
Dans les commentaires suivant la chronique d’André Markowicz aujourd’hui – au sujet de Bakhmout – j’ai coupé court parce que déjà, je faisais trop long, je crois. Mais aussi parce que la suite du passage dans le Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas d’Imre Kertész ne convient guère comme commentaire, et encore moins sur facebook où le sens des mots est si facilement détourné de leurs fins. Les gens lisent souvent vite et mal sur facebook.
Alors, je poursuis le propos de Kertész ici : « Oui, vous divinisez ceux que vous considérez comme de vulgaires fous criminels, du moment qu’ils ont accaparé le sceptre et le globe, vous les divinisez même en les maudissant, vous énumérez les circonstances objectives, vous dites en quoi ils avaient objectivement raison, en quoi il avaient subjectivement tort, ce qu’on peut comprendre objectivement, ce qu’on ne peut pas comprendre subjectivement, quelles intrigues se jouaient dans les coulisses, quels intérêts entraient en jeu, et vous êtes intarissables en explications, rien que pour sauver vos âmes et tout ce qu’on peut sauver, pour voir sous l’éclairage grandiose et théâtral des événements mondiaux le vulgaire brigandage, le crime et l’exploitation…»* Tout le reste de ce passage serait à citer qui mène vers le bien que Kertész considère être le véritable inconcevable dans un monde où «…depuis que les usines de la mort se sont ouvertes ça et là, et dans tant d’endroits, c’est fini, pendant un bon bout de temps il n’y aura plus rien de sérieux à prendre au sérieux, du moins en ce qui concerne l’image du pouvoir, de n’importe quel pouvoir. »
Il n’y a qu’à entendre l’effroyable silence entourant les exactions ‘d’alliés’ comme les mollahs iraniens ou le prince assassin en Arabie saoudite, pendant que les rats humains sortis des égouts mènent le bal en Russie…
* Imre Kertész, Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, Babel, Actes Sud 1995
*
Il faisait froid pour le cours dans la salle du cirque ce matin. Conversation avec Marie: le cirque prend à sa charge 50% du coût du cours pour adultes, les lundis matins, si la chose se concrétise avec sl mère de Y. De mon côté, je tenterai de collecter la balance ailleurs (parce que le cirque n’est pas riche, lui non plus, mais on me dit ‘pas grave si tu n’y arrives pas, on n’en mourra pas pour si peu.’) C’est le principe du ‘quand il y en a pour quatre, il y en a pour douze’, principe appliqué plus souvent chez les pauvres que chez les milliardaires à la Elon Musk qui choisit ce moment pour doubler le tarif d’abonnement à Starlink en Ukraine c-à-d 700$ dans un pays où le salaire moyen avant-guerre était l’équivalent de 380€.
Je n’ai nullement le goût de diviniser Elon Musk.
*
Ecriture: 32 appartements dont certains inoccupés. En écrivant de brèves moments de vie de ses habitants, je me rends compte à quel point la plupart des vies humaines se déroulent à l’intérieur de toutes petites bulles sans grande ouverture sur les autres, même sur la bulle du voisin de palier.
*
In the comments following André Markowicz’ column today – concerning Bakhmut – I stopped short because I felt I was going on for too long already. But also because the rest of the excerpt in Kaddish for a Child not Born by Imre Kertész was not suitable as a comment, and even less so on facebook where the meaning of words is so easily diverted from their ends. People often read quickly and poorly on facebook.
So, I continue with Kertesz’ words here : “Yes, from the moment they seize the scepter and the globe, you sacralize those you consider to be vulgar demented fools, you sacralize them even as you curse them, you enumerate the objective circumatnces, what cannot be understood subjectively, what intrigues were playing out backstage, what interests were at stake, and you are intarriable with your explanation, for no other reason than to save your souls and all that can be saved, to see under a theatrical and grandiose light global events of vulgar thievery, crime and exploitation…” All the rest of this excerpt would need to be quoted as it leads toward the good Kertesz considers to be the truly inconceivable in a world where “…since death factories have been opened here and there, and in so many places, it’s finished for a long while, there will no longer be anything serious to be taken seriously, at least as pertains to the image of power, of any power whatsoever.”
All you need is to hear the horrible silence concerning the exactions committed by ‘allies’ such as the mollahs, or the murderous prince in Saudi Arabia., while the human rats emerged from the sewers set the tempo in Russia…
(My translation of Kertesz from my French copy).
*
It was cold this morning for the class at the circus. Conversation with Marie: the circus will bear 50% of the cost of the Monday morning class for adults, should Y’s mother agree. For my part, I’ll try to collect the balance from other sources (because the circus isn’t rich either, but I’m told “it won’t matter if it doesn’t work, we won’t die for so little.”) It’s the principle at work of “when there’s enough for 4, there’s enough for a dozen” – a principle applied more often by poor people than by billionnaires such as Elon Musk who chooses this time to double the cost of a subscription to Starlink in Ukraine i.e. 700$ in a country where the average pre-war salary was the equivalent of 380€.
I have not the slightest yearning to sacralize Elon Musk.
*
Writing : 32 apartments, some of them unoccupied. In writing brief life moments in the lives of the inhabitants, I realize to what extent most human lives play out within the confines of tiny bubbles with little opening out on others, even the one in the neighbouring apartment.