Ce qui compte/What matters

Au matin, ils se lèvent, comme font toutes les personnes en état de la faire. S’ils ont rêvé, ils ne s’en souviennent plus; au mieux, au pire, il en reste une vague sensation désagréable.

Ils débutent leur toilette quotidienne. Les préoccupations du jour font surface; elles n’ont rien de réjouissant, si ce n’est d’un éventuel moment de répit en fin de journée. Ils se concentrent sur leur rasage, sur l’eau de toilette qui procure quelques secondes de bien-être. Endossent leurs costumes, endossent leur personnage; petit déjeûner ? Pas question, on les attend au ministère.

Ce matin je me suis réveillée après des rêves de malentendus et de désordres. Je me suis levée en pensant au vice-président de la Douma, Piotr Olegovitch Tolstoï, et au porte-parle du Kremlin, Dmitri Sergeïevitch Peskov. Dans une entrevue accordée à BFM-TV en France, Tolstoï avec un air de grand favori à la cour disait que les frappes russes retourneraient l’Ukraine au 18e siècle; j’ai choisi de ne pas en écouter davantage. Peskov, lui, commentant le fait que ces mêmes frappes plongeaient les civils ukrainiens dans l’obscurité et le froid a répondu qu’il leur appartenait de reconnaître les revendications légitimes de la Russie pour recouvrer une existence normale.

Dans les milliers de fonctionnaires transformés en serfs de l’ère moderne par les diktats du Kremlin, y en a-t-il quelques uns qui savent pertinemment que tout ça est immonde, insupportable…mais qui supportent quand même, que faire d’autres ?

Question personnelle, évidemment; chacun y répond selon ses priorités. Et selon l’importance qu’il accorde à sa liberté intérieure, et à son existence en tant que personne et non d’objet.

*

In the morning, they get up, as do all those capable of doing so. If they dreamt, they don’t remember; at best, at worst, they retain a vague sensation of unpleasantness from them.

They begin their morning ritual. The coming day’s preoccupations surface; they have nothing delightful about them, save, perhaps, a vague moment of respite at some point. They concentrate on shaving, on the after-shave lotion that brings a few seconds of well-being. Don their suit, don their character; breakfast? Out of the question, they’re expected at the Ministry.

This morning I woke up after dreams of misunderstandings and disorder. I got up thinking of the Duma’s vice-president, Piotr Olegovitch Tolstoy, and of the Kremlin’s spokesperson, Dmitri Sergeyevitch Peskov. In an interview on BFM-TV in France, Tolstoy with an air of great favorite in court said that the Russian strikes would send Ukraine back to the 18th century; I chose not to hear anything further. As for Peskov, he commented on these same strikes plunging Ukrainian civilians in the dark and the cold by saying it was up to them to acknowledge Russia’s legitimate demands in order to recover a normal existence.

In the thousands of civil servants reduced to modern-day serfdom by the Kremlin’s diktats, are there some who know full well that all this is disgusting, unbearable…but who bear it anyway, what else is there to do?

A personal question, obviously; everyone answers it according to his or her priorities. And according to the importance he gives to his inner freedom and his existence as a person, not a thing.

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