
“Ce que je n’arrive pas à comprendre, dit-elle, c’est comment ils peuvent commettre la même erreur chaque fois. Encore et encore.”
C’est avec ces mots que s’ouvre la contribution d’une certaine Maggie à la collection de moments de vie que j’écris ces jours-ci.
Maggie a treize ans. On lui pardonnera donc sa naïveté, si telle est bien ce qu’elle affiche.
C’est une scène très courte. Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il adviendra d’elle; si elle parviendra à maintenir son propre regard ou si elle se fera bouffer par une ou l’autre des visions toutes faites l’entourant.
Et qui seront ceux qui compteront le plus dans sa vie.
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Deux articles lus hier, dont l’un que j’ai ensuite traduit. Tous deux parlant de la faim. Le premier, dans The New York Times, concernant la décision des autorités de la ville de Newark dans le New-Jersey, d’imposer des permis aux personnes ou aux associations distribuant de la nourriture à leurs congénères vivant dans la rue – en forte augmentation avec l’arrivée de la pandémie. Newark devenant ainsi la 18e ville aux Etats-Unis interdisant ou restreignant le droit de nourrir des personnes dans la misère. Deux arguments invoqués à Newark sont également répugnants: le premier prétextant qu’il s’agit de s’assurer de la qualité des aliments proposés (et si y croyez, vous devriez vous faire examiner); le second, prétendant que ces distributions de nourriture encouragent les gens à rester à la rue.
Ah oui, on s’en doute bien : les gens abandonnent maison, voiture, famille et amis pour le très grand appétit qu’ils éprouvent pour une tasse en polystyrène contenant de la soupe, deux petits pains et une autre tasse contenant un chocolat chaud aqueux, servis en fin de journée dans les rues glacées de Newark.
Evidemment, nul besoin d’aller à Newark pour ce genre de choses. Nourrir des migrants à Calais ou ailleurs en France devient de plus en plus difficile en raison des restrictions sévères. Apparemment, certains estomacs vides sont illégaux et d’autres, non. Et arroser les invendus d’eau de javel dans les bacs à ordure est une mesure d’hygiène public. Si vous croyez cela, c’est que vous n’avez jamais connu la faim dans votre vie. (Post-scriptum: la faim n’est pas cette sensation ressentie trois heures après le repas précédent.)
Le second article est ici. Si vous ne dites qu’il n’y a aucun rapport entre ces deux situations, je vous répondrai que vous faites gravement erreur. Après tout, il faut bien que l’inhumanité commence quelque part.
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“What I can’t understand is how they can make the same mistake each and every time. Over and over again.”
These words open a certain Maggie’s contribution to the collection of life moments I’m writing these days.
Maggie is thirteen years old. Her naiveté is forgivable, if such is truly what she’s displaying.
It’s a very brief scene. I can’t help wondering what will become of her; if she will manage to maintain her own outlook or if she will get swallowed up by one or another of the ready-made visions surrounding her.
And who will be the ones who will matter the most in her life.
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Two articles read yesterday – one of which I translated. Both dealt with hunger. The first, in The New York Times, spoke of the decision taken by the city of Newark in New Jersey, to impose permits on individuals or associations providing food to street people – who have increased with the pandemic. Newark will thus become the 18th city in the United States where such food distributions are either forbidden or restricting the right to feed people facing hardship. Two of the arguments invoked in Newark are equally repugnant: the first claiming such permits are to insure the quality of the food being distributed (and if you believe that, you should have your head examined);the second stating that food distributions encourage people to stay on the streets.
And yes, don’t you know it, I’m sure people abandon their house, their car, their friends and family for the huge appetite they have for a polystyrene cup of soup, two bread rolls and another cup of watery hot chocolate served at the end of a freezing cold day on the streets of Newark.
Of course, there’s no need to head to Newark for this kind of thing. Feeding migrants in Calais and elsewhere in France is becoming something severely restricted. Apparently, some empty stomachs are illegal, and others not. And sprinkling bleach on unsold articles in garbage bins is a measure of public hygiene. Believe that and pray to the heavens never to go hungry in your life. (P.S. hungry isn’t something you experience three hours after your previous meal.)
The second article is here. If you will tell me there’s no connection between the two, I will answer you are gravely mistaken. After all, inhumanity has to start somewhere.