14.5.22

La tâche problématique de symboliser une ‘renaissance’ avec les rogatons de son premier mandat s’avérant difficile, Emmanuel Macron reprend ses conversations téléphoniques avec Vladimir Poutine. Dans le journal Le Monde, une brève indique que le président ukrainien s’énerve à ce sujet. On peut le comprendre. Quiconque a le moindrement suivi quelques péripéties de la spectaculaire carrière macronnienne est en droit de se demander à quoi il joue, au juste.

Car toute l’histoire de sa fulgurante ascension et installation à la tête de l’Etat français est faite, non seulement d’opportunisme mais de fourberie. Ce monsieur ne la “joue” jamais que pour lui-même. Son plus grand talent consistant à séduire afin de se mettre en lumière encore, partout, toujours. Pour ce faire, jouer double jeu est la règle de base.

L’histoire la mieux connue à ce sujet étant celle “de l’épisode peu glorieux du rachat du journal Le Monde, en 2010, où il conseille les journalistes d’un côté, et pactise discrètement sur l’autre versant, avec des repreneurs menés par (Alain) Minc.” Les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme résume l’affaire dans le livre qu’ils consacrent à Macron en 2021, Le traître et le néant.*

Alors, quelle que soit l’explication qu’il donne de ses conversations avec Vladimir Poutine comme émanant de ses élans de grand pacificateur, la distance systématique entre ses déclarations publiques et ses trafficotages d’arrière-scène devrait suffire à éveiller une saine méfiance, quand il s’amuse à tenter la manoeuvre avec Vladimir Poutine, le Grand Trafficoteur en personne, qui n’a rien d’un François Hollande, c’est le moins que l’on puisse en dire.

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Ma distance des corridors du pouvoir ne saurait être plus grande, comme l’illustre mes sessions avec un gamin de dix ans qui éprouve la plus grande des difficultés à maîtriser l’art de reconnaître les mots, et de s’en souvenir d’une séance à l’autre – y compris ce que la plupart d’entre nous considère sans doute comme une évidence: “voir” l’orthographe d’un mot dans sa tête.Le mot “vite”, par exemple ?

Ça provoque un sérieux re-calibrage dans mes propres attentes concernant notre avenir collectif.

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Je retourne à mes révisions.

*Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Le traître et le néant, fayard, 2021

(Et l’illustration ? Tout simplement parce que Macron me rappelle davantage le Tchitchikov de Gogol que les ambitieux auxquels on le compare souvent dans la littérature française.)

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The task of symbolizing a ‘renaissance’ with the left-overs from his first mandate proving difficult, Emmanuel Macron resumes his phone conversations with Vladimir Putin.

In a short published in Le Monde, the Ukrainian president expresses his annoyance over this. Which is more than understandable. Anyone who has followed a few of the known twists and turns in the man’s spectacular rise is entitled to wonder over what Macron is playing at, exactly.

Because the whole story of his meteoric rise and installation as Head of the French State is woven not only of opportunism but of deceifulness. The man never “plays it” any other way than for himself. His greatest talent consisting in seducing in order to grab the spotlight, everywhere, always, over and over again.

The best-known story in this regard being “that of the inglorious episode around the 2010 buy-out of Le Monde, where he acted as the advisor to the journalists on the one side, while discretely colluding with the other party, the buyers under (Alain) Minc’s direction.” Journalists Gérard Davet et Fabrice Lhomme summarized the matter in the book they devoted to Macron in 2021, titled Le Traître et le Néant (The Traitor and Nothingness).

So, no matter what explanations he may provide for his ongoing conversations with Vladimir Putin as emanating from his great urges as a pacifier, the systematic distance between his public declarations and his back-room fiddlings should suffice to raise a healthy dose of mistrust when he attempts the same maneuvering with Vladimir Putin, the great Fiddler in person, who has nothing of a François Hollande, to put it extremely mildly.

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My own distance from the corridors of power could not be greater, as illustrated by my sessions with a ten-year old boy who has the greatest trouble mastering the art of word recognition – including what most of us probably never think about twice – ‘seeing’ the spelling of a word in your head. The word ‘vite’ (quick) for instance?

It induces a serious re-calibrating of my own expectations concerning our collective future.

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Back to revisions I go.

(And the illustration? Simply because Macron reminds me more of Gogol’s Tchitchikov than of the ambitious ones he’s sometimes compared to in French literature.)

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