
Ça gesticule beaucoup, ce matin. Ça gesticule, ça prend la pose, ça se déclare ‘horrifié(e), scandalisé(e), uni(es) dans la riposte. En pleine séance d’urgence à l’ONU, Poutine a lancé ses troupes à l’assaut de l’Ukraine pour – je le cite – “démilitariser et dénazifier” le pays.
Je suppose qu’ils doivent tous et toutes dire quelque chose. Pendant ce temps, les frappes de ‘dénazification’ n’épargnent rien ni personne, des millions de vie passent en mode survie – fuir ? se terrer ? résister ? Aller où, et avec quel argent, si l’accès est bloqué à sa banque ?
Ententes et accords ne lient que ceux et celles qui les respectent. Axiome bien connu. Nous entrons dans la grande incertitude.
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“Quand il n’y a pas de traces, je marche quand même.” (Paroles prononcées par l’un de mes personnages fictifs, il y a un bon moment déjà.)
En réitérant la phrase de Vinciane Desprets* concernant “un récit qui prolonge un geste narratif particulier…celle de la confiance (inquiète, évidemment) dans le fait que les récits peuvent changer quelque chose.” (En tout cas, Poutine, lui, ne semble pas en douter. Pourquoi seuls les menteurs auraient-ils le droit aux mots agissants ?)
*Vinciane Despret, citée dans une nouvelle servant de conclusion à la version française du livre de Thom Van Dooren “Dans le sillage des corbeaux”, Actes Sud, 2022.
(Illustration: tirée d’une série “Chad Gadia” par El Lissiztky, réalisée à une époque où il était encore connu sous le nom de Lazar Markovich Lissitzky.)
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There’s a lot of gesticulating going on this morning. Gesticulating, posturing, declaring one’s self ‘horrified, scandalized, united in the response. In the midst of the emergency session at the UN, Putin sent his troop into Ukraine in order to – I quote him – ‘demilitarize and denazyfie” the country.
I guess they all have to say something. Meanwhile, the ‘denazification’ strikes don’t spare anything or anyone, millions of lives move into survival mode – to flee ? to hide ? to resist? To go where, and with what money if access is blocked at the bank?
Agreements and accords only bind those who respect them. A well-known axiom. We enter into the great uncertainty.
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“When there are no tracks, I walk anyway.” (Words spoken by one of my fictional characters, a good while back already.)
While reiterating Vinciane Despret’s words about “a tale prolonging a particular narrative gesture…that of trust (a worried one, of course) in the fact that tales can change something.”* (At any rate, Putin doesn’t seem to have the slightest doubt about this. Why should liars be the only ones with the right to active words?)
*Vinciane Despret, quoted in the short story concluding the French version of Thom Van Dooren’s The Wake of Crows (Dans le sillage des corbeaux, Actes Sud, 2022)
(Illustration: taken from El Lissiztky’s illustration of the Chad Gadya, done at a time when he was still known as Lazar Markovitch Lissitzky))