Fragile 2

(la nuit tombée, deux verres d’eau: un pour moi, l’autre pour elle/after nightfall, two glasses of water: one for me, one for her)

Et ce n’est qu’un début, malheureusement : début du déferlement de haine, de désinformation, de fatras immondes de fausses accusations. Plus que jamais, je m’agrippe à Hannah Arendt et aux autres intelligents qui ont vécu des épisodes comparables lors de déferlantes précédentes. Quand il afflue, le réprimé n’est pas beau à voir.

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À un petit, pour ne pas dire minuscule, niveau hier, j’ai décidé ce qui suit. Car, les bonnes actions, c’est bien gentil, mais la vie est courte. Et encore faut-il que je ne me retrouve pas à ronger mon stylo pour m’empêcher de prononcer des gros mots aux participants.

Oui, les lectures de “poèmes” sont aussi nulles que ça. Et encore pires du fait de se tenir dans un endroit achalandé, au son de la musique, de la machine à café, et des conversations environnantes.

Puis, j’apprends qu’un autre “poète” local compte se joindre au groupe. Or, le “poète” en question avait tenté de bloquer l’obtention de mon premier titre de séjour, par une manoeuvre de “dénonciation” de ma présence “illégale” sur le territoire français. Quand la manoeuvre avait échoué (les gendarmes ont autre chose à faire que de longs interrogatoires suite à une dénonciation-bidon), le “poète” était venu fayoter et me féliciter sur mon “nouveau statut”. Alors, deviser aimablement avec lui de Bashô et Buson, merci quand même. En aparté, je dis à l”animatrice”: “tu connais ses opinions politiques.” – “Oui, me répond-elle; il est un peu de l’extrême de l’extrême-droite, mais il vient parler de poésie, c’est tout.” Purée de mes os. Alors que la droite, même pas l’extrême, sort les arguments pour des “négociations” avec la Russie. Un peu de l’extrême de l’extrême, c’est un peu comme ‘un peu enceinte’ du monstre… à huit mois et trois-quart.

Exeunt omnes. (Une didascalie dans Shakespeare quand tout le monde sort de scène.)

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Je révise la nouvelle écrite en atelier le 18 octobre dernier, où il s’agissait de raconter des tranches de vie en quatre épisodes.

La sécheresse se poursuit. Des pertes sévères de cultures (prévues et déjà actées). L’automne sera dur à tous les niveaux, et les vrais monstres seront à l’oeuvre, bien avant les faux à la Halloween. (Méfiance face aux vrais monstres déguisés en moutons, pleurnichant sur le sort des pauvres pauvres ici, à cause d’une guerre là-bas, là-bas au loin. Ils sont les complices de la pauvreté en question. Certains fascistes aiment Mozart, me dit-on; ils n’en sont pas moins fasciste pour autant.)

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Post-scriptum : l’article est excellent. Il est de Timothy Snyder et résume bien en quoi et pourquoi la vision et l’usage que Poutine fait de la Russie est fasciste. Traduction (un peu à l’arrache, je corrigerai plus tard):

Nous devons le dire. La Russie est fasciste.

Timothy Snyder

En tant qu’idée, le fascisme n’a jamais été vaincu.

En tant que culte de l’irrationnel et de la violence, il ne pouvait pas être vaincu par un argumentaire: aussi longtemps que l’Allemagne nazie sembla forte, les européens et les autres furent tentés. C’est seulement sur les champs de bataille de la 2e guerre mondiale que le fascisme fut vaincu. It est maintenant de retour – et cette fois, le pays poursuivant une guerre fasciste de destruction, c’est la Russie. S’il advenait que la Russie gagne, les fascistes partout dans le monde se trouveraient confortés.

Nous sommes dans l’erreur en limitant nos craintes au sujet du fascisme à une certaine image d’Hitler et de la Shoah. Le fascisme est italien d’origine, populaire en Roumanie – où les fascistes étaient des chrétiens orthodoxes qui rêvaient de la violence ethnique – et elle avait ses adhérents. À travers l’Europe (et en Amérique). Dans toutes ces variantes, il impliquait le triomphe de la volonté sur la raison.

En raison de cela, il est impossible de le définir de façon satisfaisante. Les gens sont en désaccord, parfois de façon véhémente, sur ce qui constitue le fascisme. Mais la Russie d’aujourd’hui correspond à la plupart des critères que les chercheurs ont tendance à lui appliquer. Il pratique un culte autour d’un leader unique, Vladimir Poutine. Il pratique un culte des morts, organisé autour du la seconde guerre mondiale. Il propose un mythe d’un passé glorieux de grandeur impériale, à restorer par une guerre de violence salvatrice – la guerre meurtrière contre l’Ukraine.

Ça n’est pas la première fois que l’Ukraine est l’objet d’une guerre fasciste. La conquête du pays était l’objectif principal de la guerre d’Hitler en 1941. Hitler considérait que l’Union soviétique, qui régnait alors sur l’Ukraine, était un etat juif: il comptait remplacer le règne soviétique par le sien et prendre possession des terres fertiles de l’Ukraine, propices à l’agriculture. Il croyait que cela sera facile parce que, d’après lui, l’Union soviétique était une création artificielle and les ukrainien, un peuple colonisé.

Les similarités avec la guerre de Monsieur Poutine sont frappantes. Le Kremlin définit l’Ukraine comme étant un état artificiel, dont le présidence par un juif prouve l’artificialité. D’après cette pensée, suite à l’élimination d’une élite restreinte, la masse mal définie accepterait volontiers la domination russe. Aujourd’hui, c’est la Russie qui prive le monde de la nourriture ukrainienne, menaçant l’ensemble du sud de famine.

Il y en a plusieurs qui hésitent à voir dans la Russie d’aujourdhui un état fasciste parce que l’Union soviétique de Staline se définissait comme étant anti-fasciste. Mais cette image ne nous a pas aidé à définir ce qu’est le fascisme – et elle fait plus que de créer de la confusion de nos jours. Avec l’aide des américains, des britanniques et des autres alliés, l’Union soviétique a vaincu l’Allemagne nazie et ses alliés en 1945. Par contre, son opposition au fascisme fut inconsistante.

Avant l’ascension d’Hitler en 1933, les soviétiques traitaient les fascistes comme représentant l’une des formes de l’ennemi capitaliste. Les partis communistes en Europe devaient traiter tous les autres partis comme étant l’ennemi. De fait, cette politique a contribuer à la montée d’Hitler: bien qu’ils aient été plus nombreux que les nazis, les communistes et les socialistes allemands ne pouvaient pas collaborer. Suite  à ce fiasco, Staline ajusta sa politique, demandant aux partis communistes européens de former des coalitions afin de bloquer les fascistes.

Cela fut de courte durée. En 1939, l’Union soviétique rejoignit l’Allemagne nazie en tant qu’allié de fait, et les deux puissances envahired la Pologne ensemble. Les discours nazis furent réimprimés par la presse soviétique et les officiers nazis admirèrent l’efficacité soviétique dans les déportations de masse. Mais les russes d’aujourd’hui ne mentionne pas ce fait, puisque les lois mémoriels qualifient de crime de telles évocations. La 2e guerre mondiale est l’un des éléments du mythe de Monsieur Poutine concernant l’innocence russe et la perte de sa grandeur – seule la Russie doit profiter d’un monopole de victimisation et de victoire. Le fait fondamental que Staline a permis la 2e guerre mondiale en s’alliant avec Hitler doit demeurer non-dit et impensable.

La flexibilité de Staline au sujet du fascisme est la clé permettant de comprendre la Russie aujourd’hui. Sous Staline, le fascisme fut d’abord indifférent, puis il fut mauvais, ,puis il redevint acceptable jusque’a ce que – Hitler ayant trahi Staline et l’Allemagne ayant envahi l’Union soviétique – il fut à nouveau mauvais. Mais personne n’a défini ce qu’il signifiait. Il s’agissait d’une boîte dans laquelle on pouvait introduire n’importe quoi. Les communistes furent purgés en tant que fascistes dans des procès-spectacles. Pendant la guerre froide, les américains et les britanniques devinrent des fascistes. Et « l’anti-fascisme » n’empêcha pas Staline de cibler les juifs dans sa purge ultime, ni à ses successeurs de combiner Israel avec l’Allemagne nazie.

En d’autres mots, l’anti-fascisme soviétique était une politique de nous contre eux. Ça n’est pas une réponse au fascisme. Après tout, les politiques fascistes débutent, comme l’a dit le penseur nazi Carl Schmitt, par la définition d’un ennemi. Parce que l’anti-fascisme soviétique signifiait impliquait simplement de désigner un ennemi, it permettait une porte d’entrée arrière par lequel réintroduire le fascisme en Russie.

Dans la Russie du 21e siècle, « l’anti-fascisme » devint simplement le droit qu’a un leader russe de désigner les ennemis nationaux. Les fascistes russes actuels, tel Aleksandr Dugin et Aleksandr Prokhanov, se sont vu accorder une exposition dans les média de masse. Et Monsieur Poutine lui-même s’est inspiré d’un ouvrage par le fasciste russe d’entre-deux-guerres, Ivan Ilyin. Pour le président, un « fasciste » ou un « nazi », c’est simplement quelqu’un qui s’oppose à lui ou à son projet de détruire l’Ukraine. Les ukrainiens sont des « nazis » parce qu’ils n’acceptent pas le fait qu’ils sont russes et qu’ils résistent.

Un voyageur dans le temps, venu des années 1930, n’aurait aucune difficulté à indentifier le régime Poutine comme étant fasciste. Le symbole Z, les rassemblements, la propagande, la guerre en tant qu’acte de violence de nettoyage et les fosses de morts entourant les villes ukrainiens sont des plus explicites. La guerre contre l’Ukraine est non seulement un retour aux champ de bataille fasciste traditionnel, mais aussi un retour au langage et aux pratiques fascistes traditionnels. Les autres peuples sont là afin d’être colonisés. La Russie est innocente en raison de son passé lointain. L’existence de l’Ukraine est une conspiration international. La guerre y sert de réplique.

Comme Monsieur Poutine parlent des fascistes comme étant l’ennemi, on peut avoir de la difficulté à comprendre qu’il est fasciste lui-même. Mais dans la guerre russe contre l’Ukraine, « nazi » ne signifie rien d’autre ’qu’ennemi sous-humain » – quelque que les russes peuvent tuer. Le discours haineux dirigé contre les ukrainiens rend leur meurtre plus facile, comme nous avons vu à Boutcha, Marioupol and dans toutes les autres parties de lUkraine tombées sous occupation russe. Les enterrements massif ne sont pas une sorte d’accident de la guerre, mais une conséquence prévisible d’une guerre fasciste de destruction.

Les fascistes traitant d’autres peuples de « fascistes », c’est le fascisme poussé à son extrême illogique en tant que culte de la déraison. C’est le point final où le discours haineux renverse la réalité et la propagande n’est plus qu’insistance pure. C’est l’apogée de la volonté l’emportant sur la pensée. Traiter les autres de fascistes tout en étant un fasciste est l’essentiel de la pratique poutiniste. Le philosophe amméricain, Jason Stanley, l’appelle ’la propagande de subversion » (undermining propaganda ». Je l’ai appelé « schizofascisme ». Les ukrainiens ont la formule la plus élégante. Ils l’appelle le « ruscisme ».

Nous comprenons mieux le fascisme que nous ne le comprenions en 1930. Nous savons maintenant où il a conduit. Nous devrions reconnaître le fascisme, parce que nous savons à quoi nous avons affaire. Mais reconnaître ne signifie pas le défaire. Le fascisme n’est pas une position de débat, mais un culte de la volonté d’où émane une fiction. C’est la mystique d’un homme guérissant le monde par la violence, et il sera soutenu par la propagande jusqu’à la fin. On ne peut le défaire que par les démonstrations de la faiblesse de son leader. Le leader fasciste doit être défait, ce qui signifie que ceux qui s’opposent au fascisme doivent faire ce qui est nécessaire pour le battre. C’est seulement alors que les mysthes s’écroulent.

Tout comme dans les années 1930, la démocratie est en retrait partout dans le monde et les fascistes ont progressé dans la guerre contre leurs voisins. Si la Russie gagne en Ukraine, il ne s’agira pas seulement de la destruction d’une démocratie par la force, quoique cela serait déjà suffisamment grave. Ce sera la démoralisation pour les démocraties partout. Même avant la guerre, les amis de la Russie – Marine Le Pen, Viktor Orban Tucker Carlson – étaient les ennemis de la démocratie. La victoire fasciste sur les champs de bataille viendrait confirmer que la force fait le droit, que la raison, c’est pour les perdants, que les démocraties doivent perdre.

Si l’Ukraine n’avait pas résisté, nous aurions vu un printemps bien sombre pour les démocrates du monde entier. Si l’Ukraine ne gagne pas, nous devrons nous attendre à des décennies de noirceur.” – Timothy Snyder

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And it’s only a beginning, unfortunately: beginning of the surge of hatred, disinformation, of revolting messes of false accusations. More than ever, I cling to Hannah Arendt and other intelligent beings who lived through previous comparable episodes of such surges. When it arises, the repressed is not a pretty sight.

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At a small, not to say minuscule, level, I decided the following yesterday. Because, OK, good deeds are dandy, but life is short. And they mustn’t lead to my biting my ballpoint to keep myself from cursing out loud.

Yes, the “poetry” readings are that bad. And made even worse by taking place in a busy café, with background music, coffee machine and conversations all around.

Then, I learn that another local “poet” intends to join the group. It so happens that this “poet” attempted to block my obtaining my first residency permit, through a “denunciation” of my “illegal” presence on French territory. When the maneuver failed (gendarmes have other things to do beside long interrogations following a phony denunciation), the “poet” came wriggling over to congratulate me on my “new status”. So, exchanging delicate thoughts together about Bashô and Buson, thanks anyway. In an aside, I said to the “animator”: “you do know his political opinions”. – “Yes, she asnwered; he’s a bit at the far end of the extreme far right, but he’ll come to talk about poetry, nothing else.” Lord god of the little fishes. At a time when the right-wing, not even the extreme, is bringing out the arguments for a “negotiation” with Russia. Being a bit at the far end of the extreme, is something like being a bit pregnant of the monster…at eight months and three quarters.

Exeunt omnes. (A stage direction in Shakespeare when everyone leaves the scene.)

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I’m revising the short story done at the workshop on October 18, where the exercise consisted of writing fragments of a life in four episodes.

The draught continues. Severe crop failures predicted (and currently occurring). The fall will be harsh in every way and real monsters will be in full display way before the fake ones at Halloween. (Beware of real monsters in sheep’s clothing, wailing their songs of pity pity the poor, suffering because of a war far far away. They are complicit in keeping the poor that way; some fascists love Mozart, I’m told; they are no less fascist for all that.)

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PS: The article is excellent. By Timothy Snyder. Summarizes how and why Putin’s vision and use of Russia is fascist.

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