Puisque c’est comme ça…/If that’s the case…

J’ai ouvert ma copie de la société autophage par Anselm Jappe à la recherche d’autre chose, et je suis tombée sur ce qui suit:

Les statistiques nous parlent d’une augmentation très forte des cas de dépression au cours des dernières décennies dans les pays “avancés”. Il existe deux explications très différentes de ce phénomène, l’une et l’autre assez inquiétantes : ou les statistiques correspondent à la réalité, et la société est alors littéralement en train de devenir pathologique, ou ce sont les entreprises pharmaceutiques, et la psychiatrie en général, qui ont réussi à élargir démesurément les critères de définition de la dépression afin de vendre plus de pilules. Selon la cinquième version du manuel de psychiatrie DSM, une personne qui reste en deuil plus de deux semaines après la mort d’un proche en montrant des sentiments de vide, de tristesse ou de fatigue combinés à de l’inquiétude doit être considérée comme dépressive et peut être traitée avec des médicaments ! Dans la troisième version de ce manuel, sortie en 1980, un deuil d’un an était encore considéré comme normal; dans la quatrième version de 1994 ce délai avait déjà été abrégé à deux mois. C’est ce qu’Alain Ehrenberg appelait il y a déjà vingt ans la transformation des problèmes existentiels en problèmes psychiatriques à traiter médicalement.” *

Il s’adonne que la nouvelle que je suis en train d’écrire concerne une femme de presque cinquante ans dont la vie serait sans aucun doute décrite comme “un échec” par tous les experts actuels; et malgré qu’elle ne soit pas une tarte, elle ne se ressent pas du tout comme tel.

Je suppose que cela fait d’elle une candidate pour la maison des fous.

Alors que je vais mettre de côté pour le moment la lecture d’autres “nouvelles depuis le monde considéré normal” et rester avec Dorothea (ses amis l’appellent Dotty.)

*Anselm Jappe, la société autophage – capitalisme, démesure et autodestruction, éditions la découverte, 2017

*

I opened my copy of Anselm Jappe’s La société autophage in search of something else but came across the following:

“Statistics tell us of a very strong increase in the cases of depression in the last decades in ‘advanced’ countries. There are two very different explanations to this phenomenon: either the statistics match up with reality and society is literally becoming pathological, or pharmaceutical firms, and psychiatry in general, have managed to widen unduly the criteria defining depression in order to sell more pills. According to the fifth version of the DSM psychiatry manual, a person who remains more than two weeks after the death of a close one, with feelings of emptiness, of sadness or of fatigue combined with worry must be considered depressive and can be treated with medication! In the third version of this manual, published in 1980, a mourning period of one year was still considered normal; in the fourth version of 1994, this delay had already been shortened to two months. This is what, already twenty years ago, Alain Ehrenberg called the transformation of existential problems into psychiatric problems to be treated medically.”

It so happens that the short story I’m currently writing is about a going-on-fifty year old woman whose life would certainly be described as ” a failure” by any and all current pundits; and despite the fact she is not a dummy, this woman doesn’t even feel like a failure, not even one bit.

I guess she’s really a case for the looney bin.

So I’ll put off the reading of more ‘news from the world currently called as normal’, for the time being and stay with Dorothea (known as Dotty by her friends.)

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