
Monsieur Erdogan ne fait pas dans la subtilité. Son pays est membre de l’Otan depuis 1952 et abrite une base américaine où sont entreposés quelques joujoux nucléaires. En toutes choses, il mène double, triple, quadruple jeu à l’envi; plus il emmêle les fils, et plus il est ravi. Avec une arme, une seule: le chantage. Il y prend un tel plaisir que j’en viens à croire qu’il compliquerait à dessein une opération consistant à se rendre du point A au point B, pour la simple ivresse que lui procure une confusion dont il réussit à tirer un bénéfice. Son bénéfice: la seule et unique valeur qui lui importe, le socle de toute son existence.
À cet égard, il est d’une transparence complète. Grand adepte de la confusion, il n’a qu’une approche, qu’une philosophie : elle se nomme chantage et ça marche assez souvent pour qu’il ne se donne pas la peine de modifier un jeu gagnant. Je ne suis même pas certaine qu’il serait capable d’en adopter un autre.
Adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan ? oui, peut-être, je n’ai rien contre, dit-il, si ce n’est le fait que la Suède héberge des “terroristes” kurdes, enfin, on verra. Puis, une fois vu le fait que la Suède n’entend pas céder au chantage (du moins, pas aussi ouvertement, quand même, Monsieur, sont-ce là des manières de gentilhomme…), changement de ton: ne vous donnez même pas la peine de me visiter, je suis contre l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan. Un peu plus, et il les qualifierait de “terroriste” aussi.
Fin de partie ? Oh, que non. On peut parier sur le fait que Monsieur Erdogan se fera acheter d’une façon ou d’une autre – et que tous ces “terroristes” kurdes en paieront à nouveau le prix.
*
Je m’arrête là pour aujourd’hui et je réserve mon énergie à d’autres sujets. Quand je n’en peux plus ni des informations ni de la révision ni des traductions, je relis Les âmes mortes de Gogol, je sème des fines herbes – basilic, ciboulettes, estragon – et je respire sans rien faire d’autre, en observant les merles le matin, et les chauves-souris le soir.
*
Monsieur Erdogan does not go in for subtlety. His country has been a member of Nato since 1952 and shelters an American base warehousing a few nuclear trinkets. In all matters, he plays double, triple, quadruple games over and over again; the more he muddies the waters, the more delighted he becomes. With one weapon only: blackmail. He takes such pleasure in it that I come to believe he would willfully complicate an operation consisting of going from A to B, simply for the intoxication provided by a confusion out of which he manages to benefit. His benefit: the one and only value he cares about, the foundation of his existence.
Sweden and Finland joining Nato? Yes, maybe, nothing against it, he says, except for the fact that Sweden shelters Kurdish “terrorists”, anyway, we’ll see. Once seen the fact Sweden does not intend to bend to blackmail (or at least, not so blatantly, really, Sir, are these manners befitting a gentleman…), the tone changes: don’t even bother visiting me, I’m against Sweden and Finland joining Nato. A bit more and he would qualify them both of “terrorist” also.
The end game? Not on your life. You can bet on Monsieur Erdogan getting bought out one way or another – and on all those Kurdish “terrorists” paying the price yet again.
*
I’ll stop here for today and save my energy for other matters. When I can’t stand taking in any more news, revisions or translations, I read Gogol’s Dead Souls again, I sow herbs – basil, chives, tarragon – and I breathe, doing nothing else, while observing the blackbirds in the morning and the bats in the evening.