12 janvier 2023

” —Est-ce qu’il existe sur terre quelque chose qui aurait une importance et pourrait même modifier le cours des événements non seulement sur terre mais aussi dans les autres mondes ? demandait-je à mon maître.

Oui, me répondit mon maître.

Et qu’est-ce que c’est ? demandai-je.

— C’est…commença mon maître, et, brusquement, il se tut.

J’étais là, tout tendu, j’attendais sa réponse. Et lui, il se taisait.

Moi aussi, j’étais là, je me taisais.

Lui aussi, il se taisait.

Moi aussi, j’étais là, je me taisais.

Lui aussi, il se taisait.

On est tous les deux là et on se tait.

Oh la la !

On est tous les deux là et on se tait.

Oh lè lè !

On est tous les deux, là, et on se tait. “

Daniil Harms, 16-17 juin 1937*

Daniil Harms, Poèmes et Proses, traduction, préface et notes d’André Markowicz, éditions Mesures 2020

*

Je me suis réveillée ce matin au moment où, dans le rêve, les soldats de l’unité venaient saluer l’arrivée du chien en lui touchant la truffe du nez, l’un après l’autre.

Dehors, le brouillard va en s’épaississant (pour de vrai) et mon désarroi itou. Désarroi entre l’aspect miraculeux d’exister, de voir les objets, les nommer, constater qu’ils forment des ensembles cohérents et le mystère sans cesse plus profond concernant ce à quoi jouent les humains.

Sans nouvelles de V qui devait venir au cours de français hier, et qui ne répond pas aux mail.

Question écriture : Toujours dans les Sargasses, à la rame qui s’emmêlent dans les algues.

Classe au cirque ce matin, question de maintenir une forme de synchronisation entre les diverses parties du corps.

*

“— Does there exist something on earth that would be important and that could even modify the course of events not only on earth but also in the other worlds? I asked my master.

Yes, my master answered me.

And what is it ? I asked.

It’s…my master began and, suddenly, he fell silent.

I stood there, as tense as could be, I waited for his answer. And he was silent.

I also was there also, I was silent.

He was silent also.

Me too, I was there, I was silent.

He was also silent.

We were both there, silent.

Oy. oy oy !

We’re both there and we’re silent.

Oy vey oy vey !

Both of us are, there, and we are silent.”

Daniil Harms, June 16-17 1937

*

I woke up this morning at the moment where, in the dream, the soldiers from the unit were greeting the arrival of the dog by each touching his nose to the dog’s.

Outside, the fog goes on thickening in real-time, and so does my bewilderment. Bewilderment seeing the miraculous aspect of existing, seeing objects, naming them, observing how they form coherent wholes and the ever-deeper mystery as to what humans are playing at.

No news from V who didn’t show for the French lesson yesterday and isn’t answering emails.

Writing-wise: still attempting to paddle through the Sargasso, with the paddle getting caught in the algae.

Class at the circus, a matter of keeping various body parts in some kind of synchronization.

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