Insidieux/Insidious

le bavardage noyant la parole

la “communication”, propagande et argumentaire de ventes

qui par voie de répétitions incessantes forme une couche épaisse de désinformation à laquelle on est à peine conscient, sinon, complètement insensible.

Un exemple parmi tant d’autres: l’article que je suis en train de traduire en ce moment, démontrant à quel point toutes les vérités étaient occultées au profit d’un discours faux, dans le meilleur des cas, et délibérément mensonger dans les pires.

J’ai en mémoire un incident dont je fus témoin, d’un très bon journaliste recevant les directives de son chef de pupitre d’écrire un papier parfaitement inutile au sujet d’une controverse inventée parce que les autres journaux en feraient des manchettes et qu’ils pourraient toujours publier un démenti le lendemain.

En ce moment, je suis particulièrement sensible à “l’ange de l’Histoire “de Walter Benjamin : “Il existe un tableau de Klee qui s’intitule ‘Angelus Novus‘. Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prises dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.”* (Écrit vers 1921.)

Ces mots me donnent furieusement envie de croiser quelques anges choisissant de s’incarner en humains, comme dans le film de Wim Wenders.

*Walter Benjamin, Oeuvres III, Editions Gallimard 2000

(illustration: une de mes icônes, d’il y a un bon moment déjà)

*

chatter drowning out speech

“communications”, propaganda and vending tips

through constant repetition laying down a thick layer of disinformation to which one is barely aware, when not completely insensitive.

One example among so many: an article I translated, demonstrating how truths are occulted in favour of a discourse which is false, in the best of cases, when it is not deliberate lies at worst.

I’m reminded of an incident I witnessed where a very good journalist was ordered by his desk editor to write a perfectly useless paper concerning an invented controversy because other papers would be handling it as headline news, and they could always publish a denial on the following day.

I’m particularly moved by Walter Benjamin’s image of the Angel of History these days: “There exists a work by Paul Klee titled ‘Angelus Novus’. It represents an angel that appears on the point of moving away from something he is staring at. His eyes are opened wide, his mouth is open, his wings spread out. This is what the Angel of History must look like. His face is turned toward the past. Where we see a chain of events, he sees nothing but a single catastrophe, constantly accumulating ruin upon ruin and throwing them at his feet. He would like to linger, to wake up the dead and re-assemble what was dismembered. But a storm is blowing from Paradise, so violently caught in his wings that the angel can no longer close them. This storm pushes him irresistibly toward the future to which his back is turned, while the pile of ruins in before him rises up to heaven. This storm is what we call progress.” (Benjamin wrote these words around 1921.)

They give me a furious desire to meet a few angels who’ve chosen to incarnate as humans, as in Wim Wenders’ film.

(illustration: one of my icons from a good while back.)

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