
C’est peut-être une illusion, mais j’ai l’impression que, devant l’accumulation de nouvelles préoccupantes, des journaux dits “sérieux” offrent de plus en plus d’articles frivoles – dernières nouvelles au sujet de quelques célébrités (la royauté a toujours la cote), un monsieur qui nous informe que son épouse n’a pas une liaison avec son prof de karaté, un autre de 61 ans qui devient papa pour la première fois (en pleine extase au moment de l’article; ce qu’il en sera quand il aura 75 ans et la progéniture 14, je ne saurais dire.)
De toute façon, en matière de frivolité, j’ai pris les choses en main hier à l’atelier d’écriture. Cette année, nous écrivons des biographies imaginaires – d’illustres inconnus, d’animaux…Hier, je me suis amusée à écrire les temps forts dans la vie de Strelka (“petite flèche” en russe) qui, avec sa compagne canine Belka, un lapin gris, 40 souris, 2 rats, un nombre non précisé de mouches plus des plantes et des champignons, est revenue vivante d’une virée d’une journée dans l’espace (auparavant, la célébrissime Laïka, elle, était morte après quelques heures d’un vol sub-orbital. Je la regrette encore.)
Bref, suite à l’explosion d’un engin russe dans l’espace, certains articles ce matin parlent de “la déchetterie spatiale” au-dessus de nos têtes. Mais il n’en fut pas question hier à l’atelier et la Strelka imaginaire s’est avérée une conteuse aguerrie, même si son souvenir le plus attendrissant sera toujours, non pas sa rencontre avec des membres du politbureau, mais une aile d’oie exquise, rôtie juste à point, méthode utilisée pour la capturer au départ. (Les chiens utilisés dans ces vols étaient des chiens errants choisis pour leur taille – moins de 35 cm – et leur poids – moins de 6 kilos.) Mais tous n’avait pas la faconde de Strelka, peu s’en faut.
Voilà. Et aussi: un copain d’atelier me dit qu’il est plus que partant pour poursuivre la relecture de ma traduction/révision du Promeneur de crabes, ce manuscrit dédaigné en anglais et qui sera sans doute traité avec le même dédain en français. “Pas grave” comme disait l’instructeur de judo yougoslave en me relevant par le dos de ma tunique, après m’avoir aplatie comme une crêpe pour la nième fois. C’est le processus qui compte, je suppose. En tout cas, je suis tombée sur une copie racornie d’un bouquin publié en 1948 dans lequel Jean-Paul Sartre explique aux ploucs que nous sommes ce qui en est de la littérature. Je vous prie de me croire qu’on ne rigole pas avec Monsieur Sartre. Avec des phrases comme celle-ci: “La lecture, en effet, semble la synthèse de la perception et de la création; elle pose à la fois l’essentialité du sujet et celle de l’objet ; l’objet est essentiel parce qu’il est rigoureusement transcendant, qu’il impose ses structures propres et qu’on doit l’attendre et l’observer; mais le sujet est essentiel aussi parce ….”* Oui, bon, et ainsi de suite.
Je fais court pour dire que certains, dont je suis, écrivent parce que c’est leur façon préférée de s’exprimer. Ils/elles sont contents quand d’autres apprécient leurs écrits: mais ils/elles écriraient quand même, n’eut-il personne pour s’y intéresser.
Cela dit, je signale que Strelka et sa compagne de vol, Belka, ont été naturalisées (embaumées, quoi) et exposées au Musée des Conquérants de l’Espace. C’est bien. Mais…qu’en est-il du lapin gris, des 40 souris, des 2 rats, de la nuée de mouches, des plantes et des champignons. Est-ce vraiment équitable, camarades ?
*si ça vous intéresse d’en savoir plus, c’est dans Situations, II une collection de textes de Jean-Paul Sartre, livre publié en 1948 par Gallimard, et la citation est tirée du texte Qu’est-ce que la littérature ?
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This may be an illusion but I get the feeling that, with the accumulation of disturbing news, so-called “serious” newspapers are resorting more and more to ‘frivolous’ articles – the latest about various celebrities (royalty always sells), someone informing us his wife is not having an affair with her karate teacher, a 61 year old man becoming a father for the first time (he’s in full extasy at the time of the interview; I can’t say how he’ll feel about it when he turns 75 and his offspring is 14.)
In any event, I took things into my own hands yesterday, as pertains to frivolity. This year at the workshop, we are working on imaginary biographies – of famous unknowns, of animals… Yesterday, I amused myself by writing the main features in the life of Strelka ( ‘little arrow’ in Russian), who with her other canine companion, Belka, a grey rabbit, 40 mice, 2 rats, an unspecified number of flies, plants and mushrooms, came back alive after twenty-four hours spent in space (prior to this, the famous Laïka had died after a few hours in a sub-orbital flight. I still regret her passing.)
In short, following the explosion of a Russian space engine, there were articles this morning about this latest mishap adding more “space junk” above our heads . But there was no such talk at yesterday’s workshop and the imaginary Strelka proved herself to be a seasoned story-teller, even if her most moving memory will always remain, not her meeting with members of the Politbureau, but the exquisitely roasted goose wing used to capture her. (The dogs used in these flights were strays chosen for their height – a maximum of 35 cm – and their weight – no more than 6 kg.) But not all of them had the same way with a tale as did Strelka, far from it.
That’s about it. And also: a workshop buddy tells me he’s more than willing to go on revising my translation/revision of The Crabwalker, the manuscript sniffed at and rejected in English, and that may well prove to be sniffed at and rejected in French also. “Doesn’t matter” as the Yugoslav judo instructor used to tell me when picking me up from the floor on which he had slammed me down like a piece of dough for the umpteenth time. It’s the process that counts, I suppose. At any rate, I’ve come across a yellowed and frittering copy of a book published in 1948 in which Jean-Paul Sartre explains to us dummies what exactly is literature. Let me tell you, this is no laughing matter with Monsieur Sartre. With sentences such as the following: “Indeed, reading appears to be the synthesis of perception and creation; it establishes at the same time the essentiality of the subject and of the object; the object is essential because it is rigorously transcendant, it imposes its own structures, and we must wait and observe: but the subject is also…” Yes, well, and so on.
I cut him short because some of us write simply because it’s our favorite form of expression. We’re happy when others appreciate what we write; but we would write anyway even if no one was interested.
That said, I point out that Strelka and her canine companon Belka were naturalized (embalmed, in other words) and exhibited at the Museum of the Space Conquerors. Nice. But what about the grey rabbit, the 40 mice, the 2 rats, the countless flies, the plants and the musrooms? Is this truly fair, comrades?