
Ma copine de Kedistan m’a envoyé le petit tableau et le marque-page sur bout de carton, illustrés ci-haut. Vu de plus près, je constate que chaque arbre a été découpé dans une page autre que celle sur le fond et comme quelqu’un me fait gentiment cadeau de livres décrits comme des “heartwarming sagas” les livres en question ont peut-être un nouvel avenir devant eux… Le dernier que j’ai reçu contenait comme marque-page un morceau d’emballage de chocolat noir de qualité…Je l’ai feuilleté rapidement; c’est un genre spécifique de livres destinés aux femmes qui nourrissent leur solitude le soir, en lisant et en mangeant du chocolat; les histoires sont toujours inspirées du modèle de base de Cendrillon, ou Blanche-Neige, il y a toujours une vilaine femme d’une jalousie maladive qui ne veut que du mal à l’aimable, gentille, douce et tendre héroïne et Le Bien (l’Amour d’un homme Juste et Bon) l’emporte toujours dans les trois derniers paragraphes. J’éprouve un certain respect pour les femmes qui ont la persévérance requise pour tricoter encore un autre récit à partir d’un modèle aussi éculé. Je vois que ce livre-ci est le quatorzième dans la série des Jenny, Candace, Heather, et autres rescapées par l’amour. J’imagine sans difficulté que les treize autres se terminent aussi au moment du coutumier ” ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.”
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Kari Unksova*: J’ai lu le premier poème au complet, en français, et plusieurs autres aussi. (Je reviendrai souvent au premier qui donne son titre au recueil).* Mais comme j’avais d’abord ouvert le livre au hasard à la page 117, je lis et relis le texte de la page 116 (en russe) pour retrouver mes réflexes de lecture du cyrillique. Il y a des mots qui apparaissent tout seul et beaucoup d’autres au stage du déchiffrement, syllabe par syllabe.
Puis, comme il fait encore 30°C à presque 22 heures, j’ouvre Vigile de décembre de Françoise Morvan, à la recherche d’au moins l’illusion d’un ‘ressenti’ de froidure.**
*Kari Unksova, La Russie l’été, traduction André Markowicz, éditions Mesures, 2021
**Françoise Morvan, Vigile de décembre, éditions Mesures, 2019
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tôt ce matin: 20° dans le jardin, sensation de fraicheur sur la peau; ciel d’un bleu dur, lune qui s’estompe. Le soleil n’a pas encore dépassé la ligne de toits à l’est. Abeilles et hirondelles à l’oeuvre; frou frou des ailes de la tourterelle se posant dans le cyprès, si près; vol ras de pigeons ventres luisant de soleil comme un banc de poissons
puis, dans les journaux, les fabricants de mensonges, mensonges, mensonges à l’oeuvre, grands manitous et petites mains, même combat : détruire, créer la confusion, contrôler. Quand je n’en peux plus, je mets la musique à fond – la moins subtile possible, le son de Bruce Springsteen, par exemple, comme un jet de Karcher.
Le rêve de la nuit s’est terminé avec une descente dans une mikveh dont une autre femme remontait lentement.
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My buddy from Kedistan sent me a small framed work and a page-holder on a piece of cardboard, illustrated above. Seen from up close, I notice that each tree was cut out from another page than that in the background and as someone kindly supplies me with books that self-describe as “heartwarming sagas”, these books may find a new future before them. The page-holder in the last one I received was a piece of wrapping from quality dark chocolate…I leafed through it rapidly; it’s a specific genre of book aimed at women who feed their loneliness at night, by reading and eating chocolate: the stories are always inspired of basic models such as Cinderella, or Snowhite, there is always a nasty, pathologically jealous woman aiming to hurt the kind, helpful, soft and gentle heroine and The Good (the Love of a Good and Just man) always wins in the final three paragraphs. I experience a certain amount of respect for women who have enough persistence to re-knit yet another tale based on that time-worn topic. I see this is the fourteenth in the series of Jennys, Candaces and Heathers saved by love. I can easily image that the thirteen other titles also end with the customary “they lived happily after and had many children.”
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Kari Unksova: I read the first poem completely (in French).( I will read the first one again often, it’s the poem providing the book’s title). But since I had first opened the book at random on page 117, I’m sight-reading page 116 (in Russian) in order to refresh my reading capability in the cyrillic alphabet. Some words spring up fully-formed, many others at the deciphering stage, syllable by syllable.
And since it was still 30°C at close to 10 PM, I opened Françoise Morvan’s Vigile de décembre for at least the illusion of the sensation of cold.
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early this morning: 20° in the garden, a feeling of coolness on the skin: the sky a hard blue, moon fading out of sight. The sun hadn’t risen yet above the roofline in the East. Bees and swallows hard at work; a dove’s fluffing fluster of feathers as she landed on the cypress, so near; flurry of low-flying pigeons, bellies shiny with sunshine, like a school of fish.
then in the papers, the producers of lies, lies, lies at work, the big chiefs and their foot soldiers, same battle: destroy, confuse, take over. When I can’t stand them any more, I turn on the music good and loud – the less subtle available, the sound of Bruce Springsteen, for example, like a high pressure jet of water.
The dream in the night ended with a step down into a mikveh from which another woman was rising slowly.