et on repart pour un autre tour/and away we go for another round

En français, en anglais, on nous démontre comment la vidéo de la monstrueuse attaque ukrainienne contre les habitants russes sur son territoire est un horrible faux traffiqué de bric et de broc. Et moi, je me remémore la réplique que j’avais reçue in y a plus de cinquante ans maintenant, lorsque, encore une fois, l’homme m’avait menti. Et lui de dire: “Ouais, d’accord, j’ai menti. Et alors ?”

Une espèce de degré supérieur de la fatuité: celui où l’on se croit tellement fort qu’on n’a même pas à soigner la vraisemblance de ses mensonges. Erdogan avec sa renaissance de l’empire ottoman, Poutine avec sa version de l’histoire racontée par les slavophiles du 19e siècle. Et allez hop, roulez chars, volez drones et avions, mourrez, chiens ingrats, je suis le Jupiter tout puissant !

*

Au niveau personnel, l’ironie n’est pas perdue de lire au sujet du mouvement de troupes russes en Ukraine “pour protéger les russophones d’un génocide”, alors que justement je suis à lire un plaidoyer pour “une éthique multispécifique” à partir d’expériences réalisées avec divers oiseaux de la famille des corvidé, partageant l’espace urbain avec les humains. Plaidoyer intéressant quoique un peu trop lourd et verbeux à mon goût, dont je ne retiens vraiment qu’une phrase dans la conclusion écrite par Vinciane Desprets où il est question d’imaginer une suite au récit d’Ursula Le Guin, dans lesquels des “thérolinguistes” découvrent les écrits d’espèces animales aussi différentes que des fourmis et des manchots. Suite qui prolongerait “un geste narratif particulier, ou plutôt une de ses dimensions, celle de la confiance (inquiète, évidemment) dans le fait que les récits peuvent changer quelque chose.” (Je constate que la traduction française est épuisée; alors je traduis depuis l’anglais, sans autorisation, comme je fais d’autres textes, pour usage personnel. En français, le titre en serait L’auteur des graines d’acacias. Et quelques autres extraits du Journal de l’Association de thérolinguistique.)

Hors cet arrimage des plus fragiles de l’intelligence à la confiance et à l’imagination, on sombre vite, soit dans la léthargie, la déprime nourrie d’impuissance, ou dans la réactivation de son propre représentant du morceau de monstre enfoui au coeur de tout humain.

Thom Van Dooren, Dans le sillage des corbeaux, pour une éthique multispécifique, traduit par Amanda Prat-Giral, Actes Sud, 2022

Evgueni Schwartz, Le Dragon conte en trois actes, traduction A. Markowicz, Les Solitaires Intempestifs, 2011

*

In French, in English, we are shown how the video of the monstrous Ukrainian attack against the Russian inhabitants on its territory is a horrible fake, put together in a clumsy way. And I’m reminded of a retort I received over fifty years ago now, when once again, the man had lied to me. And he had answered: “Yeah, OK, I lied. So what?”

It’s a kind of higher level of fatuity: the one where one considers one’s self so powerful that there’s not even any need to bother with the plausibility of the lies. Erdogan with his rebirth of the Ottoman empire, Putin with his version of what the 19th century slavophiles peddled as history. And way we go, roll on tanks, fly off drones and planes, die, ungrateful, dogs, I am the all-powerful Jupiter!

On a personal level, the irony is not lost of reading the news of Russian troops moving into Ukraine to “protect the Russian speakers from genocide”, exactly while I’m reading a call to inter-species ethics, based on experiments done with various sub-species of crows, sharing urban spaces with humans. An interesting plea, although somewhat long-winded and plodding for my taste, from which I only really grasp on to a sentence in the conclusion by Vinciane Desprets, imagining a follow-up to Ursula Le Guin’s story The Author of Acacia Seeds. And other extracts from the Journal of the Association of Therolinguists. A sequel that would extend a specific narrative gesture, or rather, one of its dimensions, that of trust (a worried kind, of course), in the fact that tales can change something.

Outside this most fragile joining of intelligence with trust and imagination, one quickly falls either into lethargy, depression fed on powerlessness, or the reactivation of one’s own share of the monstrous lurking in the depths of every human heart.

(The original of Thom Van Dooren’s The Wake of Crows is available from Columbia University Press.)

Leave a comment