oxymore/oxymoron

oxymore : figure de style qui consiste à concilier deux mots de sens contradictoire. Exemple: un silence assourdissant.

En semaine, trois préposées s’occupent des admissions et des sorties à la clinique. Le samedi, une seule.  Au moment de mon départ, c’est le calme plat.  La préposée fait preuve d’une gentillesse et d’une prévenance exemplaires. Au fil de la procédure, elle se permet des évocations personnelles au sujet de la mort de son mari il y a cinq ans, des suites d’un cancer. Ce qui débouche sur un échange concernant les lenteurs bureaucratiques de diverses administrations. Je ne peux que le reconnaître avec elle.

C’est alors qu’elle dit: “C’est parce que vous et moi avons des noms trop français, madame. Ce sont les étrangers qui ont la priorité dans ce pays, maintenant.”

Oxymore social : moment de dissonance cognitive lorsque la courtoisie exquise de surface se fissure pour révéler l’abime qui la sous-tend.

Comme elle se lance alors dans une diatribe contre ces étrangers tricheurs qui viennent profiter des avantages de son beau pays, je tente – poliment – de dire: 1: que je suis une étrangère moi-même 2: que les étrangers que je connais qui n’ont pas “l’avantage” comme moi d’être blancs de peau et familiers de la langue, ne correspondent pas du tout à l’image qu’elle semble en avoir et 3: que s’il y a des tricheurs parmi eux, on peut en dire autant au sujet de certains français de souche (un argument que je n’aime pas invoquer parce qu’on pourrait facilement y répondre que, justement, on a bien assez de tricheurs pur jus, pas besoin d’en importer.)

Mais j’ai l’impression de lancer des balles de ping-pong contre un mur de béton. Nous terminons la procédure administrative dans un silence, oui, assourdissant, et nous souhaitons mutuellement une bonne continuation avec des sourires figés.

Oxymores: expérience de plus en plus courante dans la “vraie vie”, ici et ailleurs et qui n’a rien d’une figure de style. Par exemple: une maman conduit son fils, chéri et armé, à une manif où il abat deux personnes et en blesse une troisième. Jugement : il n’a fait que se défendre. Localement, un officier de police qui s’est déporté pour asséner un coup de matraque sur le crâne d’une jeune femme se défend en affirmant qu’elle avait levé des bras (pour se protéger la tête, ce qu’il interprète comme un geste menaçant) et en plus, elle portait un sac à dos (et qui peut savoir ce qu’une jeune femme transporte dans un sac à dos, de nos jours ? ) Jugement: le policier n’a fait que son devoir.

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Cela dit, localement ce dimanche, outre les visites bijournalières de l’infirmière, un jeune garçon de 15 ans s’est proposé comme coursier pour mes achats au marché.  La perspective de fruits – kakis, kiwis, clémentines : irrésistible. Et la gentillesse, bien appréciée.

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(L’illustration ? Comme ça, aucune raison particulière, elle me plaît, c’est tout. Tirée de Emmanuelle Pernet, La sensation de la traversée.)

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Oxymoron: a rhetorical figure in which incongruous or contradictory terms are combined as in deafening silence.

On weekdays, three women handle admissions and departures at the clinic. On Saturday: only one. At my own departure time, she is unoccupied. Her kindess and thoughtfulness: exemplary. As the procedure evolves, she allows herself personal evocations about her husband’s death from cancer, five years earlier. Which leads to an exchange about slow-moving bureaucracies in various administrations. I can only concur.

This is when she says: “That’s because you and I have names that are too French-sounding, Madame. Foreigners have priority in this country now.”

Social oxymoron: moment of cognitive dissonance when exquisite surface courtesy splits open to reveal the underlying abyss.

As she then launches into a diatribe about those cheating foreigners who come to take advantage of her beautiful country, I attempt – politely – to insert the following : 1. that I am a foreigner myself, 2: that those foreigners I know, who do not have the “advantage” as I do of white skin and a good knowledge of the language, do not match the image she seems to have of them and 3: that if there are any cheaters among them, the same could be said of several natural-born French people (an argument I don’t like using because it could easily get as a response that we have enough true-blue cheaters in this country without importing new ones.)

But I get the feeling I’m bouncing ping-pong balls off a concrete wall. We end the administrative procedure in, yes, a deafening silence, before exchanging frozen smiles and wishing one another a fine continuation.

oxymorons: a more and more common experience in “real life”, here and elsewhere. For instance: a mother drives her darling son, armed with a weapon, to a demonstration in another town where he shoots and kills two people and wounds a third. Verdict: he was only acting in self-defense. Locally ? A police captain goes out of his way to smash a young woman’s skull at a demonstration because she has raised her arms (hoping to protect her head, but he says this is a threatening gesture) and besides, she had a backpack (and who knows what young women carry in their backpacks these days). Verdict: case dismissed, the police officer was only doing his job.)

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That said, on this Sunday, apart from twice daily visits from the home nurse, a young boy of 15 has kindly offered to serve as runner for my food shopping at the market. The prospect of fruit – kakis, kiwis, clementines: irresistible. And the kindness: most appreciated.

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(The illustration? Just like that, no particular reason. I like it, that’s all. From Emmanuelle Pernet’s La sensation de la traversée.)

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