“Je me suis réveillé à cause des explosions. Ils bombardaient la plage. Qui croyaient-ils frapper? Ça n’est pas la saison des vacances !” Traduction d’un message reçu aux Etats Unis par le poète de langue russe Ilya Kaminsky de son cousin Petya à Odessa. Et Kaminsky d’ajouter : “Ses blagues sont typiques d’Odessa, une ville de la bonne humeur où le 1er avril est l’une des fêtes les plus importantes.”

Le répertoire des blagues du rire-pour-ne-pas-pleurer constitue un univers à lui seul. Je plonge dedans aussi souvent que possible. C’est une forme d’aide à la résistance. Ça, la musique* et la poésie.

*Les paroles de Tshinanu de Kashtin:

nous tous

nous tous

examinons notre façon de vivre

nos enfants

nos grands parents

nos rivières

nos terres

*

“50 univers détruits”. C’est ainsi que le président ukrainien Volodymyr Zelensky décrivait, ce jour-là, la mort des enfants tués depuis le début de l’invasion. Le nombre d’univers détruits a augmenté depuis. L’expression demeure, juste et puissamment évocatrice.

Et pas seulement là-bas. Paris, vous connaissez ? L’Afghanistan aussi ? Les afghans survivant dans la rue à Paris, privés d’asile, à deux pas des lieux d’accueil de réfugiés ukrainiens, ça vous dit quelque chose ? (Quand j’ai vu la photo, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un endroit déchiré par la guerre en Ukraine. Eh non: c’est bel et bien Paris, mais pas dans les parties transformées en parc Disney pour les touristes fortunés.)

Nous avons même maintenant les partis d’extrême droite qui tentent de se démarquer les uns des autres, certains jouant, comme le dit un journaliste aux “French doctors” sauvant des réfugiés ukrainiens. Mais pas les autres ‘migrants économiques’, bien sûr, beurk, des profiteurs, des pourris (ce que deviendront aussi les ukrainiens dans leurs discours, si la guerre dure au-delà de l’élection présidentielle.)

Univers détruits, par centaines de milliers, par millions.Avec des millions d’autres, utilisés et entraînés vers les puits sans fond de la haine, par des gens sérieusement abonnés à la malfaisance.

Pendant que certains, avec rien d’autre que le fil ténu de l’humour noir tentent de maintenir l’esprit de leur univers en vie, tant que leur corps peut tenir le coup et faire un geste vers les autres.

*

“I woke up because of explosions. They were bombing the beach. Who do they think they’ll hit? THis isn’t vacation season!” Message received in the United States par the Russian-speaking poet Ilya Kaminsky from his cousin Petya in Odessa. And Kaminsky adds: His jokes are typical of Odessa, a city of good humor, where April 1st is one of the important holidays.”

The repertoire of jokes meant for laughing-so-as-not-to-cry form a universe all to themselves. I dig into it as often as possible. It’s a form of aid to resistance. So are music* and poetry.

*the lyrics to Kashtin‘s Tshinanu (All of us) say

All of us

all of us

let us look at our way of life

our children

our grandfathers

our rivers

our lands

this is our reason

*

“50 destroyed universes”. Those were the words Ukrainian president Volodymyr Zelensky used to describe, on that day, the number of children killed up till then since the start of the invasion. A number of destroyed universes that has grown since. The expression remains, precise and powerfully evocative.

And not only over there. You’re familiar with a place called Paris? With another called Afghanistan? How about Afghans surviving in the streets in Paris, and being denied asylum, next to shelters for Ukrainian refugees, are you familiar with those ? (In French; when I first saw the photo I thought it came from a war-torn place in Ukraine. Nope: Paris it is. But not in the Disneyfied parts for wealthy tourists.)

We now even have some of the right wing parties attempting to distinguish themselves from the others by playing at what one journalist described as “French doctors” saving Ukrainian refugees. But not the other kind of ‘economic migrants’, of course, yuck, dirty profiteering scum (what the Ukrainians will then become in their view, should the war continue after the presidential election.)

Destroyed universes, by the hundreds of thousands, by the millions. With millions of others being used and dragged toward the bottomless wells of hatred by some people who are serious subscribers to evil.

Meanwhile, some, with nothing but the thin thread of black humor attempt to keep the spirit of their universe alive for as long as the body can hold on and reach out to others.