La cour d’école/The schoolyard

Je fais preuve de générosité en parlant de cour d’école; la ressemblance est davantage à la cour d’une crèche où la plupart des gamins et gamines de deux-trois ans s’amusent plus ou moins sagement pendant que les forts en gueule, l’américain et le russe, jouent à “même pas peur”, que le nord-coréen qui se sent ignoré depuis le départ de son copain, l’américain précédent, se rappelle au bon souvenir de tous en lançant des bidules en l’air “regardez-moi ! regardez-moi !” Quant au petit britannique, la question de l’heure est de savoir s’il a partagé son gâteau d’anniversaire à l’intérieur ou dans le jardin ? Et sa décoratrice d’intérieur était-elle invitée, oui ou non ?

Les surveillantes dans tout ça? Quelles surveillantes?

Me voici revenue au début du premier acte du conte Le Dragon d’Evguéni Schwartz lorsque Lancelot entre dans une maison dont les portes sont ouvertes. Il n’y trouve que le chat et lui demande :

Monsieur le chat ! Vos maîtres reviennent bientôt ? Hein ? Vous vous taisez ?

LE CHAT – Je me tais.

LANCELOT – Et pourquoi, si je puis me permettre ?

LE CHAT – Quand on est tranquille bien au chaud, il est plus sage de somnoler et de ne pas trop en dire, mon très cher.*

(Et puisque nous sommes tous dans la cour d’école ou de crèche en question, je livre ici la fin du conte d’Evguéni Schwartz: ce Lancelot-ci, ayant tué le dragon et s’apprêtant à épouser la belle Elsa, découvre à son horreur que le dragon s’est multiplié à l’intérieur de chacun des habitants du village. Il en est fort marri car il va donc falloir tuer le dragon à l’intérieur de chacun. Il n’a plus vraiment l’âme à la fête lorsqu’il croise le jardinier qui lui dit ce qui suit:

LE JARDINIER – Mais soyez patient, monsieur Lancelot. Je vous en supplies – soyez patient. Greffez. Faites des feux – la chaleur favorise la croissance. Prenez garde en arrachant les mauvaises herbes de ne pas nuire aux racines qui sont saines. Parce que, si on y réfléchit, les gens, au fond, eux aussi, si ça se trouve, avec des plus et des moins, bien sûr, ils méritent beaucoup de soins.

Et l’une des amies d’ajouter que le mariage devrait avoir lieu quand même. Une deuxième amie ajoute:

LA DEUXIÈME AMIE – Parce que, la joie, les gens aussi, elle les rend meilleurs.

Oui, je sais bien que de parler d’incendies et de chaleur, ces jours-ci, n’a rien de réjouissant. Il n’empêche. Ni les petits ni les gros dragons ne détiennent nécessairement la clé sur l’évolution éventuelle de l’histoire. (Mais boudu, qu’ils sont agaçants avec leur rodomontades de gamins dans un carré de sable VROUM VROUM VROUM PLACE PLACE !C’EST MOI QU’A LES PLUS GROS CHARS ! AVIONS ! PORTE-AVIONS ! C’EST MOI QUI C’EST MOI QUI C’EST MOI QUI.)

*Evguéni Schwartz Le Dragon, conte en trois actes, traduction de A. Markowicz, Les Solitaires Intempestifs, 2011.

Post-scriptum : quelqu’un ayant consulté hier la note du 30 décembre, voici les dernières nouvelles concernant Mezher Kartal et sa compagne: leur avocat ayant déposé de nombreux recours devant l’OFPRA (Office de protection des réfugiés et des apatrides), la date de leur audition prévue pour le 28 décembre 2021 a été reportée. Ils sont donc toujours en France, pour le moment; en espérant une décision qui leur soit favorable, à terme.

*

I’m being generous in speaking of a schoolyard; the resemblance is more with that of a yard in a kindergarten when two and three year olds play more or less nicely while the loudmouths, the American and the Russian play chicken, the North-Korean, feeling ignored since his previous American buddy left, tries to draw everyone’s attention by throwing stuff in the air “Look at me! Look at me!” As for the little Briton, the current question is whether he shared his birthday cake inside or out in the garden? And was his interior designer invited, yes or no?

And the monitors in all this? What monitors?

So here I am, back at the opening of the first act in Evgueny Schwartz’s tale The Dragon when Lancelot enters a house where all the doors are open and finds no one except for the cat to whom he puts these questions:

Master Cat! Will your owners be back soon? Huh? You stay silent?

THE CAT – I stay silent.

LANCELOT: And why if I may allow myself?

THE CAT – When you are nice and quiet in a warm place, it is wiser to snooze and not to say too much, my dearest one.

(And since all of us are in the said school or kindergarten yard, I add here the conclusion to Evgueny Schwartz’ tale: this Lancelot having slain the dragon and about to marry his lovely Elsa, discovers to his horror that the dragon has multiplied inside each and every one of the villagers. He is most distressed by this since it means everyone will need to be slain. He no longer feels like celebrating until he meets the gardener who says what follows:

THE GARDENER – But be patient, Mister Lancelot. I beg of you – Please be patient. Do some grafting. Light some fires – heat is good for growth. When pulling up weeds, be careful not to harm the healthy roots. Because if we think about it, people – more or less, of course – are in need of care.

And one of the friends says the wedding must take place anyway. A second friend adds:

THE SECOND FRIEND – Because joy also makes people better.

*

Yes, I know: talking of fires and increasing warmth doesn’t sound so wonderful, these days. Still. Neither the big nor the small dragons necessarily hold the key to how the story may evolve from there. (But god, how annoying they are with all their bragging like kids in the sandbox going VROOM VROOM OUT OF MY WAY! I’VE GOT THE BIGGEST TANKS! THE BIGGEST PLANES! THE BIGGEST PLANE CARRIERS! I’M THE ONE I’M THE ONE I’M THE ONE)

*

P.S. Someone having taken a look yesterday at the blog note published on December 30th 2021, here is the latest concerning Mezher Kartal and his companion: their lawyer having filed several motions for appeal, their initial appointment at OFPRA (The French administration responsible for the protection of refugees and stateless persons) has been pushed forward to an undisclosed date. Thus, they are still in France at the moment; and hoping for a decision that will eventually prove favorable.

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