12.5.22

Comme tous les matins, j’ouvre les pages des journaux à l’écran. Et là, pour la première fois, impossible de lire autre chose que les titres parce que la charge, et d’horreurs et d’inepties, est telle que c’est à se demander si les humains ont encore la moindre capacité de réflexion – moi y compris. Le tout truffé de publicités insistantes, envahissantes, un délire de distraction programmée. On a l’impression d’être dans la cuisine d’un restaurant au moment du “coup de feu”. Ça court, ça court, pas le temps de penser, vite, vite, plus vite, en comparaison, le lapin blanc dans Alice est un grand flanc mou.

Hier, entre séances de révision, j’ai regardé sur Médiapart les deux heures de témoignages en accès libre de 20 femmes traitées, comme l’a dit une d’elles “comme un bout de viande” par un homme qui se défend en parlant de “séduction”. Il appert que l’homme en question, en co-rédaction avec un certain Eric Zemmour (récemment candidat d’extrême droite à l’élection presidentielle) a commis un livre dont le moindre extrait distille une haine farouche des femmes; pour ce qui est de séduction, il faudra repasser. Une haine face à laquelle on comprend parfaitement l’une des invitées de l’émission qui doit lutter contre “la volonté de rester invisible, de ne plus être vue.” Car c’est là le but ultime des violeurs – qu’ils en soient conscients ou non – de transférer le dégoût et le déshonneur sur la victime qui devra vivre sous les jugements, les soupçons de ‘l’avoir cherché’ – voire les injures – de ceux et de celles pour qui les victimes auront toujours tous les torts et les prédateurs, droit de cité. La “loi du plus fort”, n’est-ce pas.

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On nous dit que la guerre va se prolonger, avec ce que cela implique d’accoutumance virant vers l’indifférence de la part de ceux qu’elle ne touche pas directement. Les meilleurs compagnons de lecture étant alors (pour moi, du moins) les aînés parmi nous qui ont connu ces “temps déraisonnables” où l’on mettait les morts à table… Ça fait partie de l’apprentissage à la résistance, ça aussi.

I open the pages of newspapers on the screen, as I do every morning. And then, for the first time, I find it impossible to read anything other than the headlines because the load both of horrors and of stupidities is such that you wonder is humans are still capable of the slightest bit of reflection – myself included. The whole thing stuffed with insistent, invasive ads, a frenzy of programmed distraction. You get the impression of being in a restaurant kitchen at ‘showtime’. Running, running, no time to think, quick, quick, quicker. In comparison, the white rabbit in Alice is nothing but a slowpoke.

Between two sessions of revision yesterday, I watched the two hours of testimonials on Mediapart (in free access) by twenty women who were treated, as one of them says ‘like a piece of meat’ by a man who defends himself by claiming ‘seduction’. I turns out the man co-wrote a book with a certain Eric Zemmour (extreme right-winger in the recent failed run in the presidential election); the briefest excerpt of said book oozes hatred for women. A hatred that fully explains the comment of one of the guests in the program who must fight against the urge ” to remain invisible, to no longer be seen.” Because that is truly the ultimate goal of rapists – whether they are aware of it or not – to transfer the dishonor onto the victim who will have to live under the judgments, the suspicions of “having looked for it’ – and even the insults – of those for whom victims will always be the guilty parties and the predators, the victor’s rights. The “rule of the strongest”, don’t you know.

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The war, we are told, will drag on with what this implies of habituation veering toward indifference on the part of those not directly affected by it. The best reading companions in such times (for me, at least) being those among our forebears who lived through those “unreasonable times” when the dead were sitting at the table – this also being part of the apprenticeship of resistance.

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