
Donc, hier, dans un article publié par The Guardian, une sociologue a expliqué aux lents du cerveau que nous sommes, la signification du fameux lancer de soupe aux tomates contre un tableau de Van Gogh l’autre jour à Londres. “L’idée n ‘était pas de convaincre les coeur et les esprits, mais de créer un coup médiatique attirant l’attention et mobilisant des gens sympathiques à la cause,” a expliqué aux lecteurs Dana R Fisher, sociologue à l’university du Maryland qui étudie les protestations climatiques (elle qualifie la soupe aux tomates ‘d’innovation tactique’. Je suppose que la soupe crème de champignon serait un dérivé de cette tactique, et moins efficace de par ce fait.)
La cause…Ah. Donc…de la soupe crème de champignon contre un Modgliani, ça…non, ça n’aurait pas le même impact; déjà fait, comme coup médiatique. Il faut trouver autre chose pour mobiliser les gens autour de…autour de…
Pour ma plus grande consternation, je me suis presque retrouvée à partager les opinions de l’infâme Tucker Carlson de Fox News, qui a qualifié les protestataires de ‘radicales’ et pour une raison inexpliquée “d’extrémistes religieuses’. Personnellement, je pense simplement qu’elles ont été exposées à trop de “coups médiatiques” et insuffisamment de réflexion à quelque sujet que ce soit.
Je trouve le tout singulièrement déprimant, comme forme de “liberté d’expression” – aussi bien la dite tactique en question que les mensonges délibérés d’organes de presse du genre Fox News qui prolifèrent partout.
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Quant à la censure, c’est une expérience qui…désarçonne. Surtout deux fois dans la même journée. Sur facebook, toujours. La première fois: un avertissement selon lequel mes publications seraient surveillées car j’aurais publié une photo “sans en préciser le contexte”. Comme l’avertissement ne précisait pas de quelle photo il s’agissait, difficile de comprendre la nature de ma ‘faute’.
La deuxième fois: interdiction de publier un commentaire que j’avais écrit concernant la “commissaire aux droits des enfants” de Russie, Maria Lvova-Belova qui organise le rapt d’enfants ukrainiens à l’échelle industrielle, sous l’aimable parrainage de Poutine. Apparemment, elle peut publier des mises à jour de ses activités criminelles, mais il est interdit de les appeler par leur nom – c’est-à-dire des actes criminels qui tombent sous la définition de génocide.
Les algorithmes de facebook ont des pudeurs pour le moins étonnantes. Quant à la notion même de confier à des équations mathématiques des décisions à caractère éthique de ce qui est acceptable de dire ou pas, elle est d’autant plus absurde qu’on lit à pleine page des contre-vérités accompagnées d’insultes et de grossièretés inqualifiables, autorisées comme formes de “liberté d’expression” ?
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Le pire risque fort de nous arriver. Par “le pire”, je ne veux pas dire une bombe nucléaire nous tombant sur la tête. Je veux dire le pire d’un détournement de sens menant à l’abandon de l’appui à la lutte de l’Ukraine contre l’emprise de la Russie. Le pire d’un effondrement de ce soutien, causé, voulu, encouragé par l’extrême droite au service de Poutine, aux Etats-Unis comme en Europe. Les milieux d’affaires et les centres politiques et médiatiques à leur service y travaillent activement. Et d’après ce que je vois et j’entends dans la rue comme sur les réseaux sociaux, le saccage et/ou la neutralisation de l’intelligence humaine se poursuit à un rythme accéléré.
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Dans une conférence prononcée le 15 octobre, et dans plusieurs de ses livres, l’historien Timothy Snyder définit la liberté d’expression comme étant, essentiellement, “la liberté de dire la vérité au Pouvoir”. Noyée dans les invectives et la censure exercée soit par le silence médiatique ou par l’imbécillité d’un algorithme, la liberté est à la peine. Raison de plus pour la disséminer partout où on le peut, comme des graines qui trouveront toujours le moyen de pousser, d’une façon ou d’une autre. Et puis parce que, franchement, tous ces mensonges sont d’une laideur repoussante.
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So, yesterday in an article published by The Guardian, a sociologist explained to the dim-wits among us the meaning of the now-famous throw of cream of tomato soup against a Van Gogh painting in London the other day. “…the idea isn’t to win over hearts and minds, it’s to grab media attention and mobilize people who are sympathetic to the cause,” explained sociologist Dana R Fisher from the University of Maryland (she studies climate protest and calls the tomato soup a ‘tactical innovation‘. I suppose cream of mushroom soup would be a derivative and less efficient for that reason.)
The cause…Uh. So… cream of mushroom soup thrown against a Modigliani would…no, too derivative; already done as a media stunt. Have to find something else to mobilize people who are sympathetic to the…to the…
To my deepest dismay, I find myself almost sharing an opinion with the dreadful Tucker Carlson of Fox News infamy who called the protestors “radicals” and for an unexplained reason “religious extremists”. Personally, I just think they’ve been exposed to too many “media stunts” and not enough thinking out of any kind.
I find this all singularly depressing as forms of “freedom of expression” – both the so-called tactic and the deliberate lies spead by Fox News type media outlets, proliferating everywhere.
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As for censorship, it’s an experience that leaves you…dismayed. Especially when it occurs twice in the saame day. On facebook, as always. The first time: a warning that my publications were under surveillance because I had published a photo “without specifying the context”. As the warning did not specify which photo, it was hard to understand the nature of my “fault”.
The second time: prohibition to publish a comment I had written concerning Russia’s “commissioner to child rights”, Maria Lvova-Belova who organizes the kidnapping of Ukrainian children at an industrial level under the kind patronage of Putin. Apparently, she can publish updates on her criminal activities, but it is forbidden to call them by their name – which is to say criminal acts that fall under the definition of genocide.
facebook’s algorithms display astonishing levels of bashfulness. As for the very notion of handing over ethical decisions to mathematical equations as to what is acceptable and what isn’t, it is rendered even more absurd by pages of lies accompanied by insults and vulgarities of every kind – considered to be “freedom of expression” ?
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There’s a true risk that the worst will befall. By “the worst”, I don’t mean a nuclear bomb landing on our heads. I mean the worst of a hijacking of meaning leading to giving up on support for Ukraine’s struggle against Russia’s stranglehold. The worst of a collapse of that support, caused, willed, encouraged by the extreme right winger at Putin’s service, in the States as in Europe. Business, political and media centers at its service are actively at work on this. And from what I see and hear on social networks as well as on the street, the wrecking and/or neutralizing of human intelligence is proceeding at a furious pace.
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In a conference on October 15th and in several of his books, historian Timothy Snyder defines freedom of expression as essentially “the freedom to speak truth to Power”. Drowned in invectives and in the censorship exercised either par media silence or by the stupidity of an algorithm, freedom is having a hard time of it. More’s the reason to spread it around everywhere, like so many seeds that will find a way to grown, one way or another. And because, frankly, all those lies are repulsively ugly.