Malentendus/Misunderstandings

je suis, et demeurerai sans doute, impubliée. Sauf pour mes différents blogs qui couleront plus ou moins lentement jusqu’au fond de la grande fosse d’internet; peut-être certains fragments en seront-ils repris par un(e) inconnu(e) pour se l’approprier sous une forme ou sous une autre. Je devrais en être désolée mais, soit que je pratique l’art du déni à merveille, soit la notion ne me fait-elle plus le moindre effet. Ou alors, si peu qu’il ne vaut pas la peine de s’y attarder. Comme de regarder une photo ancienne et de se dire “ah oui…” sans plus.

Sans plus.

Cette réflexion est inspirée par la liste des oeuvres de Nancy Huston qui ouvre l’un des livres qu’on m’a offert à Noël (Infrarouge*). Le livre fut publié en 2010 et déjà, la liste de ses écrits couvrait une page entière – romans, livres pour enfants, essais, théâtre… Je ne sais pas pourquoi, ça me donne envie de rire. Comme si quelqu’un d’autre avait réalisé un vieux rêve (celui d’être publiée chez Actes Sud, justement) et que, du coup, j’en étais d’autant plus délivrée qu’elle, la ‘canadienne-anglais’ amoureuse du français, me délivrait moi, la ‘canadienne-française’ de quelque obligation que ce soit, dans le domaine de la langue et de la littérature.

Non, je ne me sens pas dévorée d’envie par la trajectoire de Nancy Huston et je n’ai pas non plus l’impression d’être une grande artiste ignorée qui ne sera découverte qu’après sa mort. Je ressens un fond de tristesse et de regrets pour celle que je fus et qui y crut très fort, un jour. Alors qu’au fond, j’écris, c’est tout. D’autres parlent, moi j’écris. Même quand je parle, c’est souvent un ersatz d’écriture. C’est comme ça, avec ni plus ni moins de signification que l’individu qui passerait ses journées à fabriquer des cocottes en papier – ces formes que nous fabriquions, enfants, petits carrés supposés révéler goûts ou désirs des uns et des autres: couleur préféré, endroit préféré, amour secret – chaque carré révélant quelque chose, supposément. Regrets comparables à une vieille cicatrice, trace d’un incident de vie. Des malentendus ? À profusion, et aussi quelques ‘occasions manquées’, ici et là.

Il fut un temps où j’ai cru vouloir être publiée. Je crois que je m’imaginais qu’être ‘reconnue’ avait quelque chose à voir avec ‘être aimée’. Alors qu’en fait, écrire pour moi est peut-être l’équivalent de ce que faisait la gamine jadis, quand elle creusait des grottes dans la neige pour y introduire des personnages en neige qui fondraient au printemps et répandraient leurs histoires dans la terre, ni vu ni connu et sans devoir en répondre à personne.

Mais bon. Chaque fois que quelqu’un insiste “mais il faut envoyer tes histoires !” ici, là, ou autre part, je n’ai qu’une envie : courir me cacher quelque part et faire semblant d’être invisible. Ce blog étant l’endroit où je dis mon “et pourtant non, je suis, bel et bien quelqu’un qui écrit” parce que cela fait partie de qui je suis.

*Nancy Huston, Infrarouge, Actes Sud/Leméac 2010

*

Voilà pour les états d’âme causés par le fait de lire le travail de quelqu’un d’autre. Pour le reste, après une soirée avec une amie enseignante au primaire, je me demande comment comprendre des inepties aussi énormes que le fait d’exiger de ne pas mélanger les groupes à l’école pour éviter la contagion…et regrouper des classes de CM-1 et de CM-2 de deux écoles pour le traditionnel départ en classe de neige aujourd’hui ? Les CM-2 parce le Covid leur a fait raté la classe de neige l’année dernière.

Donc, contrôles stricts maintenus dans les petites classes, départs en vrac à la neige pour les autres pendant que Le Monde nous apprend que “le gouvernement a pris la décision de laisser se propager le virus”, question de voir comment les choses évolueront…

“Essayer de comprendre, c’est commencer à désobéir” disait jadis le manuel d’instruction pour les aspirants-officiers de l’armée française dans les années cinquante. Peut-être le dit-il toujours aujourd’hui. En tout cas, ça résume le climat actuel dans la France dite “des Lumières”.

*

I am, and will undoubtedly remain, unpublished. Except for my various blogs that will sink more or less slowly to the bottom of the internet abyss; perhaps some fragments of them will be picked up by someone who will re-appropriate them in one form or another. I should be saddened by this but, either I’m remarkably gifted in the art of denial, or the notion no longer impresses me. Or, so lightly that it’s not even worth spending time on it. Like looking at an old photo and saying “ah yes…”, and no more.

And no more.

This reflection is inspired by the list of works by Nancy Huston that leads off one of the books I was offered at Christmas (Infrarouge). The book was published in 2010 and already, the list of her writing covered an entire page – novels, books for children, essays, theatre…I don’t know why, this makes me want to laugh. As if someone else had accomplished an old dream of mine (that of being published by Actes Sud, precisely) and by the same token had released me from it, even more so because she, the “English-Canadian’ in love with the French language delivered me, the “French-Canadian” from all obligations whatsoever, in the realm of language and literature.

No, I don’t feel devoured by envy for Nancy Huston’s trajectory, nor do I consider myself a great ignored artist to be discovered after my death. I feel dregs of sadness and regret for the one I was, at one time, and who believed in it so much. When basically, I write, that’s all. Others talk, I write. Even when I talk, it’s often an ersatz of writing. That’s how it goes, and it has no more and no less meaning than a person who would spend his or her days folding paper into those shapes we made as children – little squares meant to reveal one another’s tastes and yearnings: favorite colour, favorite space, secret love, each square supposedly revealing something. Regrets comparable to an old scar, the trace of a life incident. Regrets over misunderstandings galore and a few ‘missed opportunities’ along the way.

There was a time when I dreamed of being published. I think I confused the fact of ‘being recognised’ with the reality of ‘being loved’. When in fact, writing for me may be more like the equivalent of what the little kid did when she dug caverns in the snow to fill them with snow people who would melt in the spring and spread their stories in the ground, unknown to everyone and with no need to answer for the deed in any way.

That’s how it goes. Each time someone insists “but you must send out your stories!” here, there or somewhere else, I have but one urge: to go hide somewhere and become invisible. This blog being the space where I say ‘and yet, I am truly someone who writes’, simply because this is part of who I am.

*

So much for inner emotions brought on by reading someone else’s work. As for the rest, following an evening spent with a school teacher in a primary grade, I wonder how one is supposed to understand such enormous stupidities as insisting that each class be kept apart from the others to avoid contagion… while regrouping two grade levels from two different schools today for their traditional trip up to the mountains for a week of classes and skiing. The older kids being included because Covid made them miss out on this last year. So, strict controls maintained on the younger children, while the slightly older ones leave with a bunch of others for the snow holidays, while we learn from Le Monde that the government has decided to let the virus propagate in a wait and see approach.

“Attempting to understand is the onset of disobedience” used to say the officer training manual for the French army, back in the fifties. Perhaps it still says the same thing. At any rate, it sums up the current climate in France, the so-called home of “Enlightenment”.

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