6 août 2022

Oeuvre de Steffie Bayer

Il y a 77 ans de cela, le lundi 6 août 1945, par une belle journée ensoleillée – visibilité idéale – l’armée américaine larguait la première bombe atomique sur la ville japonaise de Hiroshima. La seconde bombe de même nature fut larguée trois jours plus tard, le jeudi 9 août sur la ville de Nagasaki. Impossible de fixer un nombre exact de morts et de blessés puisque les effets mortels se répercutent encore sur les descendants des premières victimes.

Mais ici, je veux parler d’un événement plus récent : il y a 36 ans, le samedi 26 avril 1986, un accident se produisit durant une manoeuvre de vérification sur le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

Avec Tchernobyl, nous sommes entrés dans un monde inédit. Nous avons compris que le progrès technique représente une voie suicidaire. Il s’agit d’une guerre d’un nouveau type, dans laquelle l’homme ne se combat pas seulement lui-même, mais le vivant en général : les plantes et les animaux, la terre et le ciel. Dans la zone irradiée, on ramassait les moineaux morts à la pelle. On ne brûlait plus les feuilles mortes, irradiées, mais on les enterrait. D’ailleurs, on ne savait même pas de quoi il fallait avoir peur. Et la mort était différée, silencieuse. la nature ne ressemblait à rien de connu. Le jour de l’accident, j’ai vu un énorme nuage noir. Dans les jours suivants, les flaques ont pris des coulleurs invraisemblables. Elles devenaient noires, jaunes, vertes, fluorescentes. Dans le ciel, il y avait une sorte de lueur, un rayonnement. Évidemment, personne n’avait été préparé à ça. Nous avions été élevés dans l’idée suivant laquelle l’atome pacifique soviétique était inoffensif. Du coup, pour lutter, on employait les moyens qu’on connaissait : on envoyait des militaires armés de fusils. C’était absurde !” Svetlana Alexievitch*

Nous avons compris,” lui dit cette femme. Mais pas vraiment. Il y a 11 ans, le vendredi 11 mars 2011, suite à un tsunami, la centrale nucléaire japonaise de Fukushima déversa des quantités ‘importantes’ d’éléments radioactifs dans l’océan Pacifique. Les rejets d’eau contaminée se poursuive à ce jour.

Nous avons compris,” dit-elle. Mais non, vraiment vraiment pas: après une première invasion du site toujours contaminé de Tchernobyl, au cours de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, débutée le jeudi 24 février 2022, l’armée de l’envahisseur s’est emparée à Zaporizhia de la plus grosse centrale nucléaire en Europe, où elle stocke présentement armes et munitions.

Pendant que l’Europe vote l’adoption d’une reconnaissance de l’énergie nucléaire comme “énergie verte” et que le président de la république française émet son rêve éveillée d’ajouter 14 centrales additionnelles sur le territoire, pendant que les centrales vieillissantes accumulent les incidents, et que la sécheresse rend problématique le refroidissement de leurs eaux usées.

“Nous avons compris,” confiait cette femme à Svetlana Alexievitch.

Il serait plus que temps de lui donner raison. Hier soir, arrivaient les premières nouvelles confuses de tirs autour de la centrale. Ce matin : silence radio sur l’incident. Les envahisseurs russes occupent toujours la centrale, et leurs forces se massent au sud, vers Kherson.

(Pendant que les trolls pro-russes s’en donnaient à coeur joie, suite au “rapport” d’Amnistie Internationale.)

*Svetlana Alexievitch, préface, Oeuvres, “Thesaurus” Actes Sud 2015

*

77 years ago, on Monday August 6th 1945, a beautiful sunny day – with excellent visibility – the American army dropped the first atomic bomb on the Japanese city of Hiroshima. The second bomb of the same composition was dropped three days later, on Thursday August 9th on the town of Nagasaki. It is impossible to give a total figure of the dead and wounded since the lethal effects are still being felt by the descendants of the first victims.

But here, I wish to speak about a more recent event: 36 years ago, on Saturday April 26 1986, an accident occurred during safety maneuvers on reactor number 4 in the nuclear power station of Chernobyl.

With Chernobyl, we entered a novel world. We understood that technical progress represented a suicidal path. It is a war of a new type in which man not only fights against himself, but against all of life in general: plants, animals, the earth and the sky. In the irradiated zone, dead sparrows were gathered by the shovelful. Dead leaves were not burned anymore; they were buried. Besides, we did not even know of what we were afraid. And death was delayed, silent. Nature no longer resembled anything known. The day of the accident, I saw a huge black cloud. In the following days, the puddles took on unbelievable colors. They turned black, yellow, green, fluorescent. In the sky, there was a kind of glimmer, a radiance. Of course, no one was ready for this. We were brought up in the notion that the Soviet peaceful atom was inoffensive. So that, in order to fight it, known methods were used: soldiers were sent in, armed with guns. It was absurd!” Svetlana Alexievitch*

We understood,” the woman told her. But not really. Eleven years ago, on Friday March 11 2011, following a tsunami, the Japanese nuclear power station of Fukushima released “important” quantities of radioactive elements into the Pacific ocean. Releases of contaminated water continue to this day.

We understood,” she said. But no, really really not: following a first invations of the still contaminated stie of Chernobyl during the ongoing invasion of Ukraine by Russia which began on Thursday February 24 2022, the invader’s army seized the largest nuclear power station in Europe, where it currently stocks weapons and ammunition.

While Europe vote the adoption of the recognition of nuclear power as a “green” energy and the President of the French Republic pursues his daydream of 14 additional nuclear stations on the territory, while the ageing ones accumulate incidents and the draught renders the cooling of spent waters problematic.

We understood,” this woman confided to Svetlana Alexievitch.

It is more than time to pay attention. Last night, a first and confused report mentioned shelling near the station. This morning: blackout on the incident. The Russian invader still occupying the nuclear power station, with their troops massing in the South, toward Kherson.

(While the pro-Russian trolls were out en masse over the Amnesty International “report”.)

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