
Ça doit être le fait de l’écrire avec un K qui fait toute la différence; toutes les horreurs qu’on ne se permettrait pas (enfin, plus difficilement…) avec un qu en français et un cs en anglais, toutes sans exception deviennent acceptables – voire, souhaitables, essentielles, inévitables – si on écrit politique avec un K.
Qu’on ne vienne pas me dire, après ça, que l’orthographe n’a pas son importance. Avec un k on peut tuer, avec un qu, on peut envoyer les autres se faire tuer à sa place, après un petit laïus. Nuance, quand même.
*
Cela dit, je ne suis pas prête de prêter ma copie de La force de la non-violence de Judith Butler à qui que ce soit, tant ma copie est couverte de ratures et de griffonnages.
Comme je n’ai jamais lu un de ses ouvrages en anglais, je ne sais pas si la faute en est à la traduction ou au texte d’origine. Chose certaine – et malgré ma sympathie pour la difficulté rencontrée par le traducteur – le néologisme employé pour traduire le “grievability” de Butler en français m’hérisse au plus haut point.
Je sais bien qu’en français, on dit “pleurer quelqu’un” pour exprimer l’émotion (sincère ou pas) ressenti à sa mort. Mais est-ce un raison pour utiliser le néologisme ‘pleurabilité” à longueur de pages ? J’entends bien que Butler veut dire que les normes sociales nous amènent à distinguer constamment entre gens qui valent la peine qu’on s’attarde sur leur sort et tous les autres qui meurent dans le silence, l’indifférence ou dans des violences génocidaires. Je suis totalement d’accord lorsqu’elle dit que “nous n’avons pas à nous aimer les uns les autres pour nous engager dans une solidarité riche de sens.”
Mais, de grâce, qu’on m’épargne le charabias où il est question de “vies plus ou moins pleurables”. Tant qu’à être dans les néologismes, devrait-on créer un ” index de lacrimosité” avec ça ?
*
Entretemps, j’ai refait une traduction anglaise de la lettre ouverte de Selahattin Demirtas, basée sur la traduction française et une connaissance des traductions françaises de ses deux recueils de nouvelles (L’Aurore et Et tournera la roue) pour une impression de comment cet hommes s’exprimerait, s’il le faisait en anglais.
Puis un réveil beaucoup trop matinal a mené à l’écriture d’un petit truc que je m’en vais revisiter de ce pas.
*
It must be the fact of writing the word with a K that makes all the difference. All the horrors that wouldn’t be allowed (well, with greater difficulty…) with a que in French and a cs in English, every one of them without exception becomes acceptable – nay desirable, essential, inevitable even – if you write politics with a K.
After that, let no one come and tell me spelling doesn’t matter. With a K, you can kill without compunction, with a cs, on can send others to their death after a little tribute. There’s a nuance in there.
*
That said, I’m not about to lend my copy of the French translation to Judith Butler’s The Force of Non-Violence – so covered is it with strike-outs and pencilled-in comments.
As I’ve never read any of her work in English, I don’t know if the problem lies with the original or with the translation. One thing is for certain – and despite my sympathy for the difficulty encountered by the translator – the neologism used to translate Butler’s notion of “grievability” raises my hackles.
I know full well that in French one uses the words “shedding tears over someone” to express the emotion (whether sincere or not) over a death. But is this an adequate reason for using the neologism “pleurabilité” in page after page? I fully understand that Butler is saying that social norms lead us to mourning some people while the deaths of others go by in silence, indifference or in genocidal violence. I totally agree when she writes “…we don’t need to love one another in order to engage in a meaningful solidarity”.
But please, spare me gobbledegook about lives calling for more or less tears. As long as we’re creating neologisms, should we consider a “Lacrimosity Index” while we’re at it?
*
Meanwhile, I made a new translation of Selahattin Demirtas’ Open Letter based on the French translation and my knowledge of French translations of his two collections of short stories (The Dawn, And the Wheel Will Turn) for a sense of how the man would sound if he were expressing himself in English.
Then a much-too early awakening this morning led to the writing up of a little something I’m going to look over now.