
Pour rappel : Fin mars, début avril, les combats font rage à Marioupol, Kharkiv subit des frappes meurtrières.
Dans la pile de vieux Télérama que m’apporte une amie, à lire et à découper, je tombe sur celui illustré ci-haut, en date du 9 au 15 avril. Apparemment, et en grande priorité, dans la parade des étiquettes à se coller sur le front, il y a dorénavant la possibilité de se déclarer “asexuelle” – à des degrés divers, selon ce que j’ai compris de l’article.
Outre un hors-de-propos flagrant, je ne comprends strictement rien à ce besoin de préciser la nature et la fréquence de ses appétits sexuels, hors une situation d’intimité où l’information est fondamentale. Mais comme déclaration d’identité à la face du monde ? Mais on s’en fout complètement, mes ami(e)(s) ! Vivez votre vie, et que vos Noëls soient tout blancs, rose, gris ou couleurs d’arc-en-ciel, et alors ? Est-ce tout ce que vous souhaitez contribuer au discours collectif ? Protester contre les traitement injustes et discriminants pour quelque orientation qu’elle soit, lorsqu’elle n’implique que des adultes consentants ? cent pour cent d’accord.
Le sous-titre: “enquête sur une orientation mal connue”…mais, enquête sur le grand n’importe quoi, oui. Alors, cis, gay, bi, trans,et +++, embrassez qui vous voudrez et qui veut bien de vous en retour. Les grimaceurs n’ont qu’à grimacer jusqu’à plus soif, non ? Au moins, leurs grimaces vous disent de ne pas perdre votre temps avec eux. Et l’équipe éditoriale à Télérama réfléchira un peu plus à ses priorités, peut-être ? Vraiment, il n’y avait pas de pénuries dans les candidats à une couverture.
Boudu…
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Cela dit, comme toujours un regard à rebours sur le premier mois de l’invasion russe en Ukraine a deux avantages: remettre en mémoire les événements et les réactions des premiers jours, et prendre la mesure des illusions qui s’exprimaient déjà dans le discours public, justement. Les voix des défaitistes n’étaient encore qu’un murmure en fond de scène, comme celui d’un moustique ou deux; ils nous encerclent dorénavant, en Europe, aux Etats-Unis. Il est essentiel de ne pas gaspiller de l’énergie précieuse sur des giclées constantes d’indignation – c’est une forme trop précieuse d’énergie, personne n’a les moyens de la dissiper.
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Petite lueur d’espoir pour la publication d’une traduction anglaise qui traîne dans les tiroirs – celle du Requiem pour une ville perdue d’Asli Erdogan que j’ai faite à sa demande à partir de la traduction française. Asli insiste auprès de la maison d’édition américaine; on lui répond que quelqu’un comparera ma version en anglais à l’original en turc, et qui vivra verra.
En attendant, je vais continuer à respirer à mon rythme habituel.
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pause de deux jours sur mon propre travail, pendant que me viennent à l’esprit des questions sur tel ou tel détail à expliquer davantage ou pas, et avant la chasse finale aux dernières coquilles résistantes.
Temps superbe au jardin. J’y arrose ce qui a survécu à la canicule et je disperse les graines de ce qui a séché. Et je lis des passages – poèmes et autobiographie – de La Russie l’été de Kari Unksova*. Puis, un peu de Daniil Harms**. Les temps s’y prêtent drôlement; c’est toujours chouette de trouver des alliés de ce calibre.
*Kari Unksova, La Russie l’été, préface et traduction d’André Markowicz, éditions Mesures 2021
**Daniil Harms, Poèmes et proses, traduction, préface et notes d’André Markowicz, editions Mesures 2020
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As a reminder: End of March, beginning of April, fighting is fierce in Mariupol, there are deadly strikes against Kharkiv.
In the pile of old Téléramas brought over by a friend to read and to cut up I come across the one illustrated above, dated 9 to 15 April 2022. Apparently, and as a great priority, in the parade of labels you can stick on your forehead, there is now the possibility of declaring yourself “asexual” – to varying degrees, according to what I understood of the article.
Beside the flagrant irrelevancy, I understand strictly nothing to this need to specify the nature and the frequency of your sexual appetites, outside an intimate situation where the information is fundamental. But as a declaration of identity to the world? Frankly, my dears, we don’t give a damn ! Live your life and may all your Christmasses be white, pink or grey, or rainbow-colored so what ? Is this all you wish to contribute to the collective discourse? I totally agree on protests against any discrimination or injustice whatsoever based on orientation when it involves consenting adults. On that I agree one hundred percent.
And the sub-heading: “investigation on a little known orientation” …no, investigation on the great nothing, is more like it. So cis, gay, bi, trans and +++, kiss whoever you so choose who chooses you right back, and let the grinchers grinch to their heart’s delight. At least their grinching lets you know not to waste your time in their direction. And the editorial team at Télérama might review its priorities, maybe? There was no lack of candidates for a cover page, really.
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That said, a backward look at the first month of the Russian invasion in Ukraine has two advantages: as a reminder of events and reactions in the early days, and a way to measure the illusions that were already apparent in the public discourses. The voices of the defeatists were still like the background hum of a mosquito or two; they are circling now, in Europe, in the States. The need is strong not to waste precious energy on constant spurts of indignation – it’s too precious a form of energy, no one can afford to squander it.
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Small glimmer of hope for the publication of an English translation that’s been gathering dust bunnies – that of Asli Erdogan’s Requiem for a Lost City I had done at her request, based on the French translation. Asli is insisting with the American publisher; she’s told someone will compare my English version with the Turkish original and we shall see from there.
In the meantime, I’ll go on breathing at my usual rhythm.
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Letting my own writing rest for two days while questions pop up in my head, about this or that detail needing more explanation or not, and prior to the final hunt for typos.
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Gorgeous weather in the garden. I water whatever survived the heat wave and spread around the seeds of whatever didn’t. And I read excerpts – poems and autobiography – in Kari Unksova’s La Russie l’été. Then a bit of Daniil Harms.* They are most appropriate to the times; and finding allies of that caliber is always great.
*For English speakers, a website with some of his works (apparently, he is known as Daniil Kharms in the English-speaking world – I haven’t compared the English translations to the French yet.)