1er juillet 2022

Hier, pour notre dernière séance de la saison d’ateliers d’écriture, nous avons créé des associations, partis, sociétés à partir de combinaisons aléatoires de noms et d’adjectifs sans rapport les uns avec les autres – exercice de lâcher prise complet en décrivant leurs buts, activités, statuts et règlements. Suite auquel, j’ai fait une viré à la librairie locale y cueillir trois livres que j’avais commandés: l’un sur des haikus dissidents écrits par des japonais avant et durant la seconde guerre mondiale (ce qui leur avait valu peines de prison, torture et tutti quanti). Je me suis dit que ça changerait des fleurs de cerisiers (que j’aime bien mais quand même). Et bien, oui, le seul fait à cette époque d’écrire un haiku sans mention d’un “mot” de saison, sans fleur ou oiseau, signalait un esprit réfractaire, à surveiller, interroger, et cetera.* J’aime bien celui-ci de Sanzan Nakamura:

interrogatoire de la police spéciale

je m’ennuie tellement

que je réfléchis à ce haïku

(1939)

Je récupère aussi deux nouvelles copies d’Oncle Vania et des Trois Soeurs de Tchekov (prêtés à quelqu’un, mes copies initiales avaient dit: ‘sparu!’)**

Puis, inévitablement, en parcourant les rayons, d’autres titres s’imposent à moi dont le plus récent ouvrage en version poche de Jean Hatzfeld , Là où tout se tait, dans lequel il rencontre des Hutus qui ont défendu des Tutsis au péril de leur vie durant le génocide qui s’est déroulé au Rwanda au printemps de 1994 (et qui ont survécu aux exactions subséquentes, d’un camp comme de l’autre).

J’y découvre, notamment, deux phrases magnifiques. La première, prononcée par l’épouse Tutsi protégée par son mari Hutu et qui, à son tour, l’a préservé des exactions. De leur relation, elle dit qu’il s’agissait “d’une gentillesse invincible.”

Et cette autre phrase que je ne connaissais pas, de Guillaume Apollinaire: “Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait.”***

Vaste programme, loin des pleurnicheries, larmes de crocodile et autres faux sentiments. En un mot : Essentiel.

*Haïkus de la résistance japonaise (1929-1945) traduits du japonais par Seegan Mabesoone, éditions pippa 2017

** Anton Tchekhov, Once Vania, Anton Tchekov, Les Trois Soeurs, traduits du russe par André Markowicz et Françoise Morvan, Babel, Actes Sud 1994 et 1993

***Jean Hatzfeld, Là où tout se tait, folio, Gallimard, 2021

*

Yesterday for our final writing workshop of the season, we created associations, parties, societies from a random combination of names and qualifiers unrelated to one another – an exercise in complete letting go in describing their aims, activities, statutes and rules. After which, I went up to the local bookshop to collect three books I had ordered: one of haiku written by Japanese prior to and during the Second World War (which led to their imprisonment, torture, and so on). I figured they would provide a change from all the cherry blossoms (which I love well enough but to a point). Only to learn that, at that time, writing a haiku with no mention of a season ‘word’, with no flowers or birds, was the signal of a fractious spirit in need of surveillance, interrogation, etc. I like the following by Sanzan Nakamura:

special police interrogation

I’m so bored

I think about this haiku

(1939)

I also recover two new copies of Chekhov’s Unce Vania and Three Sisters (my initial copies, loaned to someone, went ‘gone girl, gone’!).

Then, inevitably, while strolling through the aisles, other titles shouted out “must read”, including the most recent work in pocket book format by Jean Hatzfeld , Là où tout se tait (Where All is Silent) in which he meets with Hutus who defended Tutsis at the peril of their own life (and who survived the ensuing exactions by one camp or the other) during the genocide that occurred in Rwanda in the spring of 1994.

In which I discover, notably, two magnificent sentences. The first, spoken by the Tutsi wife whose Hutu husband protected her before she, in turn, saved him from exaction. Of their relationship, she said it was made of “an invincible kindness.

And this other sentence I did not know, by Guillaume Apollinaire: “We wish to explore kindness a huge region where all is silent.”

A vast agenda, far removed from snivelling, crocodile tears and phoney sentiments. In a word: Essential.

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