17 octobre 2022

Pour diverses raisons, dont une violente réaction allergique à je-ne-sais-quoi, je n’ai pas tenu toute la journée à l’atelier d’écriture. Je suis rentrée à la maison et j’ai dormi plusieurs heures.

Comme le “thème” de la journée était la création d’un musée imaginaire, et que j’avais relu le Requiem de Léonid Andréïev hier soir, avec toujours la même fascination que je ne m’explique pas, j’ai écrit ce qui suit:

Le Musée Léonid Andreïev – Notes de présentation (ébauche)

En décembre 1916 à Moscou, le dramaturge Léonid Andreïev présentait au public sa pièce Requiem. Elle remporta un énorme succès et reçut de nombreuses critiques élogieuses. Tous saluaient cette oeuvre comme une véritable couronnement de son travail.La pièce aurait sans doute connu de nombreuses représentations si la révolution bolchévique n’avait pas éclaté en janvier, marquant un arrêt brutal à un certain monde culturel, et faisant du Requiem le son de glas de toute une époque, voire, d’une civilisation.

La mise en scène de cette pièce, en accord avec les didascalies d’Andreïev, prévoit une scène et une arrière-scène sur la gauche de l’aire de jeu avec, en contrebas deux rangées de ‘spectateurs’. Spectateurs qui sont, en fait, des planches de bois sur lesquelles un peintre en bâtiment a barbouillé des visages – minces, rebondis, divers – tous avec de grands yeux noirs fixant la scène. Selon les éclairages, ces visages grossiers peuvent sembler s’animer ou se retirer dans les pénombres.

Autre particularité : à la demande de la personnalité l’ayant commandée, la pièce de théâtre ne doit avoir qu’une seule représentation dans une maison abandonnée vouée à la démolition. D’une certaine façon, ces planches de bois peintes représentent les âmes des défunts hantant toujours les lieux, la scène étant construite dans ce qui fut la chambre du propriétaire décédé.

Ce décor dans sa précision déroutante m’est resté présent à l’esprit depuis ma toute première lecture de la pièce qui se déroule la nuit précédant sa seule et unique représentation devant se produire le lendemain. Le commanditaire du spectacle, un homme masqué de noir que le directeur du théâtre appelle “Sa Clarté”, tient des propos déroutants, eux aussi et le défilé des ombres des comédiens, ombres convoquées durant le sommeil des comédiens réels dormant toujours dans leurs lits, ajoute au sentiment de fin de règne qui imprègne toute la pièce.

C’est en son honneur qu’est né le projet du Musée Léonid Andreëv dont la structure architecturale sera conçue avec cette maison abandonnée, coupée verticalement pour bien planter le décor. Cette scène sera au coeur du dispositif autour duquel s’articuleront, avec le temps, des mises en scène de spectacles apparaissant à l’intérieur de pièces de théâtre – par exemple, la scène dans Hamlet où les comédiens miment la mise à mort du père d’Hamlet par son propre frère lui versant le poison dans l’oreille.

En raison de la présence de nombreuses structures très vastes, vestiges d’un passé industriel révolu, des démarches preliminaires prometteuses ont eu lieu auprès de la mairie d’une petite ville dans le Tarn, notamment pour l’acquisistion d’une très vaste mégisserie en bordure de la rivière.

L’architecture de ce lieu se prête à merveille à ce projet. En effet, les bâtiments forment un vaste fer à cheval autour d’une place centrale contenant la demi-maison abandonnée de la scène du Requiem. L’aile centrale de l’ancienne mégisserie incluera une librairie d’oeuvres théâtrales et un restaurant donnant sur la rivière. Les deux autres ailes serviront pour les expositions temporaires et les mises en scène diverses, dans un cas, et dans l’autre de petite théâtre (capacité: 100 spectateurs), pour la représentation d’oeuvres du répertoire ou de créations par des artistes contemporains.

Partout, le symbole du Musée Léonid Andreïev, se présentera dans une déclinaison des divers visages représentés parmi les “spectateurs” du Requiem. Ces visage s’inspireront de la collection de poupées et de marionnettes créées par Paul Klee pour son fils.

Le financement initial du projet sera fourni par les membres de l’Association des Amis de Léonid Andreëv, association loi 1901, dont les statuts ont été déposés à la préfecture d’Albi. Plusieurs artistes locaux, marionnettistes de profession, se sont dites intéressées par ce projet.

Ce qu’il compte de mettre en valeur dans ce Musée, c’est l’aspect à la fois déroutant et oh-combien contemporain de l’oeuvre de Léonid Andreïev, aspect qui retient aussi bien l’attention de férus de théâtre que de jeunes issues de milieux dits “défavorisés”, habitant des zones désindustrialisées, où les vestiges du passé les entourent sans jamais qu’ils n’en comprennent la signification. Parmi eux, le groupe de jeunes ayant participé à un atelier sur Andréïev ont été parmi les premiers à me signaler la résonance qu’avait pour eux la mise en scène voulue par l’auteur pour son Requiem, mise en scène à laquelle ils ont adhéré d’emblée.

Leur attitude m’a confirmé dans ma conviction que ces jeunes, loin d’être ‘allergiques à la culture’ comme d’aucuns le prétendent, sont au contraire très sensibles à des oeuvres dans lesquelles ils retrouvent des traces de leurs propres interrogations sur la passé, le présent et leur avenir.

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For various reasons, including a violent allergic reaction to I-don’t-know-what, I didn’t manage to stay for the full writing workshop today. I left early, came home and slept for several hours.

Since the “theme” today was the creation of an imaginary museum, and since I had read again Leonid Andreyev’s Requiem last night, with the same unexplained fascination, I wrote the text above – a Draft for Presentation Notes for the Leonid Andreyev Museum – to be located in a split-down the middle abandoned house as indicated in this stage directions, with a collection of ‘spectators’ consisting of wooden planks roughly painted to represent a diverse collections of faces.

(The play itself was staged in Moscow in December 1916 to resounding success and would have undoubtedly known a successful run, had the Bolchevic Revolution not exploded in January 1917, putting an end to a certain epoch and even, to a civilization. In the fictional text above, the imaginary museum would have this stage setting in an abandoned house as its central feature, surrounded by a bookstore, a small theater, and exhibition halls for the representations of scenes of plays within plays – such as the one in Hamlet where the comedians mime de death of the king when his brother pours the poison in his ear.)

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