7 décembre 2022

Mis à part quelques textes écrits en atelier (et donc destinés à une lecture publique), il y a longtemps que j’ai cessé de croire que mes écrits pouvaient intéresser les autres.

Au fond, pour être honnête, je n’écris pas “pour les autres”. Si mon lecteur intérieur est satisfait, je le suis aussi. S’il rechigne, regimbe, refuse telle virgule, tel mot, telle image, je corrige. Le lecteur intérieur a remplacé l’ami imaginaire avec lequel je m’amusais dans la chambre; à qui je racontais des histoires; dont j’écoutais les réponses dans ma tête. L’ami imaginaire. “L’autre”, interne.

De temps en temps, je donne quelque chose à lire à quelqu’un. Les réactions habituelles sont le silence. Il y a longtemps, donc, que j’ai cessé de croire à une publication éventuelle comme objectif de ce besoin de m’accompagner moi-même par la présence d’un lecteur interne. À vrai dire, si quelqu’un s’intéressait à quelque chose que j’ai écrit, je réagirais probablement comme le chien aboyeur devant une voiture qui s’arrêterait. J’en fais quoi de cette voiture, se demande le chien qui n’aboie plus.

Je passe la plupart de mes journées seule. Environ quatre heures par semaine de contacts humains garantis: deux heures de cours de français aux Ukrainiennes, deux heures d’exercice physique avec d’autres au cirque. Le reste, occasionnel, aléatoire. Il est rare que j’en souffre; simplement, je reprends les habitudes du temps où le paternel était au boulot, les deux soeurs à l’école, la mère migraineuse enfermée dans sa chambre. Le temps d’avant le petit frère, en somme.

Pendant que la guerre se poursuit, que les gens se lassent d’en entendre parler, tellement la soif de nouveautés est forte. Je maintiens la présence Maria Damcheva sur facebook. Si quelque chose de moi se trouvait à être publié par un concours de circonstances extraordinaire, j’aimerais que ce soit sous ce nom. Tous les autres, y compris le nom qui me fut attribué à la naissance, ne m’appartiennent pas tant que ça, sauf pour des raisons administratives.

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Except for a few texts written in a workshop setting (and thus meant for public reading), it’s been a long while since I’ve believed my writing might interest other people.

Basically, if I’m honest, I don’t write “for others”. If my inner reader is satisfied, so am I. If he quibbles, protests, refuses this comma, that word, this image, I correct. The inner reader has replaced the imaginary friend with whom I played in the room: the one to whom I told stories; whose answers I listened to in my head. The imaginary friend. The “other” within.

Occasionally, I give something of mine to someone to read. Silence being the usual reaction. So it’s been quite a while that I’ve stopped believing in publication as an objective for this need to keep myself company with the presence of an inner reader. Frankly, if someone were to express interest in anything I’ve written, I’d probably react like the barking dog when a car stops. What do I do with this car, the dog wonders, no longer barking.

I spend most of my days alone. About four hours weekly of guaranteed human contact: two hours of French lessons for the Ukranians, two hours of physical exercise with others at the circus. The rest, on occasion, random. I rarely suffer from it: I’ve simply re-established the habits from the days when the father was off to work, the two sisters at school, the mother locked into her room with migraine. The days prior to the arrival of the little brother, basically.

While the war goes on, people tiring of hearing about it, so strong is the thirst for the new. I maintain the Maria Damcheva presence on facebook. Should anything of mine ever be published by some extraordinary set of circumstances, I’d like it to be under that name. All the others, including the one given me at birth, not belonging to me all that much, except for administrative purposes.

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