
J’habite une des nombreuses petites villes désindustrialisées en France – ici, les mégisseries étaient la source d’emploi à une époque où les médecins incitaient les ouvriers à consommer beaucoup de vin rouge (considéré comme prophylactique contre la maladie du charbon au contact de peaux de mouton contaminés). J’habite un des quartiers où logeaient les ouvriers: sur ce bout de rue, une maison sur trois est abandonnée et saccagée. Sur les deux autres, on en trouve restaurées récemment par des gens venus s’y installer en raison des coûts modestes de l’immobilier. (Raison pour laquelle on y trouve aussi beaucoup d’artistes dits “intermittents du spectacle”.)
Sans surprise, aux récentes élections législatives, le RN l’a emporté sur la Nupes qui elle a remporté l’agglomération. Le parti présidentiel s’est retrouvé en troisième place.
C’est dire que les personnes autour de moi ont soit voté RN, Nupes ou rien du tout. Je ne parle pas à mes voisins en fonction du bulletin de vote qu’ils ont déposé ou non dans l’urne. J’en évite certains sans vouloir en savoir plus long sur leurs opinions politiques – les dits “bas du plafond” ne se répartissant pas sur des lignes de partis, peu s’en faut. Je ne cache pas mes propres opinions, mais je ne sens ni inclinaison ni talent pour le prosélytisme – dont je ne crois pas tellement à l’efficacité, de toute façon. De ce que j’en ai constaté, les opinions ne reposent pas souvent sur des arguments rationnels et la dominante, ces jours-ci, semblent se jouer sur une impression de mépris, ou son absence. Or, je constate que bien des femmes (surtout les “mal foutues” – les vieilles et celles considérées ‘moches’) ont l’impression que Marine Le Pen les respectent. C’est affreux, mais c’est comme ça.
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Ah ! Croisé quelqu’un sur facebook hier qui me donne l’occasion d’utiliser ce mot pour la première fois de ma vie – celui d’atrabilaire (du latin pour ‘bile noire) c’est-à-dire quelqu’un porté sur la mauvaise humeur. On me dira que la chose est banale. C’est vrai, malheureusement, mais ce qui est frappant c’est comment l’anonymat sert d’excuse à certains, comme l’alcool ou la drogue le fait chez d’autres pour déverser leur rage sur quelqu’un – le principe même à la base du viol, en fait, qui transforme l’autre en réceptacle de tout ce qu’on croit pouvoir se débarasser de sa ‘bile noire’ sur elle ou lui.
Alors: inspiration, retenir le souffle quelques secondes, expiration. Répéter plusieurs fois, et vaya con dios.
(Mais très touchée de l’intervention d’André Markowicz.)
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Hier soir, “Olga” spectacle en jardin, performance de Nathalie Vinot (Cie Chapka) : un texte, des voix, des personnages – depuis la vieille survivante (ou fantôme) d’un désastre ayant semé des dents dans la forêt, à l’enfance d’Olga en Mordavie, le refuge des chaussettes dépareillées (dans les interstices de la réalité), la relation particulière des mordaviennes avec les ours, une rencontre avec Baba Yaga, l’origine de la première claque assénée à une femme par un homme, et l’âme des chaises en bois. Dans un jardin, devant une cinquantaine d’artistes locaux – musiciens, plasticiens, clowns, écrivains, marionnettistes… Les arrivants les plus récents, transformant mégisseries abandonnées en école de cirque, salle de concert, ateliers…
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Au milieu d’une page de révision hier, pensant à la guerre lancée par Poutine, j’ai griffonné une évidence sur un bout de papier (chose que je fais régulièrement pour me désencombrer la tête). La note en question se lit simplement: This will not end well. Une évidence, je sais. Une évidence.
Je retourne à mes révisions.
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I live in one of the many de-industrialized small towns in France – here, the tanneries were source of employment in the days when medical doctors encouraged the drinking of much red wine by the workers (it was considered a prophylactic against anthrax, contracted by the handling of contaminated sheepskins). I live in one of the neighborhoods where the workers resided; on this stretch of the street, one house out of three is abandoned and ransacked. Of the two others, some have been renovated recently by people who have chosen to settle here because of the lower cost of the the homes. (Which is also the reason why the town has many artists known as ‘intermittent entertainment workers’.)
Unsurprisingly at the recent legislative elections here, the right wing RN won over the left wing Nupes (which carried the agglomeration). The presidential party took third place.
This means that people around me either voted RN, Nupes, or nothing at all. I don’t talk with my neighbors on the basis of the bulletin they deposited or not in the urn. Some I avoid without wanting to know anything about their political opinions – the so-called ‘lowbrows’ not being distributed along Party lines, far from it. I don’t keep quiet about my own opinions, but I feel no talent or inclination for proselytism – and don’t much believe in its usefulness, in any event.
From what I’ve realized, opinions don’t often rest on rational arguments, and the dominant feature, these days, seems to play out on the impression of contempt, or of its absence. And I see that many women (especially the “undesirable” ones – old, considered ugly etc) have the impression that Marine Le Pen respects them. Awful, but that’s how it is.
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Ah, crossed someone’s path on facebook yesterday who provides me with the opportunity to use the word ‘atrabiliary’ for the first time in my life (from the latin for ‘black bile), someone in a bad mood – you might say that’s really a run-of-the-mill occurrence. True, unfortunately, but what struck me is how anonymity serves as an excuse for some, like alcohol or drugs for others as an opportunity to disgorge rage on someone else. The very principle underlying rape, in fact, transforming the other into the recipient of everything lousy roiling in the attacker’s ‘black bile’.
So: Breathe in, hold for a few seconds, breathe out. Repeat a few times, and vaya con dios.
(But very touched by André Markowicz’ intervention.)
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Last night, “Olga” a performance by Nathalie Vinot (Cie Chapka) : a text, voices, indescribable characters – from the old woman survivor (or ghost) from a disaster resulting in teeth strewn across a forest, to Olga’s childhood in Mordavia, the shelter of lost socks (in the chinks of reality), the peculiar relationship of Mordavian women with bears, a meeting with Baba Yaga, the origin of the first slap given by a man to a woman, and the soul of wooden chairs. In a garden before some fifty local artists – musicians, visual artists, clowns, writers, puppeteers…The more recent arrivals transforming abandoned tanneries into circus schools, concert halls, workshops…
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In the middle of a page of revision yesterday, thinking of the war launched by Putin, I scribbled something obvious on a piece of paper ( I do this regularly to keep my head as uncluttered as possible). The note read simply: This will not end well. Obvious, yes I know. obvious.
Back to revision I go.