conclure/ending

Il y a quelques mois de cela déjà, lorsque j’en suis arrivée à la fin de la version originale du récit en anglais, ne sachant pas vraiment comment conclure, je m’en suis tirée avec une sorte de pirouette; mais je savais déjà que ça ne tenait pas la route et qu’il faudrait trouver mieux. J’approche du terme de la traduction/révision en français. Le récit se passe fin 2015, début 2016. Nous savons tous que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. A savoir où en sont maintenant les personnages, et à quel moment le récit doit les laisser à leur propre sort, c’est toute la question. Tout en me posant des questions personnelles aussi lourdes que la pierre volante dans l’illustration ci-haut (mais, elle, bénéficie d’une cordelette la tenant suspendue, sorte de deus ex machina bien pratique).

En parallèle, je termine la lecture du roman d’Alice Zeniter, L’art de perdre, avec l’impression d’y croiser les personnes qui m’entourent quotidiennement. (Je note que le titre s’inspire d’un poème d’Elizabeth Bishop, The Art of Losing dont elle retient la traduction suivante par Alix Cléo Roubaud :

Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître,

tant de choses semblent si pleines d’envie

d’être perdues que leur perte n’es pas un désastre.

Perds chaque jour quelque chose. L’affolement de perdre

tes clés, accepte-le, et l’heure gâchée qui suit.

Dans l’art de perdre il n’es pas dur de passer maître.

Puis entraîne-toi, va plus vite, il faut étendre

tes pertes : aux endroits, aux noms, au lieu où tu fis

le projet d’aller. Rien là qui soit un désastre.

J’ai perdu la montre de ma mère. La dernière

ou l’avant-dernière de trois maisons aimées : partie !

Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.

J’ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,

des royaumes que j’avais, deux rivières, tout un pays.

Ils me manquent, mais il n’y eut pas là de désastre.

Elizabeth Bishop

(mais de toute évidence ce poème repose sur l’art fondamental et si délicat de l’ellipse; une pierre volante, sans mention de deus ex machina, en d’autres mots. Et, dans le roman, elle ne cite pas les derniers vers :

-même de te perdre (la voix blagueuse, un geste

d’amour) je n’aurai pas menti. C’est évident

l’art de perdre n’est pas trop dur à maîtriser

même s’il peut sembler (Écris-le !) comme un désastre.

*

A few months ago already, when I reached the end of the original version of the story in English, not knowing how to really end it, I pulled a kind of sidestep; but I knew already that it wouldn’t stand and that I’d have to find something better. I’m almost at the end of the French translation/revision. The story is set at the end of 2015, beginning of 2016. As we all know, much water has flowed under the bridges since. The whole question becomes knowing where the characters stand at the moment when the story must let them work out their own fate. While weighing personal issues as weighty as the flying stone in the illustration above (but it has the benefit of a string holding it suspended, a kind of most convenient deus ex machina.)

In parralel, I am finishing the reading of Alice Zeniter’s L’art de perdre (The Art of Losing) with the impression of coming across people I know well and meet every day. (I note that the title is inspired by Elizabeth Bishop’s poem The Art of Losing):

The art of losing isn’t hard to master;

so many things seem filled with the intent

to be lost that their loss is no disaster.

Lose something every day. Accept the fluster

of lost door keys, the hour badly spent.

The art of losing isn’t hard to master.

Then practice losing farther, losing faster:

places, and names, and where it was you meant

to travel. None of these will bring disaster.

I lost my mother’s watch. And look! my last, or

next-to-last, of three loved houses went.

The art of losing isn’t hard to master.

I lost two cities, lovely ones. And, vaster,

some realms I owned, two rivers, a continent.

I miss them, but it wasn’t a disaster.

-Even losing you (the joking voice, a gesture

of love) I shan’t have lied. It’s evident.

The art of losing’s not too hard to master

though it may look like (Write it!) like disaster.

Elizabeth Bishop

(clearly, the entire poem rests on the very basic and delicate art of the ellipse. A kind of flying rock, without the mention of the deus ex machina).

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