
D’abord, je fais de grands yeux. Puis, j’ouvre le dictionnaire Robert pour confirmation. Oui, c’est bien ça : une dispute, c’est “un échange violent de paroles (arguments, reproches, insultes) entre personnes qui s’opposent.” Un “échange violent de paroles” ne comporte aucune invasion d’un pays par un autre, aucun échange de tirs, bombardements, pose de mines sur des sentiers bucoliques en forêt; aucun viol, torture, meurtre, prises d’otages, destructions de logements, d’ hôpitaux…
Mais voilà: la Russie siège au conseil de sécurité des Nations Unies; ce qui lui confère un droit de véto. Après des mois de ‘d’échange de paroles’ plus ou moins violent, le conseil de sécurité rappelle l’obligation qu’ont les parties de régler leur ‘dispute’ de façon “paisible”. On a l’impression d’entendre une monitrice à la crèche invitant deux petits à “jouer gentiment” sans se “disputer” et surtout, sans se tirer les cheveux.
Les sons doucereux de Don’t Cry for Me Argentina se mettent à jouer dans ma tête. (Les 8 notes du thème servent de signal sur le téléphone de la narratrice dans Une poule avertie en vaut deux.)
Bien. C’est reparti pour un autre tour.
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Oui, c’est vrai, il y a occasionnellement de belles trouvailles sur les réseaux sociaux. Mais au milieu d’un tel fatras de sollicitations qu’on pourrait facilement y perdre des heures précieuses d’existence. Raison pour laquelle je préfère, et de beaucoup, lire ce qui m’intéresse à tête reposée, au lieu d’avoir l’impression d’être au milieu d’un champ de foire où se déroulent une multitude d’événements sans rapport les uns avec les autres.
Mais bon.J’y passe sans m’attarder. Hier, la journée a été consacrée à des révisions sur le texte “Une poule avertie en vaut deux”. Pendant que la saga des arrivées et des départs d’Ukraine se poursuivait en temps réel dans sa mini-version locale. Sous couvert de grands sourires et de bonne volonté, des traumatismes se révèlent, vite enfouies. Il y aura des années, ou même des vies, consacrées à se reconstituer autour de blessures inguérissables.
Les mots en tant que baume. Les mots en tant qu’armes. Je lis un poème par Françoise Morvan. Un autre par Daniil Harms, traduit par André Markowicz.
Et c’est reparti pour un autre tour.
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Un article dans Médiapart m’apprend que le livre de Victor Klemperer, ce journal détaillant la fascisation de la langue et de la psyché qui va avec sous Hitler, est aussi disponible en traduction française sous le titre de Le témoin jusqu’au bout.*
Observations minutieuses et précieuses de ces petits glissements précédant les attaques, comme l’avancée des sables du désert sur des terres fertiles.
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At first, I open my eyes wide. Then I look up the definition in the Merriam-Webster dictionary: yes indeed, a “dispute” is “an argument or disagreement between people or groups.” An “argument” does not include the invasion of one country by another, or deathly exchanges by firearms, missiles, landmines buried on bucolic forest paths; nor does it cover practices of rape, torture, murder, hostage taking, destruction of homes, hospitals…
But there you have it: Russia is a member of the UN’s Security Council. As such, it holds veto power so that, after months of dithering, the Council calls on the use of “peaceful means” to settle international ‘disputes’.
Sounds like a playground monitor in a daycare center, instructing the little children to “play nicely” with no hair-pulling.
The saccharine-sweet sound of Don’t Cry for Me Argentina starts playing in my head. (The 8-note theme serves as a signal on the narrator’s phone in Once Bitten Twice Shy.).
OK. Off we go for another round.
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Yes, truly, there are occasionally beautiful finds on social networks. But mixed into such a muddle of sollicitations that one could easily lose hours of precious existence there. Reason why I much prefer reading what interests me with a quiet mind, instead of feeling that I’m standing in the middle of a fairground where a multitude of events are taking place with no relation whatsoever the one with the other.
Best to I drop by without tarrying. In any event, yesterday, the day was spent on revision to the French version of “Once Bitten, Twice Shy”. While in ‘real time’ the saga of arrivals and departures from Ukraine continued in its local mini-version. Under cover of big smiles and goodwill, the traumas reveal themselves, quickly buried again. There will be years, perhaps entire lives, dedicated to rebuilding a sense of self around wounds that cannot be healed.
Words as salve. Words as weapons. I read a poem by Françoise Morvan. Another by Daniil Harms translated by André Markowicz.
I’m good to go for another round.
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Through an article on Médiapart, I learn that Victor Klemperer’s book which I own in the English translation under the title I will Bear Witness 1933-1941* is also available in French.
Precious and detailed observations of those tiny slippages in meaning preceding the onslaughts, like the advance of desert sands on fertile soils.
*Victor Klemperer, I will Bear Witness 1933-1941 A Diary of the Nazi Years, translated by Martin Chalmers, The Modern Library, New York 1999