7 janvier 2023

Choc de découvrir, en lisant The Road to Unfreedom de Timothy Snyder, que le Lev Gumilev dont il est question parmi les penseurs de la droite la plus extrême en Russie était nul autre que le fils d’Anna Akhmatova. Fils animé d’un ressentiment jamais éteint contre sa mère laquelle, de son point de vue, n’avait jamais fait assez pour le faire libérer du goulag où il séjourna deux fois.

Une partie de ses idées reposent sans doute sur les expériences extrêmes de privations et d’humiliations diverses dans les camps, mais aussi, je crois, sur ce ressentiment profond. Il n’aura peut-être jamais compris que les tortures que lui imposait le pouvoir soviétique était aussi destinées à punir sa mère, par la même occasion.

*

L’acharnement contre les innocents révèle la nudité des puissants. Témoignages après témoignages de la détestation profonde de ces derniers contre toute manifestation d’une respiration libre et sincère. Chine, Iran, Syrie, Turquie, Russie, et tous les autres endroits où il suffit de parler vrai pour être persécutés. L’individualité, la joie et la beauté dérangent.

En lisant la chronique d’André Markowicz ce matin, j’ai pensé à ce qu’écrivait Jorge Semprun dans Exercices de survie – le dernier de ses livres, je crois. Parlant du temps passé sous la torture de la Gestapo, il écrit : “Mon expérience m’apprend que ce n’est pas la victime mais le bourreau – si celui-ci en réchappe, s’il y survit dans une existence ultérieure, même anonyme et apparemment paisible, qui ne sera plus jamais chez soi dans le monde, quoi qu’il en dise lui-même, quel que soit son faire-semblant. La victime, tout au contraire, et non seulement si elle survit à la torture, même au cours de celle-ci, dans tous les interstices de répit bienvenu, quoique éphémère, la victime arc-boutée sur son silence voit se multiplier ses liens au monde, voit s’enraciner, se ramifier, proliférer, les raisons de son être-chez-soi dans le monde…chaque heure de silence gagnée aux sbires du Dr. Haas, le chef local de la Gestapo, m’a conforté dans la certitude d’être, précisément, chez-moi dans le monde. Qui m’appartenait. Ou plutôt, auquel j’appartenais.” *

Raison de plus de prêter la voix au sort fait à celles et ceux qui parlent vrai. Ils et elles défendent notre droit le plus précieux dont nous avons encore l’usage.

*Jorge Semprun, Exercices de survie, folio, Gallimard 2012

*

Révision: à raison de deux, maximum trois, chapitres par jour, ça va. Je reste avec les personnages, puis je les quitte pour autre chose. Plus, je ne peux plus, à force de l’avoir lu et relu. Mais le découpage en chapitres semble utile; les citations en exergue aussi, agissant comme des sortes de boussoles vers…quelque chose.

*

The shock of discovering, while reading Timothy Snyder’s The Road to Unfreedom * that the Lev Gumilev he mentions as one of the most extreme right-wing thinkers in Russia was none other than Anna Akhmatova’s son. A son filled with a never extinguished resentment against his mother who, from his perspective, had never done enough to have him freed from the gulag where he was sent twice.

A part of his ideas undoubtedly springs from experiences of deep deprivation and various humiliations in the camps but also, I think, from that deep resentment. He probably never realized that the tortures the Soviet regime imposed on him were also meant as punishment against his mother by the same token.

*Timothy Snyder, The Road to Unfreedom, Russia, Europe, America, Vintage Books, 2019

*

The relentless fierceness exercised against the innocent reveals the nakedness of the powerful. Testimony after testimony of their deep hatred of any manifestation of a free and sincere expression. China, Iran, Syria, Turkey, Russia, and all the other places where persecution follows any expression of truth. Individuality, joy and beauty are disturbing.

Reading André Markowicz’ column this morning, I thought of what Jorge Semprun wrote in Exercices de survie (Survival Exercises) – the last of his books, I think. Speaking of the time spent under torture by the Gestapo, he writes : “My experience teaches me that not the victim but the henchman – if the latter escapes, if he survives in an ulterior existence, even an anonymous and apparently peaceful one – is the one who will never again be at home in the world, no matter what he may say himself, no matter what his pretence may be. The victim, on the contrary, and not only if he or she survives the torture, even during its course, in each bit of welcome respite, no matter how fleeting, the victim braced against his or her silence sees its links to the world multiplying, sees them taking root, branching out, proliferating with the reasons of his rightful well-being in the world… every hour of silence won against the local chief of the Gestapo Dr. Haas and his henchmen comforted me in the certainty of being, precisely at home in the world. That it belonged to me. Or rather, that I belonged to it.”

Which is more than enough reason to lend our voices to those who speak the truth since they are defending what is our most precious right, of which we still have the use.

*

Revision: at a rate of two, maximum three chapters a day, it’s OK. I stay with the characters, then I leave them to do other things. More than that, I can’t take anymore after having read and re-read so many times. But the distribution into chapters with each its introductory quote seems useful; the quotes serve like small compasses pointing toward…something.

*

Leave a comment