
“Le colosse incertain”. C’est le titre d’une partie d’un livre publié en 1966, ni le meilleur ni le pire des titres consacrés à “l’insondable mystère de l’âme russe”* – insondable, du moins, d’une certaine perspective occidentale. Perspective, comme toute autre, qui a tendance à se prendre pour la réalité, pleine et entière. Individuellement, collectivement, nos illusions donnent l’impression d’évidences factuelles. Et comme nous faisons affaire avec les autres sur cette base, les illusions pourraient tout aussi bien être des faits. En tout cas, elles s’avèrent souvent mortelles.
Chose certaine, quelle que soit la légende concernant les origines de ceux-ci par rapport à ceux-là, toutes racontent que nous sommes les meilleurs et que les autres n’ont rien compris.
Je ne suis pas du tout convaincue que nous parviendrons à franchir cette faille entre les “eux” et les “nous”. Cela étant, on a le choix de s’abandonner à une forme plus ou moins confortable de désespoir (l’apathie étant une des variétés possibles) ou de miser sur ce qu’on n’a pas encore compris. Autant que faire ce peut, je choisis cette deuxième option. Question de tempérament, peut-être.
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‘le visiteur’ du récit est plongé dans une relecture de Noam Chomsky en ce moment.** (Et comment sont les tulipes ? Aussi silencieusement et bienheureusement éloquentes que de coutume. Si je croyais en la réincarnation, je me dirais que revenir en tulipes, ça ne serait pas si mal – mais en pivoine, ça serait encore mieux.)
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“The Uncertain Colossus”. This is the title of a section of book published in 1966, neither the best nor the worst ot those dedicated to the “inscrutable mystery of the Russian soul” – inscrutable, that is, from a certain Western perspective. A perspective, like every other, that has a tendency to consider itself as the whole fullness of reality. Individually, collectively, our illusions give the impression of obvious facts. And since we deal with others on that basis, the illusions might as well be facts. In any case, they often reveal themselves as deadly.
One thing is a given, no matter what the legend may be concerning the origins of this one vs the origins of that other, they all claim that we are the best and that the others don’t understand a thing.
I’m not in the least bit convinced we’ll manage to ford this gap between the “them” and the “us”. That being the case, we can either give ourselves up to a more or less comfortable form of despair (apathy being one of those varieties), or opt for what we haven’t understood yet. As much as possible, I stick to the latter. A question of temperament, perhaps.
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‘the visitor’ in the story is deep into a book by Chomsky at the moment. (And how are the tulips? As silently and blessedly eloquent as ever and moving right along to moving on. If I believed in reincarnation, I’d consider coming back as a tulip wouldn’t be so bad – although, as a peony would be even better.)
*James H. Billington The Icon and the Axe – An Interpretive History of Russian Culture, Vintage Books, Random House 1966
**Noam Chomsky, What Kind of Creatures Are We? Columbia University Press, New York 2016