Des faits et rien d’autre/ Facts, and nothing else

Pendant qu’Anouchka poursuit son errance dans le métro de Moscou (dans Les pérégrins d’Olga Tokarczuk*), je jette un coup d’oeil sur les informations où un bout de conversation enregistrée par la jeune byélorusse aux jeux olympiques la révèle soumise à une menace à peine voilée de “suicide” – justement au moment où on retrouve le corps d’un de ses compatriotes, pendu dans un bois. C’était un “politique”, lui, et elle, pas du tout. La différence ? Aucune quand le pouvoir se sent menacé.

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Entre deux traductions pour Kedistan, le hasard me fait ouvrir un livre parfaitement délirant, Jeanne la Lorraine, publié à Paris en avril 1914 (soit quelques mois avant le début de la première guerre mondiale.) L’auteur, un certain Jean-Baptiste Coissac, prétend livrer un “compte-rendu fidèle” de la vie bénie de Jeanne d’Arc. Quelques lignes tirées de son introduction:

Jeanne d’Arc est la sublime réalité dans laquelle se sont incarnées les plus saines énergies de la nation française, et, chose admirable ! à mesure qu’elle recule dans l’histoire, elle s’élève dans la vérité. De telle sorte que vouloir ajouter à sa vie les ornements de la fiction est devenu, dans notre temps, une insulte à sa mémoire : pour être belle, il lui suffit d’être vraie.”

Cela dit, Monsieur Coissac s’attelle à l’ornementation de cette supposée biographie et se retire tellement loin de la fiction qu’il en vient à saisir des échos, quelques cinq cent ans plus tard, du monologue intérieur de Jeanne. (Il ne s’attarde pas sur la menace du père de noyer sa fille de ses propres mains si elle va à l’armée; papa change d’avis lorsque fifille devient la version 15e siècle d’une Célébrité Instagram.)

Bref, l’illustre auteur dans la série Gestes Héroïques de Douce France de la Librairie Larousse, après quelques ajustements dans son mode de vie, se sentirait parfaitement à l’aise dans certaines émission “d’affaires publiques” en douce France 2021.

*Olga Tokarczuk, Les pérégrins, traduit du polonais par Grazyna Erhard, Le livre de poche, 2010

Illustration: je ne peux résister à la tentation de vous offrir cette image de notre héroïne. Son réalisme a de quoi vous faire tomber de cheval. Quant à la maison natale de Jeanneton, dessinée par Maggie, il lui manque un détail important puisque, à l’époque, la prospérité d’une famille ne se mesurait au nombre de voitures dans le garage, mais à la hauteur du tas de fumier devant sa porte… et non, le tourbillon en arrière-plan ne représente pas un ouragan sur le point de s’abattre sur Domrémy.

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While Anushka continues wandering in the Moscow metro, (in Olga Tokarczuk’s Peregines) I take a look at the news, in which a bit of conversation recorded by the young woman from Belarus at the Olympics reveals her being subjected to a barely veiled threat of “suicide” – precisely when one of her compatriots’ body is found, hanging in the woods. He was a “political activist”, she has nothing to do with politics. The difference? None when power feels threatened.

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Between two translations for Kedistan, I happened to open this perfectly insane book titled Jeanne la Lorraine published in Paris in April 1914 (that’s a few months before the start of the First World War). The author, one Jean-Baptiste Coissac, purports to give a ” factual accounting” of the blessed life of Joan of Ark. A few lines from his introductory prose:

Jeanne d’Arc is the sublime reality in which are incarnated the healthiest energies of the French nation and, how admirable! the further she moves back in history, the higher she rises in truth. So much so that wanting to add to her life fictional ornaments is an insult to her memory: in order to be beautiful, she only needs to be true.”

Monsieur Coissac then proceeds to ornamenting this supposed biography and removes himself so far from fiction as to literally hear voices, just like she did. In his case it is the inner monologue in Jeanne d’Arc’s head of which he managed to catch some echoes, some five hundred years later. (He doesn’t delve on the girl’s father saying he will drown her with his own hands if she goes off to join the soldiers; daddy changes his tune when daughter becomes something of a fifteenth century Instagram Celebrity.)

In short, the illustrious author in Larousse’s series of Heroic Scenes in Gentle France, with a few adjustments in his daily lifestyle, would feel right at home in some “public affairs” programs in the Gentle France of 2021.

Illustration: I can’t resist providing this lifelike illustration of our heroine. The realism is enough to knock you off your horse. As far Maggie’s drawing of Jeanneton’s family home, it lacks one important detail, since at the time, a family’s wealth was not measured in terms of the number of cars parked in the garage but by the size of the pile of manure at the front door.

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