“Giocare”

(ce qui veut dire “jouer” en italien).

En effet. Pas sérieux de jouer avec des mots, alors que les pays membres de l’OTAN ne peuvent pas s’entendre sur une réaction commune si la Russie effectue une incursion “mineure” en Ukraine. Mais l’influence que mes opinions peuvent avoir sur les membres de l’OTAN, je vous le donne en mille.

Je m’en tiens donc à mon carré de sable.

En 1909 à Trieste, Ettore Schmitz s’était lié d’amitié avec un irlandais du nom de James Joyce qui enseignait l’anglais à l’école Berlitz de la ville, tout en écrivant divers trucs dans ses temps libres. En 1927 alors qu’il était mieux connu sous son nom de plume d’Italo Svevo, Ettore a prononcé une conférence sur James Joyce,( qui n’enseignait plus l’anglais à l’école Berlitz de Trieste, ayant déménagé à Paris en 1920 et commencé une carrière publique d’écrivain publié.) Dans cette conférence – dont je ne possède qu’une traduction en français – je lis : “…notre destin consiste peut-être à ne pas savoir suffisamment jouer avec nos mots, qui sont nos maîtres plus que nos obligés.”*

Je tique très fort sur ce “consiste” d’allure un peu étrange dans le contexte. Raison pour laquelle, jouant moi-même avec la traduction en question, je décide qu’en fait, pour moi l’essentiel se trouve dans la seconde moitié de la phrase, puisque tout le plaisir que je trouve à lire James Joyce, c’est justement ce droit qu’il s’est arrogé de jouer tant et plus avec les multiples possibilités contenues dans les mots et leurs combinaisons diverses (la même raison expliquant sans doute mon amour des ‘nonsense limericks’ d’Edward Lear).

Or, si vous avez déjà observé un enfant au jeu, vous savez qu’il s’agit d’une occupation des plus sérieuses et qui requiert une concentration extrême. Dans ce carré de sable-ci, il y a beaucoup, beaucoup de moments dans les vies de beaucoup, beaucoup de gens réclamant de l’attention. Certaines voix sont plus timides et retirées que d’autres. Il faut un certain effort pour les entendre malgré ceux et celles qui vocifèrent à plein volume. Un frémissement ici. Un regard détournée là. Ecouter. Ecouter.

*

Ma librairie locale avait bel et bien une copie de livre de Roland Gori Et si l’effondrement avait déjà eu lieu – l’étrange défaite de nos croyances. ** Que je n’ai pas lu encore puisque, pour l’instant, le titre me suffit. Personnellement, je le trouve tout le contraire de désespérant. D’abord, parce qu’il me confirme dans mes propres impressions (ce qui est toujours agréable) et ensuite, parce qu’on ne peut pas gérer l’inconnu alors qu’avec du connu, on fait de son mieux pour se débrouiller. Ce qui me convient tout à fait.

*Italo Svevo Sur James Joyce, traduit de l’italien par Monique Baccelli, Éditions Allia, Paris 2014

**Roland Gori Et si l’effondrement avait déjà eu lieu – L’étrange défaite de nos croyances, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2022

(which means “to play” in Italian).

Really. Playing with words isn’t serious, while the member countries of NATO can’t agree on a common reaction,, should Russia make a “minor” incursion into Ukraine. But I’ll let you guess what influence my opinions would have on NATO members.

So I’ll stick to my sandbox.

In 1909 in Trieste, Ettore Schmitz was friends with a certain James Joyce who taught English at the town’s Berlitz school, while writing this and that in his free moments. In 1927, better known then under his pen name of Italo Svevo, Ettore gave a conference on James Joyce (who was no longer teaching English at Trieste’s Berlitz, having moved to Paris in 1920 and begun his public career as a published writer). In this conference – of which I only have a French translation, I read: “…our fate consists perhaps of not knowing sufficiently how to play with our words, which are our masters more than our indebted ones.”

I have strong reservations to the word “consists” which strikes me as rather odd in this context. Reason for which, playing with the sentence myself, I decide the second half of it is what matters to me, since all the pleasure I find in reading James Joyce is precisely the right he assumes of playing as he so wishes with the multiple possibilities words and their various combinations contain (the same reason probably explaining why I take so much pleasure in Edward Lear‘s nonsense limericks.)

Now, if ever you have observed a child at play, you know this is the most serious of occupations requiring utmost concentration. In this particular sandbox at the moment, there are many many moments in many many different peoples’ lives in need of attendance. Some of the voices are more bashful and retiring than others. Hearing them despite the more raucous ones takes some doing. A twitch here. Averted eyes there. Listening, listening.

*

My local bookstore indeed had a copy of Roland Gori’s Et si l’effondrement avait déjà eu lieu – l’étrange défaite de nos croyances. (What if the collapse had already occurred – the strange defeat of our beliefs). Which I haven’t read yet since the title is enough for me at the moment. Personally, I find it the opposite of despairing. First of all, because it confirms me in my own impressions (which is always pleasant) and also, because you can’t manage the unknown whereas you can do your best to muck through what is known. Which suits me to a T.

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