
Les silences. Aussi parlant que leur contraire. Certains s’imaginent peut-être que je suis de tempérament morose puisque je parle de choses tristes. Peut-être suis-je de tempérament morose sans même m’en rendre compte ? Possible. J’en doute quand même. Ou alors, ce qui me rend morose, justement, c’est de devoir parler de choses tristes, non pas parce qu’elles me plaisent mais parce qu’elles envahissent nos espaces de vie. Comment agir alors “comme si” ça n’était pas le cas. Je ne pratique pas tellement le “comme si” dans la vie quotidienne; autant que faire ce peut, je le réserve au monde de la fiction.
La centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine, par exemple. Que les russes occupent militairement, au mépris de toutes les règles du droit, sans parler du simple sens commun. Ils sont à en débrancher les fils transportant l’électricité au réseau ukrainien, pour rebrancher la centrale sur le réseau russe desservant la Crimée (annexée illégalement par la Russie en 2014). Une fois que la centrale sera complètement débranchée en prévision de son re-branchement, elle sera maintenue en activité par des générateurs fonctionnant au fuel. Et que voilà une brillante idée – je ne sais plus combien de milliers de tonnes de matériel radioactif, maintenues à des niveaux sécuritaires d’exploitation par l’équivalent de lampes à l’huile éclairant un immeuble de trente étages. On s’inquiéterait à moins.
Mais le ciel est bleu ici depuis très très longtemps. Les feux de forêt se poursuivent, les abeilles charpentières entrent et sortent de mon mur extérieur, je tente de marcher un peu quand la température est encore supportable. Je lis, j’écris, je traduis et le reste du temps, je fais la sieste.
Voilà. Aucune raison particulière de ma plaindre et je ne me plains pas. Mais aucune raison de sauter de joie non plus. (C’est vrai, je chante aussi, à voix haute, ça ne dérange personne.)
(Illustration : ah oui, l’étude du russe aussi. En ce moment, je me concentre surtout sur la lecture de rapports en-ligne et à écouter du russe parlé en-ligne aussi.)
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Silences. As eloquent as their opposite. Perhaps some people imagine I’m of a gloomy disposition since I talk about sad things. Perhaps I am of a gloomy disposition without even realizing it? That’s possible. But I doubt it anyway. Or maybe what makes me gloomy is precisely the fact of having to talk about sad things, not because I find this pleasant but because they are crowding our living spaces. So, how can you act “as if” this were not the case. I don’t practice the “as if” much in daily life; as much as possible, I reserve it for the world of fiction.
The nuclear power station of Zaporizhzhia in Ukraine, for example. That the Russians are occupying militarily, despite every form of legality, not to mention simple common sense. They are busy disconnecting the power lines carrying electricity to the Ukrainian power grid, in order to reconnect the power plant to the Russian grid serving Crimea (illegally annexed by Russia in 2014). Once the plant will have been totally disconnected prior to its reconnection, it will be maintained in activity by diesel-fulled generators. And isn’t that a brilliant idea, though – I don’t know any more how many thousands of tons of radioactive material, maintained at safe levels of exploitation by the equivalent of oil lamps providing light to a thirty storey high building. You would worry for much less.
But the sky is blue over here, as it has been for a long long time. The forest fires are doing their thing, carpenter bees buzz in and out of my outside wall, I try to get some walking done when the weather’s not unbearable. Read, write, translate and doze the rest of the time.
Voilà. No particular reason to complain, so I don’t. But no reason to jump for joy either. (True, I sing also, out loud, it doesn’t bother anyone.)