14 juillet 2022

21h45 hier soir. J’ouvre la porte arrière pour aller porter de l’eau aux plantes. Il fait meilleur me dis-je. Je jette un oeil au thermomètre: en effet, il est tombé du 39°C à 15h à 31°C; tout est relatif, une baisse de 8° donne une sensation de fraîcheur, passer de 23° à 31° aurait l’effet contraire.

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Je me doute bien que la terre entière ne se précipitera pas sur une entrevue de plus d’une heure, en russe avec sous-titrage en anglais . Personnellement, je la regarde par blocs de 10 ou 15 minutes. Si vous voulez connaître les opinions d’Ilya Yashin la plus récente ‘prise de guerre’ du Kremlin et prisonnier d’opinion si jamais il en fut, l’interview est passionnante. Il a notamment des propos fort intéressants concernant des attitudes possibles envers le vivier des nationaleux-nationalistes indéfectibles qu’on trouve dans chaque société, pas seulement en Russie.

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Réveil avec le bruit de fond dans ma tête. Russe ? Ukrainien ? Comment le saurais ? D’autant plus que le mécanisme d’apprentissage se bloque toujours quand j’atteins le stage où je comprendrais vraiment tous les mots de la langue fournissant ce bruissement de fond. Il ne doit pas devenir simple langue d’usage comme les autres. C’est le sentiment qui s’y rattache.Mais il s’éveille dès en entendant quelque chose qui ressemble à nyè znaïou, ou à panimaïou, idou. Et une petite berceuse gdé ta oulitsa gdé ta dom, gdé ta dievouchka chtoya lioublom.

On m’a dit qu’elle était ukrainienne. Je ne sais rien d’elle, hors de sa présence. Quelque chose se noue qui devient moi. Je ne peux pas l’expliquer autrement. Elle est massive par rapport à ce que je suis alors (j’ai quoi? Un peu plus de 24 mois ? Plus ? Moins ?) Appuyée contre elle. Elle fait rempart. Ce rempart remplit, nourrit mon épine dorsale. Elle me parle. Le rythme, la mélodie des intonations. Je ne comprends pas un mot. Il me semble avoir capter ce qui était l’essentiel.

L’une de mes soeurs en a gardé un souvenir désagréable. Elle l’appelle ‘l’allemande’. Dit qu’elle préparait des bains à l’eau beaucoup trop chaude. Ces souvenirs-là me sont étrangers.

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La canicule – le 39° annoncé se traduira en 41° ou 42° derrière chez moi. 9h10: tout est clos. Révision. Une re-lecture plus posée du livre que j’ai dévoré hier soir – oeuvres de pure génie. Deux pièces de Léonid Andreïev,* l’une de 1912, l’autre de 1916. Incroyablement contemporaines. En lisant Requiem, les figures peintes du public ressemblent aux poupées de Paul Klee.

*Léonid Andreïev, Ékatérina Ivanovna suivi de Requiem, traduction d’André Markowicz, éditions Mesures, 2021

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21h45 last night. I open the back door to water the plants. Ah, we’re better now, I tell myself. I glance at the thermometer: indeed, the temperature has fallen from the 39°C at 15h to 31°C; all things being relative, a drop of 8° provides an impression of coolness, the opposite would be true going from 23° to 31°.

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I’m quite sure the entire world will not rush to watch a full hour interview, in Russian with English subtitles. Personally, I tune in for 10-15 minute segments. If you want to know more about the opinions of Ilya Yashin, the Kremlin’s latest “war prize”, a prisoner of opinion if ever there was one, the interview is worth every minute – notably, what he says about possible attitudes toward the reserve of unshakeable nationalo-nationalists to be found in every society, not only in Russia.

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I wake to the background sound in my head. Russian? Ukrainian? How would I know? Especially since the learning mechanism always blocks when I reach the stage where I would really understand every word making that rustling sound in the background. It must not turn into a simple language of everyday use like the others. That’s the feeling attached to it. But attention is grabbed as soon as I hear something resembling nyeh znayou or panimayou, or edou. And a little lullaby, gdé ta ulitsa gdé ta dom, gdé ta diyevushka shtoya lioublom..

I was told she was Ukrainian. I know nothing about her outside of her presence. Something comes together and forms a knot that becomes me. I can’t explain it any other way. She is massive compared to what I am then (I’m what? 24 months old ? A bit more ? A bit less?). Resting against her. She’s my rampart. This rampart fills me, nourishes me through the spine. She speaks to me. The rhythm, the melody of the intonations. I don’t understand a word. It seems to me that I captured what was essential.

One of my sisters has unpleasant memories of her. She calls her “the German”. Says she prepared baths with water that was way too hot. Those recollections are foreign to me.

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More of the heatwave – an official 39° announced for midway will translate into 41 or 42° in my backyard. Everything shuttered. Revision. A second, slower reading of the book I devoured last night – pure genius.(Two plays by Leonid Andreyev – one from 1912, the other from 1917. Astoundingly contemporary. In my head, while reading Requiem, the painted wooden figures representing the audience have the appearance of Paul Klee’s dolls.)

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