. Alors, comprenons-le en terme psychologique, et comprenons aussi que les Russes l’utilisent de façon psychologique. Le phantasme est utilisé contre nous. Nous devons être réfléchis pour y résister. Et en tentant de nous en dégager, nous devons réaliser qu’il est là pour bloquer le raisonnement stratégique.
Alors, prenons une profonde respiration. La Russie a un intérêt dans notre anxiété; les media ont un intérêt dans notre anxiété; votre corps peut se retrouver prisonnier de l’anxiété. Le plus difficile, c’est de s’en déprendre. Une fois ce pas franchi, la pensée stratégique constitue la partie facile. Elle débute dans le monde réel. La Russie a envahi l’Ukraine. Cela s’est produit. Nous ne pouvons pas nous transporter à un monde antérieur à 2021. (Et même si cela était possible, nous ne ferions que revenir à un monde dans lequel la Russie s’apprêtait à envahir l’Ukraine…) . Fonctionnant dans un monde où l’invasion a eu lieu, la politique nucléaire la plus sensée consiste à aider l’Ukraine à remporter une guerre conventionnelle. Et ce, pour quatre raisons.
Premièrement, ça serait un désastre pour tout le monde si le chantage nucléaire russe était un succès. Si un Etat nucléaire peut imposer sa volonté sur les autres en faisant référence à ses armes nucléaires, la politique étrangère devient impossible, les Etats sans armes nucléaires devront toujours céder, et les Etats nucléaires contrôleront le monde. Si la Russie réussit son chantage nucléaire, il faudra s’attendre non seulement à plus de chantage nucléaire de sa part, mais aussi de la part d’autres puissances nucléaires. On peut aussi s’attendre à ce que d’autres pays construisent des armes nucléaires afin de résister à de futurs chantages. C’est ainsi que le soutien à l’Ukraine diminue les risques d’une guerre nucléaire en démontrant que le chantage nucléaire ne fonctionne pas.
Deuxièmement, la prolifération nucléaire mondiale doit être empêchée. Le risque d’une guerre nucléaire a un caractère mathématique. Plus il y a de pays avec des armes nucléaires, plus élevés sont les risques de leur utilisation. La politique russe pousse dans la direction d’une prolifération nucléaire. L’Ukraine avait abandonné ses armes nucléaires. Puis, la Russie l’a envahie, en 2014, et à nouveau en 2022. La leçon qu’en tirent les Etats non nucléaires, c’est qu’ils auront besoin d’armes nucléaires pour se prémunir d’une invasion russe, our une invasion par quelque autre puissance nucléaire que ce soit. La façon de prévenir une telle conclusion consiste à ce que l’Ukraine remporte une guerre conventionnelle. Ainsi, le soutien à l’Ukraine réduit les risques d’une guerre nucléaire en réduisant l’éventualité d’une prolifération nucléaire.
Troisièmement, il faut que le scénario d’une confrontation nucléaire européenne soit aussi improbable que possible. Ce scénario serait celui d’une guerre à large échelle entre la Russie et l’OTAN, dans laquelle il y aurait des puissances nucléaires des deux côtés. Dans sa variété soviétique, puis Russe, cette vision hante les esprits des Américains et des Européens depuis des décennies. Grâce à la résistance ukrainienne, une telle guerre est moins probable qu’elle ne l’a déjà été. Les engins que la Russie aurait pu utilisé dans une attaque sur les membres de l’OTAN sont des SS1 en voie de destruction en Ukraine. Même dans l’éventualité d’un scénario où la Russie lancerait quand même une offensive contre un Etat membre de l’OTAN, toute tentation d’utilisation d’armes nucléaire en réplique est réduite en sachant que la Russie peut être vaincue dans une guerre conventionnelle. Ainsi, le soutien à l’Ukraine réduit les risques d’une guerre nucléaire, en rendant le scénario européen moins probable.
Quatrièmement, le scénario asiatique d’une confrontation nucléaire doit être rendu aussi peu probable que possible. Au cours des récentes décennies, la possibilité d’une confrontation sino-américaine au sujet de Taiwan a dominé les discussions à Washington. Les Américains se sont retrouvés frustrés et effrayés par ce qu’ils ont pris pour l’inévitabilité de la confrontation. L’idée qu’un autre pays pourrait l réduire ce risque n’a jamais fait partie de la discussion. Mais c’est ce qui se passe maintenant. En résistant contre la Russie, les Ukrainiens ont obligé Beijing à reconnaître que des opérations offensives comportent des risques et peuvent mal se terminer. Beijing n’a aucunement perdu son intérêt dans Taiwan, mais il est réaliste de dire que tout mouvement radical est reporté, pour au moins quelques années.
Et ce sont quelques années importantes. Il y a un an, lorsque la Russie a lancé son invasion, la sagesse conventionnelle était encore que la Chine était une puissance montante. Dans la pensée américaine générale sur tout cela, le problème essentiel était celui-là: une puissance en croissance (la Chine) devrait affronter une puissance en déclin (les Etats-Unis). Il est maintenant beaucoup moins évident que la Chine est une puissante montante. Les Ukrainiens ont retardé le scénario le plus dangereux: et ce faisant, ils nous ont peut-être fait traverser le moment le plus dangereux. Notamment, ils ont fait tout cela sans confronter la Chine. Ainsi, le soutien à l’Ukraine réduit les risques d’une guerre nucléaire en rendant le scénario asiatique moins probable.
Si nous voulons réduire le risque d’une guerre nucléaire globale, alors nous devrions armer les Ukrainiens. Ce faisant nous réduisons l’attrait du chantage nucléaire, le risque de la prolifération nucléaire et la probabilité de tels scénarios.
Si ce que nous envisageons concerne un usage local par la Russie d’armes nucléaires en Ukraine, il s’agit d’une autre question. Il est impossible d’en éliminer l’éventualité. Mais il s’agit ici d’un risque que les Ukrainiens ont le droit de discuter, puisqu’il s’agit de leur terre et de leur peuple. Incessamment, ils ont clairement indiqué que la livraison d’armes occidentales conventionnelles constitue leur priorité. On peut prétendre que les Ukrainiens évaluent mal les risques; mais cela aurait toutes les caractéristiques d’une arrogance de type colonialiste, la même qui a convaincu tellement d’entre nous que l’Ukraine ne saurait pas résister ou qu’elle serait défaite très rapidement. Le leadership ukrainien sait ce qu’il fait. Et ils font ce que leurs électeurs veulent qu’ils fassent.
Parfois, plutôt que de simplement prêter attention aux évaluations des risques que font les Ukrainiens de l’usage nucléaire locale, nous tentons de lire dans les pensées de Poutine. Lorsque les gens s’imaginent l’utilisation d’armes nucléaires russes en Ukraine, il se produit une sorte d’empathie bizarre : Poutine se sentira le dos au mur, alors il n’aura pas le choix.
Si nous partons de cette hypothèse, nous constatons qu’elle a déjà été réfutée. La Russie a perdu les batailles de Kyiv, Kharkiv et Kherson sans utiliser d’armes nucléaires. La Russie a subi presque une année de défaites étonnantes de différents types, dont la moindre n’est pas l’effondrement de tout son plan de guerre, qui envisageait le renversement du gouvernement ukrainien et le contrôle du pays en entier. Et pourtant : aucune utilisation d’armes nucléaires. En lieu et place, chaque défaite a généré des histoire selon lesquelles la Russie n’avait pas vraiment été défaite. Il vaut la peine de le noter. L’escalade que nous voyons en est une de type narratif. Les Russie doivent travailler de plus en plus fort pour expliquer la défaite comme une victoire. Mais, jusqu’à date, c’est la tâche dont ils s’acquittent.
Les guerres se terminent lorsque le pouvoir politique des régnants est menacé et nous n’en sommes pas encore là. Lorsque cela sera le cas, Poutine sentira la menace à Moscou, pas en Ukraine. Dans pareille situation, utiliser des armes nucléaires en Ukraine ne l’aidera pas. Retirer les armes conventionnelles de l’Ukraine pour une lutte pour le pouvoir en Russie pourrait peut-être lui être utile. Durant un telle lutte pour le pouvoir, aucun Russe se battant pour le contrôle du Kremlin pourra admettre que la guerre en Ukraine est perdue. En lieu et place, les candidats au pouvoir se feront concurrence avec leurs histoires illustrant à quel point cette guerre fut victorieuse. Je m’attends à ce que le prochain leader russe (ou Poutine, s’il demeure en place) clamera que la Russie a remporté une victoire extraordinaire sur l’OTAN en éliminant les forces de l’OTAN en Ukraine, avant qu’elles ne puissent pénétrer le territoire russe.
Tant dans le contexte globale qu’en Ukraine, le calcul russe est que parler du nucléaire sert à décourager les Européens et les Nord-Américains de fournir des armes. Mais le déploiment du langage est très différent d’un déploument d’armements. En fait, le premier sert d’ alternative au second. Nous prenons trop facilement pour acquis que le mot précède le geste. Mais le mot est le geste. Lorsque la politique consiste à déployer le langage du nucléaire, le déploiement réel d’une arme nucléaire rend cette politique caduque. La menace implicite n’est plus utilisable, une fois l’arme utilisée. Et le leadership russe sait que les Américains et tous les autres livreraient beaucoup, beaucoup plus d’armes à l’Ukraine, si la Russie utilisait une arme nucléaire sur le champ de bataille.
L’utilisation de l’arme nucléaire sur le champ de bataille en Ukraine aurait des coûts encore plus élevés pour la Russie, dans l’immédiat et pendant des années et des décennies à venir. Moscou perdrait même ce soutien hésitant dont il bénéficie dans le monde. Il perdrait la capacité de se présenter comme une victime dans les relations internationales. Ses leaders sauraient qu’ils resteraient dans les mémoires comme des criminels et des pariahs. Et ceci, sans même mentionner ce qu’il serait évoqué en tout premier: l’effet dissuasif direct. Si la Russie devait briser le tabou de l’utilisation nucléaire, son propre rang en tant que puissance militaire serait compromis de façon dramatique par la réponse militaire des autres.
Les armes nucléaire sont symboliques de façon différentes pour les uns et les autres. J’aimerais conclure sur la question du statut, du point de vue russe. Certains disent parfois qu’une puissance nucléaire ne peut pas perdre une guerre. Pareille affirmation conduit les historiens à pleurer dans leurs oreillers. Les Etats Unis sont une puissance nucléaire qui perd des guerres régulièrement. L’Union Soviétique a perdu en Afghanistan, la Russie a perdu la première guerre Tchétchène. Les essais nucléaire français en 1960 ne l’ont pas sauvé de la défaite en Algérie, pas plus que les armes nucléaires britanniques ont préservé l’Empire. L’utilisation d’une arme nucléaire sur le champ de bataille ne fera pas gagner la Russie en Ukraine, mais elle porterait une coup énorme au statut de la Russie, ce qui n’est pas au goût des leaders russes.
Ceci appelle quelques explications. Lorsque cette guerre a débuté, les deux choses qui conduisaient les Russes à se considérer comme une superpuissance était l’armée et l’arsenal nucléaire. La première source de son statut est maintenant remise en question. Si la Russie utilise l’arme nucléaire, elle admet que son armée a été vaincue. Concédant ainsi la première source de son statut — en même temps que la seconde. De la minute que la Russie utilise une arme nucléaire, d’autres pays, y compris ceux possédant des économie et des établissements scientifiques supérieurs, construiront leurs propres panoplie nucléaire. Alors, la Russie cessera d’être une superpuissance, même aux yeux des Russes. Pour les élites russes, cela constituerait une conséquence intolérable à cette guerre. Ça serait bien pire que de retirer ses troupes de l’Ukraine – pour cela, il pourra toujours se trouver une explication. Mais il n’existe pas d’histoire qui pourrait restaurer le sentiment du statut de superpuissance, une fois perdu.
Pièges à clic du premier anniversaire !
Cela fait presque un an que la Russie a débuté son invasion à grande échelle de la Russie. La magie des anniversaires garantit qu’il y aura beaucoup d’articles concernant l’Ukraine le 24 février, dont certains, sans doute, seront réfléchis et intéressants. Je vais tout de même prédire qu’il y aura nombre d’essais de type « Hé ! Continuons à parler de la guerre nucléaire. »
On peut aussi prédire sans crainte de se tromper que personne ne publiera un éditorial de type : « Nous avons parlé du contenu de la tête de Poutine pendant une année, et nous nous sommes trompés »; ou « Malgré notre utilisation-réflexe du mot Escalade, ça ne s’est jamais produit »; et certainement pas « Une année après l’invasion russe, l’Ukraine a réduit le risque de conflit nucléaire partout dans le monde. »
Mais c’est la chose la plus importante à dire au sujet de la guerre nucléaire : elle n’a pas lieu.” Timothy Snyder, 8 février 2023
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In French, you speak of ‘drowning the fish’ when someone overwhelms you with a bunch of reasons for doing nothing, or as little as possible. A specialty with the ‘experts’. They know so many things and dump all this knowledge on us, the small fry who just don’t understand all this complexity so leave it to the experts, and stay nice and quiet in front of your screen (tv, computer, phone, whatever) and leave all the heavy lifting to us. This morning on facebook, Hana Gauer describes the phenomenon perfectly. As she writes, it’s a phenomenon that transforms reality into a drawing by Escher, a closed world from which there is no escape because x y and z inevitably bring you back to a b and c, in a loop with no exits. And in this mess, preserving mafia regimes is a necessity because, well, because they exist, “we” do business with them and “they” have the nuclear weapon. In short, nuclear dissuasion now becomes the excuse for the prolongation of conventional wars until exhaustion, so as to better maintain “business as usual” (apparently a most lucrative activity, this ‘business as usual, for those who delve in it.)
I return to historian Timothy Snyder’s analysis on the topic. Analysis I translated the other day and that strikes me as particularly relevant as Vladimir Vladimirovitch amuses himself again today in brandishing the nuclear threat as his ultimate trump card. And because today, eve of the first anniversary of the invasion that began on February 24 2022, the anxious ones wither at the very thought of the threat and consider as a lesser evil the devastation imposed on Ukraine by the “realists” of the Saving Putin’s Mafioso Regime school of thought because otherwise, otherwise…well, otherwise, in many cases, the lovely golden parachutes offered by Vladimir Vladimirovitch would melt like snow in the sun, or was the Ukrainian hymn expresses it so well, “like dew in the sunshine.”
Nuclear war!
Why it isn’t happening
| TIMOTHY SNYDERFEB 8 |
Clickbait!
That’s been a problem in the discussion of the Russian invasion. Media get your attention by writing of escalation! Not to mention: nuclear threats! And: nuclear war! There is a profit motive at work here, one that Russian propagandists exploit by their references to nuclear weapons. Unfortunately, the atmospherics of what should be a sober conversation are brought more by a counting of dollars than by a reckoning of risks.
That is one reason why we should be ashamed of our discussion of nuclear war, but not the main one. Our nuclear talk is a way to claim victimhood, and then to blame the actual victims. Once we turn our attention to a hypothetical exchange of missiles, we get to imagine that we are the victims. Suddenly the actual war no longer seems to matter, since our lives (we imagine) are at risk. And the Ukrainians seem to be at fault. If only they would stop fighting, then we could all be safe. This, of course, is exactly how Russian propagandists want us to reason. And it is wrong.
Not just morally wrong, though of course it is that. Actual Ukrainians are actually fighting and dying in a war that serves our security in countless ways — including by reducing the risk of nuclear war, as I’ll discuss below. And we spend our time imagining our own victimhood?
Yielding to Russian nuclear talk is also wrong, and embarrassingly so, as strategic thinking. It is an example of a narcissistic fantasy that looms over discussions of American foreign policy: the fantasy of omnipotent submission. This is the notion, birthed in American exceptionalism and impatience, that since America is the power behind everything, all will be well if America does nothing. If we do what the Russian propagandists want, and do nothing for Ukraine, then (in this fantasy) there will be no nuclear war.
In the fantasy of omnipotent submission, America has the magical power, by way of complete inaction, to restore a peaceful status quo where we could all sleep soundly. But America has no such power. And there is no way to do nothing. American policymakers have to act within a certain setting, formed by many actors in complex interactions, in which doing nothing will always have consequences, just as doing something will always have consequences. Doing nothing is, in fact, always amounts to doing something, and usually (as in the case of Russian invasion) it is the wrong something! In this case, doing nothing (to support Ukraine) would increasethe risk of nuclear war. By doing something specific, by supplying arms to Ukraine, the United States has assisted the Ukrainians in decreasing the chances of nuclear war.
I can only make this argument if you will follow me into the realm of strategic thinking. We have to do this step by step. The fantasy of omnipotent submission builds and releases anxiety. Someone in Russia issues a threat; feckless commentators and propagandists amplify it; and then we seek a quick way to release the fear. Or: the United States send weapons; feckless commentators and propagandists speak of escalation!; and, again, we seek a quick way to release the fear. When this becomes a habit, it takes the place of thinking about the risks and benefits policy.
In psychological terms, the fantasy of omnipotent submission is understandable. So let us understand it as psychology — and also understand that the Russians deploy it as psychology. The fantasy is used against us. We need to be thoughtful about it in order to resist it. And as we try to work our way out from under it, we must realize that it is there to prevent strategic thinking.

So, deep breath. Russia has an interest in anxiety; media has an interest in anxiety; your body can get locked in anxiety. Getting over that is the hard part. Once we do, the strategic thinking is the easy part. It starts in the real world. Russia invaded Ukraine. That happened. We cannot transport ourselves back to the world of 2021. (Even if we somehow could, we would just be in a world where Russia was about to invade Ukraine…). Operating within a world where the invasion happened, the soundest nuclear policy is to help Ukraine win a conventional war. This is for four reasons.
First, it would be a disaster for everyone if Russian nuclear blackmail succeeded. If any nuclear state can coerce others by references to its nuclear stockpile, then foreign policy of any kind becomes impossible, non-nuclear states will always have to yield, and nuclear states will run the world. If Russian nuclear blackmail succeeds, we can expect not only more Russian nuclear blackmail, but also nuclear blackmail from other nuclear powers. We can also expect that other countries will build nuclear weapons to resist future blackmail. And so support of Ukraine decreases the chances of nuclear war by showing that nuclear blackmail does not work.
Second, global nuclear proliferation should be prevented. The risk of nuclear war has a mathematical character. The more countries have nuclear weapons, the more likely it becomes that they will be used. Russian policy pushes in the direction of nuclear proliferation. Ukraine actually gave up its nuclear weapons. Then Russia invaded, in 2014 and again in 2022. The lesson for non-nuclear states is that they will need nuclear weapons to deter Russian invasion, or invasion by any nuclear power. The way to prevent that conclusion is for Ukraine to win a conventional war. And so support of Ukraine reduces the chances of nuclear war by reducing the likelihood of nuclear proliferation.
Third, the European scenario for nuclear confrontation should be made as unlikely as possible. That scenario is a large war between Russia and NATO, in which there would be nuclear powers on both sides. In its Soviet and then its later Russian variant, this vision has haunted the minds of Americans and Europeans for decades. Thanks to Ukrainian resistance, such a war is far less likely than it has been. The forces Russia might have used in an attack on a NATO member are [SS1] being destroyed in Ukraine. Even in the scenario where Russia somehow does mount an offensive against a NATO state, any temptation to use nuclear weapons in response has been reduced by the knowledge that Russia can be defeated in a conventional war. And so support of Ukraine reduces the chance of nuclear war making the European scenario less likely.
Fourth, the Asian scenario for nuclear confrontation should be made as unlikely as possible. In the last couple of decades, the possibility of a Sino-American confrontation over Taiwan has dominated discussions in Washington. Americans have been frustrated and frightened by what they take to be the inevitability of the confrontation. The idea that some other country might deflect it was never part of the debate. But that is happening. By resisting Russia, Ukrainians have forced Beijing to recognize that offensive operations are risky and can end badly. Beijing has by no means lost interest in Taiwan, but it is safe to say that any drastic move has been delayed, at least for a few years.
And these are an important few years. A year ago, when Russia invaded, the conventional wisdom was still that China was a rising power. In the broader American thinking about all this, this was the essence pf the problem: a rising power (China) must confront a declining power (the U.S.). Now it is much less clear that China is a rising power. The Ukrainians have delayed the most dangerous scenario; and in doing so, they might have gotten us through the most dangerous moment. Notably, they have done all this without confronting China. And so support of Ukraine reduces the chance of nuclear war by making the Asian scenario much less likely.
If we want to reduce the risk of global nuclear war, then we should arm Ukrainians. Doing so reduces the appeal of nuclear blackmail, the risk of nuclear proliferation, and the likelihood of the scenarios.
If what we have in mind is a local use by Russia of nuclear weapons in Ukraine, this is a different question. It is impossible to rule out. But here the risk is one that the Ukrainians have a right to discuss, since it is their land and their people. Over and over again, they have made plain that the delivery of western conventional weapons is their priority. One could say that Ukrainians are wrongly evaluating the risks: this, though, would smack of the kind of colonial arrogance that persuaded so many of us that Ukraine would not resist, or would be quickly defeated if they did. The Ukrainian leadership knows what it is doing. And they are doing what their voters want them to do.
Rather than just listening to Ukrainians about their evaluation of risk of local nuclear use, we sometimes seek Putin’s inner thoughts. When people imagine the use of Russian nuclear weapons in Ukraine, a certain weird empathy comes into play: Putin will feel that his back is against the wall, that he has no choice.
If we treat that as a hypothesis, we see that it has been disproven. Russia lost the battles of Kyiv, Kharkiv, and Kherson without using nuclear weapons. Russia has suffered almost a year of surprising defeats of various kinds, not least the collapse of its entire war plan, which involved overthrowing the Ukrainian government and controlling the entire country. And yet: no nuclear weapon use. Instead, each defeat generates stories about how Russia was not actually defeated. That is worth noting. The escalation one actually sees is narrative. It takes more and more work for Russians to explain defeat as victory. But so far they have been up to the task.
Wars end when the political power of rulers is threatened, and we have not yet reached that point. When we do, Putin will feel the threat in Moscow, not in Ukraine. In such a situation, using nuclear weapons in Ukraine will not help him. Withdrawing conventional forces from Ukraine for a power struggle in Russia might. During that power struggle, no Russian struggling for control of the Kremlin will admit that the war in Ukraine was lost. Instead, contenders for power will compete with their stories of how grand the victory actually was. My expectation is that the next Russian leader (or Putin if he remains) will claim that Russia won an extraordinary victory over NATO by eliminating NATO forces in Ukraine before they had a chance to cross into Russian territory.
In both the global and the Ukrainian settings, the Russian calculation is that nuclear talk will induce Europeans and North Americans to deter themselves from sending weapons. But deploying talk is very different from deploying weapons. Indeed, it is an alternative to doing so. We too easily assume that the word must be the antecedent to the deed. But the word is the deed. When deploying nuclear talk is the policy, then actually deploying a nuclear weapon undoes the policy. The implied threat is no longer available, once used. And the Russian leadership knows that the Americans and everyone else would send more far, far weapons to Ukraine were Russia to use a battlefield nuclear weapon.
The use of a nuclear weapon on the Ukrainian battlefield would have far greater costs than this for Russia: in the moment, and for years and decades down the line. Moscow would lose even what tentative support it has around the world. It would forfeit its ability to present itself as a victim in international relations. Its leaders would know that they would be remembered as criminals and pariahs. And that is not even to mention what would usually be mentioned first: direct deterrence. Should Russia break the taboo of nuclear use, its own status as a military power would be dramatically compromised by the military response of others.
Nuclear weapons are symbolic, for different people in different ways. I want to close on the question of status, from the Russian point of view. People sometimes say that a nuclear power cannot lose a war. This that makes historians cry into their pillows. The United States is a nuclear power that loses wars on a regular basis. The Soviet Union lost in Afghanistan, Russia lost the first Chechen war. The French nuclear test in 1960 did not save it from defeat in Algeria, any more than British nuclear weapons preserved the Empire. The use of a battlefield nuclear weapon will not win the war for Russia in Ukraine, but it would be a tremendous blow to Russian status, which is something that Russian leaders do care about.
This requires some explanation. When this war began, the two things that made Russians believe that they were a superpower were the army and the nuclear arsenal. The first source of status is now in question. If Russia uses a nuclear weapon, that is an admission that its army has been beaten. So the first source of status has been conceded — along with the second. The moment Russia uses a nuclear weapon, other countries, including those with superior economies and scientific establishments, will build their own nuclear arsenals. When that happens, Russia ceases to be a superpower, even in the minds of Russians. That, for Russian elites, is the one intolerable outcome of this war. It is far worse than withdrawing troops from Ukraine — for that there will always be a story. There is no story that can restore the sense of superpower status after it is lost.
One-year anniversary clickbait!
It has been almost a year since Russia began its full-scale invasion of Ukraine. The magic of anniversaries assures that there will be many articles about Ukraine on February 24th, no doubt some of them reflective and interesting. I will nevertheless predict that there will be a number of essays along the lines of: “Hey, Let’s Keep Talking About Nuclear War.”
It is also safe to say that no one will publish an op-ed along the lines of “We Talked About Putin’s Mind For a Year, And We Were Wrong “; or “Despite Our Reflexive Use of the Word ‘Escalation,’ It Never Happened”; and certainly not “A Year After Russia’s Invasion, Ukraine has Reduced the Risk of Nuclear Conflict Around the World.”
But that is the most important thing to say about nuclear war: it’s not happening.”