7.2.23

C’est une des caractéristiques de Facebook : les gens se saisissent d’un bout de citation et l’utilisent, en fin de compte… pour illustrer son contraire.

Ce matin, je tombe sur un bout du “L’Heure n’est pas à la poésie” de Bertold Brecht, publié en 1939. Le début seulement, pour illustrer autre chose, c’est-à-dire l’attitude de tous ces gens qui en ont marre qu’on les “gave” avec du négatif. Comme si “le négatif” allait disparaître de lui-même, à condition de n’en pas parler. (Le poème disant exactement le contraire, au fond, – bien que je ne sois pas particulièrement intéressée par le poème en question.)

En soirée, je poursuis ma lecture de la traduction française du Bloodlands de Timothy Snyder*, avec ses cartes montrant le déplacement des frontières selon les fortunes de guerre et le bon vouloir des gouvernants. J’en suis au sort terrible fait à la Pologne quand les alliés se plièrent aux décisions de Staline la concernant. Et, bien sûr, cela résonne haut et fort dans les discussions actuelles concernant la Crimée. Apparemment, une annexion illégale, suivie d’une élection truquée prévaut sur les règles de droit international, alors il ne faut pas s’étonner (s’indigner, oui, protester, oui, s’étonner, non) que nos valeureux représentants soient disposés à laisser la Crimée à la Russie, en plus des autres territoires ukrainiens qu’elle occupe présentement et qu’elle pilonne jusqu’à la démolition intégrale .

Les frontières se modifiant au gré du bon vouloir du gagnant dans une partie de souque à la corde. Et voilà ce qu’il en est du droit des peuples à l’auto-détermination. C’est agaçant, non, cette manie de brandir de nobles principes qu’on dévoie constamment à la petite semaine ?

*Timothy Snyder, Terres de Sang, traduit par Pierre Emmanuel Dauzat, Gallimard 2022

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Toujours sans nouvelles de ma copine ukrainienne; de plus, c’est l’homme qu’elle a rencontré récemment qui répond maintenant sur son téléphone, alors, évidemment, je m’inquiète. Message à sa demi-soeur. En attente d’un retour. Evidemment, si elle a décidé de couper les ponts, pour une raison ou une autre, c’est son droit. Je veux juste m’assurer qu’elle et ses enfants sont en sécurité avec l’homme en question puisque la relation s’est établie très rapidement et que les deux brefs contacts que j’ai eus avec lui m’ont fait l’impression du gars qui se cherchait une infirmière couchante.

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Retour à la Pologne, la lecture me remettant en mémoire l’histoire des parents du père de ma fille. Juifs polonais, tous deux, issus de familles pratiquantes, à un moment où certains jeunes optaient pour le sionisme, ils avaient choisi le marxisme et s’étaient établis en Russie soviétique (comment ils se sont retrouvés à Zlataoust dans l’Oural, je ne sais pas.) Un enfant leur est né qui deviendrait le père de ma fille et, la Russie étant en guerre, son père à lui partit se battre (des années plus tard, nous avons appris qu’il était mort pendant la guerre – probablement de faim – dans un asile psychiatrique servant de mouroir dans l’Est de la Russie). Avec son enfant de deux ans, sa femme se mit en route en direction de la Pologne, ignorante du fait qu’à ce moment les rafles de juifs étaient quotidiennes. Elle y rencontra un homme détenteur d’un visa de sortie, dont la femme et l’enfant avaient été raflés la veille. Elle et son fils devinrent immédiatement la femme et l’enfant de cet homme. Ils se retrouvèrent tous en Israël en ’49, après des années d’errance à travers l’Europe.

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Révisions en suspens; je travaille surtout dans mes nombreux cahiers en ce moment.

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It’s a facebook characteristic : people grab a snippet of a quote and use it to illustrate…it’s opposite.

This morning, I came across a bit of Bertold Brecht’s poem Bad Time for Poetry, published in 1939. Only the beginning,, then used to illustrate something else entirel : the attitude of those people who are fed up with being ‘gorged’ with negativity. As if the negative stuff would disappear on its own if we don’t pay attention to it. (The poem meaning exactly the opposite, even though I’m not much taken by the poem itself.)

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In the evening, I pursue my reading of Timothy Snyder’s Bloodlands in French translation, with its maps showing the movement of the borders according to the fortunes of war and the whims of leaders. I’m at the point in the book of the terrible fate that befell Poland when the Allies folded to Stalin’s decisions about the country. And, of course, this signals loud and clear in the current discussions concerning Crimea. Apparently, an illegal annexation followed by a trick election prevails over the rule of international law, so one shouldn’t be surprised (indignant, yes, surprised, no) when our brave representatives declare themselves ready to leave Crimea to Russia, along with the other Ukrainian territories it currently occupies and is pounding to oblivion.

Borders being decided in a game of tug of war where the strongest wins. So much for the people’s right to self-determination. Annoying isn’t it, how noble principles are brandished while they are betrayed, bit by bit, on a weekly basis.

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Still no news from my Ukrainian buddy; moreover, the man she met recently answers her phone now, so, of course, I worry. A message to her half-sister. Waiting for a reply. Of course, if she’s decided to break off contact for whatever reason, she’s entitled to her own decisions. I simply want to make sure she and her children are safe with the man in question since the relationship was struck up very quickly and the two brief meetings I had with him left me with the impression of a guy who was looking for a bedmate who would double as his nurse.

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Back to Poland, my reading evoking memories of what I know about the parents of my daughter’s father. Polish Jews, both, from religious families, at a time when some of their friends opted for Sionism, they chose Marxism and established themselves in Soviet Russia (how they ended up in Zlataoust in the Ural, I don’t know.) A child was born to them who would become my daughter’s father and since the war was on, the man was conscripted (years later, we learned he had died – probably of hunger- in a psychiatric asylum in the Eastern part of Russia.) With her two-year old son, the woman made her way back to Poland, ignorant of the fact that roundup of Jews were happening there on a daily basis. She met a man with an exit visa whose wife and child had been picked up the previous day. She and her son immediately became the missing wife and child. Together, they wandered through Europe for years before finally landing in Israel in 1949.

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I’ve suspended my revisions for the time being. Working mostly in my many notebooks at the moment.

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