silences

Côte à côte ce matin, dans les titres sur Le Monde : “Une “fosse commune” découverte à Izioum, ville abandonnée par l’armée russe, selon Volodymyr Zelensky”

et

“Tchat Roger Federer est-il le plus grand joueur de l’histoire du tennis? Venez en débattre avec notre journaliste.”

Monstrueux. Autant par le fait d’accoler ces deux éléments, que par le “selon Volodymyr Zelensky” et les guillemets autour de “fosse commmune”. Non, il ne s’agit pas d’une prétention du président de l’Ukraine. Les images sont là. Il s’agit d’un charnier composé de fosse commune et de sépultures individuelles identifiées par des numéros. Le “selon Volodymyr Zelensky” n’a tout simplement pas sa raison d’être dans le titre.

Quant à Roger Federer, Le Monde a bien une rubrique ‘sport’ appropriée à ce genre de discussion ?

Mais c’est comme ça, jour après jour, par un distillat parfois à doses homéopathiques qu’on opère la désensibilisation du plus grand nombre.

Je ne mentionne même pas les titres du New York Times où on découvre que le département américain de la justice est l’otage paralysé d’une juge nommée par Trump et qui bloque l’avancée des recherches concernant les documents confidentiels et secrets qu’il avait subtilisés en quittant la présidence. On a l’impression de vivre sous un nuage grandissant de lâcheté, de compromissions et d’excuses-bidons.

*

Le silence, c’est vrai, est chose capricieuse, phénomène sonore personnel, chaque individu l’ajuste, l’adapte à sa mesure…Il en était ainsi autrefois du silence de la paix, il en était devenu ainsi du silence de la guerre, où le fracas des armes avait évincé les bruits de la nature, mais à force de lassitude, était devenu coutumier, s’était comme glissé lui aussi sous les ailes du silence, avait cessé d’attirer l’attention sur lui.” * Andrey Kourkov, Les abeilles grises.

Apparemment, le tintamarre commercial actuel dans lequel nous sommes noyés, et qui permet d’accoler un charnier à un champion de tennis, a rigoureusement le même effet.

*

Side by side this morning on Le Monde: “A ‘mass grave’ discovered in Izium, a town abandoned by the Russian army, according to Volodymyr Zelensky”.

and

“Tchat Is Roger Federer the greatest player in tennis history? Discuss this with our journalist.”

Monstrous. Both by the fact of placing these two elements together, and by the “according to Volodymyr Zelensky”. No, this is not an assumption made by Ukraine’s president. The images are there. They consist both of a mass grave and of individual ones, identified by numbers. The “according to Volodymyr Zelensky” simply has no reason to appear in the headline.

As for Roger Federer, Le Monde surely has a sports section appropriate for that kind of discussion?

But that’s how it goes, day after day with a distillate, at times in homeopathic doses, of desensitization of the greatest number.

I won’t even mention headlines on The New York Times where one discovers an American Justice Department paralyzed and held hostage by a judge nominated by Trump who is blocking advances in the research on the confidential and secret documents the former president appropriated for himself. One has the impression of living under a growing, looming cloud of cowardice, compromises and phoney excuses.

*

“Silence of course is an arbitrary thing, a personal aural phenomenon that people adjust for themselves…Alll quiet sounds that cause no irritation and don’t turn one’s head eventually fuse into silence…And so it became with with his wartime silence, in which military sounds displaced peacful, natural ones, but, in due course, also nestled under the wings of silence and ceased to draw attention to themselves.” Andrey Kurkov, Grey Bees.

Apparently, the current commercial din in which we are submerged and which allows the presentation, side by side of mass graves and of a sports champion, has rigorously the same effect.

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