
C’était en 2010, je crois. Indignez-vous, sommait Stéphane Hessel dans un pamphlet. L’ennui c’est qu’un ressenti, quel qu’il soit, se dissout après un certain temps, remplacé par un autre. Et, dans le cas de l’indignation sans issue – je veux dire, celle qui ne se nourrit pas de combustibles plus substantiels qu’une image ou quelques mots dans un fatras d’autres sollicitations – ça peut mener tout droit à la violence, ou à l’impuissance, puis à l’indifférence. Ça n’est pas pour rien d’ailleurs que le dernier paragraphe de Iouri Olecha dans L’Envie consiste en un éloge à l’indifférence: “Je crois que l’indifférence est l’état le plus agréable de l’homme. Soyons indifférents Kavalerov !”
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Et puis, s’il est une chose que les puissants adorent, c’est de regarder les faibles et les impuissants s’indigner sans résultat. La servante écarlate de Margaret Atwood est un roman puissant, mais je ne suis pas certaine que de se revêtir de robes écarlates soit une façon terriblement efficace de contrer des subventions de plusieurs millions à des groupes anti-avortement.
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Interruption des plus bienvenues : La nouvelle m’arrive alors que je tape ce texte: Mezher Kartal a été relâché du centre de rétention. Pas de nouvelles encore sur sa demande d’asile et celle de sa compagne, mais au moins, ils sont à nouveau réunis.
(Aux dernières nouvelles – en date du 24 janvier 2022 – son avocat ayant déposé plusieurs recours, la date de son audition devant l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) aurait été reportée à une date ultérieure. Affaire toujours en cours, donc.)
Je venais de terminer la traduction d’une invitation à visionner un documentaire sur Arte.
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Puis, de façon quasi dilettante, je m’amuse à situer à différentes adresses dans l’un de 33 appartements (3 des 36 n’existant plus pour des raisons qu’il me reste à découvrir), les petits extraits de vie fictifs dont je fais des récits.
Et je lis. Je n’ai pas encore totalement perdu l’art de la conversation en “présentiel” mais, c’est clair, je ne commets aucuns abus dans ce sens, ces jours-ci… J’ai toujours dit que d’écrire consistait à déplacer les mots depuis la bouche vers les doigts, mais quand même, parler en vrai, de temps en temps, c’est pas mal non plus…
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It was in 2010, I think. Time for Outrage! called Stephane Hessel in his pamphlet.
The problem being that a sensation, no matter which, dissolves after a time, replaced by another. And in the case of indignation/outrage without an outlet – meaning, a sensation that doesn’t feed on more substantial fuels than an image or a few words overheard in a mix of others – can lead straight either to violence, to powerlessness, and finally, to indifference. Not for nothing is the final paragraph in Olesha’s Envy in praise of indifference: “I believe indifference is man’s most pleasant state of being. Let’s be indifferent, Kavalerov!”
Plus, if there’s one thing the powerful adore, it’s looking at the weak and powerless expressing indignation and outrage to no avail. Margaret Atwood’s The Handmaiden’s Tale was a powerful statement. I’m not sure donning scarlet robes made for a terribly effective counter measure to multi-million funding to anti-abortion groups.
*Most welcome interruption – Breaking news as I type this: Mezher Kartal was released from the retention center. No news yet concerning his asylum request and that of his companion, but at least, they are together again. Further news will follow.
I had just finished translating an invitation to view a documentary on Arte. (I’ll add the English text as soon as it appears.)
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Then in a quasi-dilettante sort of way, I amuse myself in setting in various addresses the 33 apartments (3 out of the 36 no longer existing for reasons still unknown to me), for the fragments of fictional lives I’ve written.
And I read. I’m certainly not overdoing things as far as real-time conversations with live people these days but clearly, I’m not abusing the privilege… I always said writing was about moving the words from the mouth to the fingers, but still, talking for real isn’t bad from time to time…