«Trop »/”Too much”

Il y a quelques mois de cela déjà, j’avais donné à lire un roman écrit, revu et ré-écrit récemment, Une poule avertie en vaut deux. Hier, la lectrice m’a enfin avoué s’être arrêtée de lire à la page 70 parce que c’était “trop”. Ce qui est bien embêtant parce que, justement, ce que ce personnage doit résoudre, c’est comment survivre à du “trop”: comment ne pas être engloutie par ce “trop”; comment avancer et, même, trouver une utilité pour elle-même et pour les autres dans le “trop” qu’elle a dû subir. Elle ajoute: “ça n’est pas que ça soit mal écrit; au contraire, tu embarques tellement le lecteur qu’il ne peut plus en prendre.” Ce qui est bien embêtant aussi parce que, si le lecteur ne peut plus en prendre, comment le personnage est-elle supposée exister dans le monde de ceux qui n’ont pas eu à vivre du “trop”, et ne peuvent pas supporter d’en avoir connaissance?

Je ne sais vraiment pas quoi répondre. Je laisse le tout reposer dans ma tête pour le moment, mais il me semble évident que presque tout ce que j’écris souffre du même “syndrome” parce que ce ne sont pas les horreurs en elles-même qui m’intéresse mais ce qu’on en fait lorsqu’on y survit. Bien embêtant, en effet.

“Il faut écrire pour que le lecteur puisse suivre,” me dit-elle. Ce qui suppose qu’on pense et qu’on s’exprime pour un lecteur encore plus fictif que ses propres personnages imaginaires. Je ne pense pas en être capable, surtout que le lecteur silencieux dans ma tête semble suivre sans trop de difficultés…

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Phénomène se produisant régulièrement sur les réseaux sociaux: les opinions circulent plus vite que l’explication des faits en cause. Exemple du jour: l’engin volant qui s’est écrasé en Pologne, y tuant deux paysans. Intox, désinformation, suppositions, conjectures, hypothèses à gogo alors que pas un seul des commentaires ne peut reposer sur une connaissance précise de la trajectoire de l’engin, de son type, et cetera.

Vivre seule ne m’embête pas du tout, sauf lorsque j’aimerais partager des moments de tranquillité avec un personne intelligente et réfléchie. Quelqu’un avec qui il serait possible de parler, réfléchir, imaginer, hors du circuit des exaltations balayées comme des feuilles sous les bourrasques d’automne.

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Fortes pluies durant la nuit, le ciel semble se dégager. À Kyiv aujourd’hui: pluie, 5°C tombant à -1° la nuit prochaine.

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A few months ago already, I had given someone a copy of a novel written, revised and recently re-written the title of which you might translate as Once Bitten Twice Shy. Yesterday, she finally admitted that she had stopped reading on page 70 because it was “too much” Which is is problem because that is precisely what the character has to process, how to survive this “too much”; how not to be swallowed up by this “too much”, how to keep moving on and, even, finding some use for herself and for others in the “too much” she has had to experience. She added. “It’s not that it is poorly written; on the contrary, the reader becomes so involved that he or she can’t take anymore.” Which is most awkward also because, if the reader can’t take any more, how is the character supposed to exist in a world of those who have not had to live the “too much”?

I really don’t know what to answer. I’m letting all that rest in my head for the time being, but it seems pretty obvious that almost everything I write suffers from the same “syndrome” because what interests me are not the horrors in themselves but what one makes of them when one survives. Most awkward indeed.

“One has to write so that the reader can follow,” she tells me. Which implies that one thinks and expresses one’s self for a reader who is even more fictitious than one’s own imaginary characters. I don’t think I’m capable of doing that, especially since the silent reader in my head seems to follow along without too much trouble…

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A frequent phenomenon on social media: opinions circulate faster than the explanation of the facts causing them. Today’s example: the flying object that killed two peasants in Poland upon landing. Intox, disinformation, suppositions, conjectures, hypotheses galore when not a single of the comments can rest on precise knowledge of the object’s trajectory, its type, etc.

Living alone does not bother me at all, except when I would love to share quiet moments with an intelligent and thoughtful person. Someone with whom it would be possible to talk, reflect, imagine, outside the circuit of exaltations blown about like leaves under the windy gusts of autumn.

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Heavy showers during the night, the sky seems to be clearing. In Kyiv today: rain, 5° C, a predicted -1° overnight.

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