
Sur le plan personnel, commençons pas la meilleure nouvelle reçue hier, lorsque la mère du gamin de 11 ans a téléphoné pour me dire qu’elle souhaitait arrêter les séances de “rattrapage”. Soulagement pour le gamin, peut-être, mais très certainement pour moi puisque, de toute évidence, le petit n’en retirait aucun bénéfice. Apparemment, mes interventions seront remplacées par celles d’une pédo-psychiatre. Mes meilleurs voeux accompagnent le petit qui ne demande qu’à jouer avec ses petites voitures; à l’âge adulte, il serait parfaitement disposé à faire un boulot ennuyeux dont personne ne veut, à la condition d’être traité avec gentillesse, et c’est bien ce que je lui souhaite.
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Pendant ce temps…Et bien, mort et destruction s’abattaient sur l’Ukraine, pendant que Vladimir Vladimirovitch se comparait à Pierre le Grand. La comparaison vaut certainement pour les conditions de vie désastreuses des habitants dispersés à travers l’immense territoire dont il a déjà la responsabilité et qu’il traite avec un dédain proprement impérial. Pendant que le choléra menace la ville de Marioupol, arrachée à l’Ukraine, que la guerre se poursuit, que les procès à-la-Staline débutent (où la seule certitude est que les accusés sont innocents), et que la population a mission de se taire, sinon…
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Hier, mon libraire avait reçu ma copie de Et si l’Ukraine libérait la Russie ? d’André Markowicz.* Lu “en une bouchée” si l’on peut dire. Dans sa conclusion, il écrit: “Il est indispensable que la réalité des crimes commis en Ukraine par l’armée russe parvienne à la conscience des Russes eux-mêmes.” La question du comment se posant avec acuité. Je ne sais pas quel est le niveau de distribution du Moscow Times publié en Lettonie ainsi que de la licence attribuée à Dozhd, la station de nouvelles indépendantes diffusant vers la Russie. Gouttes d’eau dans une mer de désinformation ? Oui, mais pas les seules.
Là-bas, le silence repose sur la peur; trop souvent, ici, il repose sur une décision, consciente ou non, de restreindre son champ de vision, “la paix” devenant un synonyme du refus de voir.
*André Markowicz, Et si l’Ukraine libérait la Russie ?, Seuil Libelle, 2022
(Illustration : qui était-elle? Aucune idée, si ce n’est le fait que la photo fut prise en Sibérie et que le portrait de cette femme m’accompagne depuis l’écriture des Contes d’exil, il y a une vingtaine d’années, déjà. Contes dans lesquelles elle se donne le nom de Celle-qui-marche… Quand il n’y a pas de traces, je marche quand même.)
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On the personal level, let’s start with the best news I received yesterday, when the mother of the 11 year old called to tell me she wished to put an end to the “catching up” sessions. A relief for the kid, perhaps, but most definitely for me because, most obviously, the boy was not benefiting from them. Apparently, my interventions will be replaced by those of a child psychiatrist. My best wishes go with the boy whose only wish is to play with his little cars; as an adult, he would be perfectly content to take on a boring job nobody else wants, on the sole condition of being treated with kindness, and that is definitely what I wish for him.
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Meanwhile… Well, death and destruction rained down on Ukraine while Vladimir Vladimirovitch was busy comparing himself to Peter the Great. The comparison certainly holds for the dismal living conditions of the inhabitants spread out over the immense territory already under his responsibility and whom he treats with truly imperial disdain. While cholera threatens the town of Mariupol, ripped off from Ukraine, that war goes on, that Stalin-style trials begin (the kind where your only certainty is that the accused are innocent), and the population is missioned to shut up or else…
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Yesterday, my librarian received my copy of Et si l’Ukraine libérait la Russie ? (And what if Ukraine liberated Russia ?)* which I gobbled down in a mouthful. In his conclusion, he writes: “It is indispensable that the reality of the crimes committed in Ukraine by the Russian army reach the consciousness of the Russians themselves.” The question of the how being of the greatest acuity. I don’t know how widespread a distribution there is for the Moscow Times published in Latvia, nor for the independent news TV station Dozhd, broadcasting toward Russia. Mere drops in a sea of disinformation? Perhaps. But not the only ones.
Over there, silence rests on fear; much too often over here, it rests on a decision, whether conscious or not, to narrow one’s field of vision, “peace” then becoming a refusal to see.
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*André Markowicz, Et si l’Ukraine libérait la Russie ?, Seuil Libelle, 2022
(Illustration: Who was she? I have no idea, except for the fact the photo was taken in Siberia and that the portrait of this woman accompanies me since the writing of Contes d’exil (Tales of Exile), some twenty years ago already. Tales in which she gives herself the name of She-who-walks… Quand il n’y a pas de traces, je marche quand même– when there are no tracks, I walk anyway. )