singulier-collectif/singular-collective

C’est le plus difficile – concilier le singulier et le collectif.

Seule, le sentiment d’impuissance gagne, facilement. Ça n’est pas par ignorance – bien au contraire. C’est plutôt une forme de sidération devant la monstruosité de ce qu’on ne peut même pas qualifier d’erreurs, puisque ces actes sont commis en toute connaissance de cause.Une erreur, ça se reconnaît, ça se corrige, parfois. mais la destruction consciente de la terre qui nous soutient, de l’air que nous respirons, de l’eau sans laquelle on ne peut pas vivre, y a-t-il un nom pour ça ? Et quand bien même on y trouverait un nom, on peut les arrêter, les conscients-de-détruire-mais-l’important-c’est-de-rassurer-les- actionnaires ? Parce que nous, hein, se disent-ils, on trouvera bien moyen d’éviter le pire pour nous-mêmes. et après nous, déluge, incendies, fonte des glaces, effondrement d’éco-systèmes…who cares ?

Ils le savent. Ils le savent très bien. Mais de se savoir mortel n’a jamais empêché la connerie, grande ou petite, parce que dire “je le sais”, ça ne veut rien dire du tout. Les marchandages et les négociations sous la table se poursuivent derrière les déclarations de principe pompeuses,vertueuses comme si le tout était une énorme blague cosmique. Ben oui, on vit, ben oui, on meurt, et puis après puisque moi, illustrissime nullité de chez nul, j’ai battu les résultats du 2e trimestre de notre concurrent ?

Il y a plusieurs personnes pour me dire qu’on y peut rien, alors vaut mieux ne pas y penser. C’est un point de vue. Je ne sais pas comment ils s’y prennent.

Non, je ne passe pas mes journées et mes nuits à macérer dans l’angoisse impuissante, mais je ne comprends pas non plus en quoi nous nous distinguons vraiment des autres espèces dont nous avons hâter l’extinction sans vraiment y réfléchir davantage. Il faut croire que c’est un trait de caractère de notre espèce. J’en reste perplexe.

Alors, j’agis à mon tout petit niveau. Avec des mots, puisque c’est la matière que je manie le mieux. Les miens et ceux que je traduis pour d’autres. L’équilibre, comme de mettre le poids sur un pied, soulever l’autre, demeurer en suspens sur l’un, puis poser l’autre. Et recommencer, encore et encore.

*

Eh oui, le moral tombe parfois bien bas. Comment l’éviter ? Quand il y a tant de beautés dans le monde, l’idée que des imbéciles saccagent et détruisent en toute impunité…

Quelques images de la petite Amal, malgré tout. Un pied, soulever l’autre, suspension, poser le premier…

(Illustration : Et la lumière ? La merveilleuse lumière ? Ils s’en fichent aussi, ces imbéciles, si elle n’apparaît pas sur leurs résultats du troisième trimestre ? Ici, elle est sur Albi, parce que l’histoire que j’écris s’achemine vers sa conclusion dans cette ville.)

*

It’s the hardest of all – combining the singular with the collective.

Alone, the feeling of powerlessness easily wins. Not from ignorance – quite the opposite. It’s more like a stunned feeling when faced with monstrosities you can’t even call errors, since they result from actions committed in full knowledge of the consequences. An error, you can acknowledge and correct, at times. But the conscious destruction of the earth that upholds us, of the air we breathe, of the water without which we cannot live, is there a name for that? And even if we were to give it a name, we can stop the ones aware-of-destroying-but-reassuring-shareholders-is-what matters? Because we will find a way to avoid the worst for ourselves, right ? And after us, floods, fires, melting ice, collapse of eco-systems…who cares ?

They know. They know full well. But knowing you’re mortal never prevented any stupidity, great or small, because saying “I know it” doesn’t mean a damn thing.The haggling and the side deals behind the pompous, virtuous declarations of principle carry on, as if the whole thing was just one huge cosmic joke. So we live. So we die. Wotthehell since I, most famous nincompoop of them all, beat our competitor’s results for the second quarter?

Several people tell me we can’t do a thing about it, so it’s best not to give it a thought. It’s a point of view. I don’t know how they manage it

No, I don’t spend my days and my nights stewing in helpless anguish, but neither do I understand how we truly distinguish ourselves from other species whose demise we brought on without really thinking about it either. I guess this happens to be a trait specific to our species. It leaves me feeling perplexed.

So, I act at my tiny level. With words since they are what I handle best. My own and those I translate for others. A balancing act, like landing all the weight on one foot, lifting the other, remaining suspended on the one, then landing the other one. And again, over and over.

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Yes, morale runs low at times. How could it not? When there is so much beauty in the world, the thought of the idiots destroying and wrecking, in total impunity…

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Some photos of Little Amal despite everything. One foot, lift the other, suspension, land the first….

(Illustration: and the light ? The marvellous light ? They don’t care about it either, those nincompoops, if it doesn’t appear in the results of the third quarter? – Here it is on Albi, because the story I’m writing is winding toward a conclusion in that town.)

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